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Quelques jours après le nouvel élan donné au Beauvau de la police municipale par le ministère de l’Intérieur, l’Université d’Angers a organisé le 28 février dernier une table ronde sur la sécurité globale, « entre recul de l’État et éparpillement des missions de sécurité ». Les experts et syndicats ont pu questionner les fondements du sentiment d’insécurité partagé par une partie des Français et discuter des enjeux relatifs à l’étoffement des prérogatives des policiers municipaux.
Interrompu
en 2024 et relancé le 21 février 2025 par le ministère de l’Intérieur, le
Beauvau de la police municipale devrait se poursuivre jusqu’au 10 mars
prochain. Objectif pour le gouvernement : s’appuyer sur ces travaux pour
élaborer un projet de loi de «
modernisation des polices municipales » qui devrait être déposé avant
l’été.
C’est
dans ce contexte et celui de recomposition de la sécurité publique engagé
depuis plusieurs années que le centre Jean Bodin, laboratoire de recherche
juridique et politique de l’Université d’Angers, a organisé une demi-journée
d’étude au sujet de la police municipale et de la responsabilité du maire, le
28 février dernier. Le JSS a suivi la première conférence de cette
journée, intitulée « Sécurité globale, entre un recul de l’État et un
éparpillement des missions de sécurité ».
En
1984, les policiers municipaux en France étaient environ 5 600, contre 28 000
aujourd’hui. Les vingt dernières années ont également été marquées par un
accroissement des prérogatives des policiers municipaux, notamment en matière
judiciaire.
Presque
quatre ans après la loi « Sécurité globale » du 25 mai 2021 et la censure de
certains articles ayant vocation à élargir ses prérogatives par le conseil
constitutionnel, l’étendue des pouvoirs de la police municipale de demain
interroge. Pour défendre des pouvoirs étendus et un armement des agents,
certains s’appuient sur les chiffres du service statistique ministériel de la
sécurité intérieure qui démontrent un sentiment d’insécurité grandissant chez
une partie des Français.
Un sentiment d’insécurité réel mais
injustifié ?
« Quand on parle de délinquance
au-delà des impressions que nous pouvons avoir, au-delà des exploitations
politiques d’évènements criminels parfois graves, de quelles données
disposons-nous pour acquérir une certaine profondeur de champ ? » demande la première intervenante,
Renée Zauberman, sociologue et directrice de recherche émérite au CNRS.
Graphiques
et chiffres à l’appui, la sociologue passe en revue l’évolution des actes de
délinquance sur les biens et les personnes au fil des années. Concernant les
homicides et tentatives d'homicide, la scientifique notre un « niveau relativement contenu », comparable
aux chiffres observés en Europe Occidentale. « En France, actuellement, on tourne à un millier d’homicides par an. A
Rio de Janeiro, en un an, la police assassine 1 000 personnes, » illustre
Renée Zauberman.
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soutien »
Les
chiffres des « agressions physiques non
mortelles », des « agressions
physiques sérieuses », des «
agressions sexuelles par un non cohabitant » démontrent aussi un niveau de
relative stabilité. Quant aux «
agressions sans contact physique » comme les insultes ou les menaces, elles
demeurent plus nombreuses que les violences physiques mais ne marquent pas
d’évolution notable non plus.
Renée
Zauberman conclut : « Il me semble
raisonnable de considérer que le sentiment qui peut être mesuré auprès des
populations est à la mesure du niveau de pacification de nos sociétés qui rend
les gens beaucoup plus sensibles à n’importe quel mouvement qui ne correspond
plus aux normes de civilisation. Il ne s’agit pas de nier les violences, mais
la réaction de la population et le sentiment qu’elle a que la société est de
plus en plus violente. »
La place grandissante des polices
municipales
Reste
que les policiers municipaux ont vu, ces dernières années, leurs prérogatives
se rapprocher du terrain de la police judiciaire,« jusqu’à atteindre des domaines qui tangentent ceux des forces de
sécurité nationale », souligne Xavier Latour, professeur agrégé de
droit public à l’Université Côte-d’Azur et conseiller municipal de la ville de
Nice,
En
tant qu’agents de police judiciaire adjoints, les policiers municipaux peuvent
verbaliser certaines infractions du Code de la route et du Code de
l’environnement. Ils ont également la possibilité de faire des relevés
d’identité, des dépistages d’alcoolémie, des palpations de sécurité et de
consulter des fichiers des permis de conduire et des immatriculations.
Outre
la création d’une police municipale à Paris et une mutualisation plus simple
des effectifs entre les villes, la loi Sécurité globale a étendu les cas dans
lesquels les agents peuvent visionner des images de vidéoprotection et élargi
les manifestations sur lesquelles les policiers municipaux peuvent être
mobilisés.
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