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Tout ne serait donc pas parfaitement cartésien au pays de Descartes. Nous valorisons, depuis les Lumières, la pensée rationnelle, la science, ce que nous appelons « le progrès » (ce terme pourrait être à lui seul le thème d’un prochain magazine). Et dans le même temps, nous restons collectivement férus de pensées magiques. Le surnaturel nous fascine, et les consommateurs de parasciences, paramédecines et parapsychologie sont légion. Si les études et sondages d’opinion montrent depuis 20 ans un léger fléchissement de ces croyances, près d’un français sur deux croit toujours, en 2020, à l’influence des astres sur les caractères et/ou les destinées, un tiers à l’existence des esprits, un quart affirment avoir été confrontés à un phénomène paranormal.
La normalisation du paranormal
La raison qui permet d’expliquer ce véritable engouement depuis presqu’un siècle pour les parasciences tient à une conjoncture.
Le XXe siècle a été celui de l’effondrement des grands courants de pensée. Pour le journaliste Henri Tincq, l’apparition et l’augmentation de ces croyances dans le paranormal « sont le fruit d’une sorte de contre-culture occidentale marquée par le recul des idéologies, des dogmes rationalistes, scientifiques, catholiques ou marxistes ».
À cet effondrement d’idéologies structurantes s’est ajoutée depuis un demi-siècle une crise, économique d’abord, désormais sociétale, génératrice de précarités, peurs, incertitudes, souffrances, lesquelles vont entraîner immanquablement une quête effrénée de réponses et d’espoirs. Il existe des marchands pour cela, dont les publicités comportent toujours les trois mêmes mots : argent, travail, amour. Pour le sociologue Jacques Maître, « les consommateurs d’horoscopes cherchent avant tout à exorciser le hasard ». Ce que les religions traditionnelles, la science et les politiques publiques ne leur offrent plus, le paranormal le leur donne à grand renfort de pétitions de principes, postulats, axiomes, théories unitaires d’un simplisme déconcertant. Tout s’explique, tout se prévoit, tout se comprend. Une question ? Une réponse. Une angoisse ? Un espoir. En période de crise, les questions et les angoisses se multiplient. Les dealers d’espoirs aussi.
Le paranormal s’est ainsi institutionnalisé et normalisé dans l’esprit de l’opinion publique. Rares sont les « praticiens » qui ont conservé boule de cristal, fumées d’encens et autres mises en scène ostentatoires. Les cabinets des Pythies modernes et des charlatans de la paramédecine sont le plus souvent sobres, clairs, semblables aux cabinets de n’importe quel membre d’une profession libérale. À la fin du siècle dernier, plus de 40 000 voyants et astrologues s’étaient d’ailleurs déclarés aux services fiscaux, nombre qui dépassait celui des médecins. Certaines pseudo-médecines ont connu dans le même temps un développement industriel impressionnant, et il aura fallu attendre une intervention réglementaire en 2019 pour qu’enfin, à compter du 1er janvier 2021, l’usage des préparations homéopathiques ne soit plus remboursé par la Sécurité sociale.
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