La place grandissante des polices municipales dans la recomposition de la sécurité publique


vendredi 7 mars4 min
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Quelques jours après le nouvel élan donné au Beauvau de la police municipale par le ministère de l’Intérieur, l’Université d’Angers a organisé le 28 février dernier une table ronde sur la sécurité globale, « entre recul de l’État et éparpillement des missions de sécurité ». Les experts et syndicats ont pu questionner les fondements du sentiment d’insécurité partagé par une partie des Français et discuter des enjeux relatifs à l’étoffement des prérogatives des policiers municipaux.

Interrompu en 2024 et relancé le 21 février 2025 par le ministère de l’Intérieur, le Beauvau de la police municipale devrait se poursuivre jusqu’au 10 mars prochain. Objectif pour le gouvernement : s’appuyer sur ces travaux pour élaborer un projet de loi de « modernisation des polices municipales » qui devrait être déposé avant l’été.

C’est dans ce contexte et celui de recomposition de la sécurité publique engagé depuis plusieurs années que le centre Jean Bodin, laboratoire de recherche juridique et politique de l’Université d’Angers, a organisé une demi-journée d’étude au sujet de la police municipale et de la responsabilité du maire, le 28 février dernier. Le JSS a suivi la première conférence de cette journée, intitulée « Sécurité globale, entre un recul de l’État et un éparpillement des missions de sécurité ».

En 1984, les policiers municipaux en France étaient environ 5 600, contre 28 000 aujourd’hui. Les vingt dernières années ont également été marquées par un accroissement des prérogatives des policiers municipaux, notamment en matière judiciaire.

Presque quatre ans après la loi « Sécurité globale » du 25 mai 2021 et la censure de certains articles ayant vocation à élargir ses prérogatives par le conseil constitutionnel, l’étendue des pouvoirs de la police municipale de demain interroge. Pour défendre des pouvoirs étendus et un armement des agents, certains s’appuient sur les chiffres du service statistique ministériel de la sécurité intérieure qui démontrent un sentiment d’insécurité grandissant chez une partie des Français.

Un sentiment d’insécurité réel mais injustifié ?

« Quand on parle de délinquance au-delà des impressions que nous pouvons avoir, au-delà des exploitations politiques d’évènements criminels parfois graves, de quelles données disposons-nous pour acquérir une certaine profondeur de champ ? » demande la première intervenante, Renée Zauberman, sociologue et directrice de recherche émérite au CNRS.

Graphiques et chiffres à l’appui, la sociologue passe en revue l’évolution des actes de délinquance sur les biens et les personnes au fil des années. Concernant les homicides et tentatives d'homicide, la scientifique notre un « niveau relativement contenu », comparable aux chiffres observés en Europe Occidentale. « En France, actuellement, on tourne à un millier d’homicides par an. A Rio de Janeiro, en un an, la police assassine 1 000 personnes, » illustre Renée Zauberman.

Les chiffres des « agressions physiques non mortelles », des « agressions physiques sérieuses », des « agressions sexuelles par un non cohabitant » démontrent aussi un niveau de relative stabilité. Quant aux « agressions sans contact physique » comme les insultes ou les menaces, elles demeurent plus nombreuses que les violences physiques mais ne marquent pas d’évolution notable non plus.

Renée Zauberman conclut : « Il me semble raisonnable de considérer que le sentiment qui peut être mesuré auprès des populations est à la mesure du niveau de pacification de nos sociétés qui rend les gens beaucoup plus sensibles à n’importe quel mouvement qui ne correspond plus aux normes de civilisation. Il ne s’agit pas de nier les violences, mais la réaction de la population et le sentiment qu’elle a que la société est de plus en plus violente. »

La place grandissante des polices municipales

Reste que les policiers municipaux ont vu, ces dernières années, leurs prérogatives se rapprocher du terrain de la police judiciaire,« jusqu’à atteindre des domaines qui tangentent ceux des forces de sécurité nationale », souligne Xavier Latour, professeur agrégé de droit public à l’Université Côte-d’Azur et conseiller municipal de la ville de Nice,

En tant qu’agents de police judiciaire adjoints, les policiers municipaux peuvent verbaliser certaines infractions du Code de la route et du Code de l’environnement. Ils ont également la possibilité de faire des relevés d’identité, des dépistages d’alcoolémie, des palpations de sécurité et de consulter des fichiers des permis de conduire et des immatriculations.

Outre la création d’une police municipale à Paris et une mutualisation plus simple des effectifs entre les villes, la loi Sécurité globale a étendu les cas dans lesquels les agents peuvent visionner des images de vidéoprotection et élargi les manifestations sur lesquelles les policiers municipaux peuvent être mobilisés.

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