La nouvelle procureure générale de Lyon affiche ses ambitions


vendredi 10 décembre 20215 min
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Fabienne Klein-Donati a été nommée procureure générale près la cour d’appel de Lyon, et officiellement installée le 1er octobre, après sept années passées au parquet de Bobigny en tant que procureure de la République. Elle succède pour la seconde fois à Sylvie Moisson et veut lutter contre toutes les formes de délinquance.

 

 

C’est dans le grand hall du tribunal des « 24 colonnes » de Lyon, que s’est déroulée l’audience solennelle d’installation de la nouvelle procureure générale, Fabienne Klein-Donati, le 1er octobre dernier. Une audience qui marquait un retour à la normale, après deux années dictées par la crise sanitaire. Le Premier président de la cour d’appel, Régis Vanhasbrouck, l’a ainsi qualifiée d’ « événement » : « la dernière audience solennelle de notre cour, tenue dans le présent format, est celle de la rentrée judiciaire 2020, tenue très exactement le 13 janvier 2020, il y a donc maintenant 22 mois ». « Je mesure pleinement les responsabilités qui sont désormais les miennes en tant que procureure générale d’une des plus importantes cours d’appel de France et, j’ose le dire, la plus belle ! » a assuré de son côté Fabienne Klein-Donati.

 

 


Qui est Fabienne Klein-Donati ?

L’avocat général doyen Jean-Daniel Regnault a salué le parcours professionnel de la nouvelle cheffe du parquet : « Vous avez, Madame, les armes que votre carrière vous a forgées. » Fabienne Klein-Donati le rappelle : « Magistrate du parquet pendant 28 ans, procureur durant 14 ans » elle a effectué la majeure partie de sa carrière au parquet.

Après des études de droit à Nancy, la ville où elle grandit, Fabienne Klein-Donati passe en 1981 le concours de la magistrature. Trois ans plus tard, elle prend la fonction de substitut à Epinal, avant de passer par le parquet de Melun, où elle est en charge des mineurs. Par la suite, elle devient présidente du tribunal pour enfants de Melun, puis procureure de la République à Fontainebleau et procureure adjointe à Évry. Fabienne Klein-Donati est également pendant un temps, magistrate de l’administration centrale de la justice.

La nouvelle procureure générale a aussi une expertise au sein des cabinets ministériels. La première fois, elle est recrutée comme conseillère technique par la garde des Sceaux Élisabeth Guigou. Quand, en 2000, cette dernière devient ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Fabienne Klein-Donati la suit. Une dizaine d’année plus tard, c’est dans le gouvernement du Premier ministre Jean-Marc Ayrault qu’elle travaille à nouveau en cabinet ministériel comme conseillère de justice pendant trois ans, avant d’être nommée en 2015 procureure de la République au tribunal de Bobigny, prenant la relève de Sylvie Moisson.

« Le hasard des carrières fait que je [lui] succède pour la seconde fois, comme s’il existait une filière Bobigny-Lyon » a plaisanté Fabienne Klein-Donati.

 



Le défis des stocks

Le Premier président a profité de l’occasion pour dresser un état des lieux de la cour d’appel de Lyon, laquelle connaît des difficultés « sérieuses ». En particulier, un stock « structurel » d’affaires à juger qui affecte les délais de jugement. C’est entre autres le cas de la chambre de l’instruction, qui voit depuis trois ans une flambée inédite des contentieux, puisque ces derniers ont doublé. Du côté de la chambre sociale, les délais de jugement atteignent trois ans. La situation des cours d’assises est également complexe, étant donné le nombre de dossiers à auditionner (109). Résorber le stock nécessiterait une augmentation du nombre d’audience, mais la nouvelle procureure générale pense « qu’un travail en interne de la Cour, voire avec les barreaux, devrait également permettre de dégager des pistes pour cette résorption ».

 




Fabienne Klein-Donati




L’importance du travail en équipe

Fabienne Klein-Donati a par ailleurs précisé ses ambitions pour sa nouvelle fonction assurant « s’inscrire dans ce qui a été entrepris ».

« Madame, vous avez 88 équipiers, et je ne doute pas que, comme le penseur américain Tom Cruise dans Mission impossible 2, vous dites aussi : “je ne suis rien sans mon équipe” ». Par cette citation, l’avocat général a bien résumé la manière dont Fabienne Klein-Donati envisage sa mission en tant que procureure générale : travailler dans le dialogue et la concertation. La nouvelle procureure l’a d’ailleurs assuré dans son discours : « Je compte exercer cette compétence, tout d’abord avec vous, et à travers vous, avec vos équipes. Par la réflexion et le dialogue […] il m’importe qu’il y ait de l’interaction entre vos parquets. » Deux objectifs lui tiennent particulièrement à cœur : améliorer le fonctionnement interne et la capacité de la cour à traiter les flux entrants. La nouvelle procureure suggère de choisir chaque année, avec les juridictions, deux grands thèmes à étudier, afin d’en tirer les leçons qui s’imposent.

 


 

L’importance de lutter contre toutes formes de délinquance

La nouvelle procureure générale a également fait mention de l’importance de lutter contre toutes formes de délinquance : « Ici comme ailleurs, tout ou presque mérite et justifie un traitement prioritaire : la lutte contre les trafics de stupéfiants, la criminalité organisée locale et transfrontière, les violences sous toutes leurs formes dont les violences intrafamiliales, celles envers les forces de sécurité intérieure, la délinquance des mineurs, la lutte contre l’habitat indigne, la délinquance économique et financière sous toutes ses formes. » Par conséquent, elle souhaite favoriser les échanges entre les quatre parquets généraux et les parquets de l’interrégion. La procureure envisage aussi la mise en place d’un Conseil Régional de Politique Pénal (CRPP). Ce dernier, créé pour les cours d’appel de Paris et Versailles à l’initiative des procureurs généraux, est une instance de réflexion, de concertation et de proposition placée auprès des procureurs généraux afin de définir une politique pénale applicable à l’ensemble du bassin parisien. Institution à ses yeux « fort utile », Fabienne Klein-Donati propose donc de s’en inspirer pour la région Rhône-Alpes.








 



Requestionner le temps de la justice

Autres thèmes revenus à plusieurs reprises : celui des moyens, mais aussi celui du temps de la justice. La critique sur la lenteur de la justice est en effet au cœur de l’actualité. Selon un sondage réalisé à la rentrée 2021 par le CSA, établi pour le Sénat, 93 % des interrogés trouvent la justice trop lente. Il s’agit d’ailleurs d’un « sujet de toutes les époques, et la nôtre n’y échappe pas » a indiqué la nouvelle procureure générale. Déjà en 1996, le président de la République de l’époque, Jacques Chirac, se demandait « pourquoi la justice est si lente ». Cependant, Fabienne Klein-Donati propose de questionner ce problème par une autre approche. Selon elle, c’est un « vaste sujet qui mériterait bien d’autres réflexions que celles qui tournent en boucle sur la lenteur de la justice, comme conséquence du manque de moyens ».


Tina Millet



 

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