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À l’occasion de la 21e édition des États généraux du droit de la famille et du patrimoine du Conseil national des barreaux, avocats et parlementaires ont tenté de dégager des pistes d’amélioration contre cette « violence économique » qui appelle de nécessaires changements législatifs. Parmi elles, la défiscalisation des pensions alimentaires, lesquelles ne sont pas toujours versées.
En France, 45 % des
enfants qui vivent seuls avec leur mère vivent sous le seuil de pauvreté. C’est
le constat dressé par les sénatrices Colombes Brossel et Béatrice Gosselin,
respectivement membre et vice-présidente de la délégation aux droit des femmes
au Sénat, toutes deux présentes les 30 et 31 janvier derniers à la 21e
édition des États généraux du droit de la famille et du patrimoine (EGDFP) du Conseil
national des barreaux. Cette nouvelle édition a misé cette année sur un thème « peu
évoqué » : la famille et l’argent.
À cette occasion, les sénatrices
ont présenté les grandes ligne de leur rapport déposé
le 28 mars 2024 sur les familles monoparentales, « angle mort des
politiques publiques », dans le cadre du traditionnel dialogue entre
parlementaires et avocats en droit de la famille. Toutes deux l’ont souligné :
83 % des familles monoparentales ont pour « cheffe » une mère
qui « cumule des inégalités sociales, économiques, de genre, et
aboutissent vers le chemin de la précarisation ». Au moment de la séparation,
la parent « gardien » voit ses revenus diminuer de 25 %, a de
son côté précisé Xavier Iacovelli, sénateur des Hauts-de-Seine.
Une violence économique
« invisible » qui peut se creuser dès lors que l’autre parent
ne verse pas la fameuse pension alimentaire, ce, alors même qu’elle « doit
garantir a minima les besoins essentiels de l’enfant, et lui assurer le droit
de bénéficier d’une éducation sans subir des situations économiques qui peuvent
être différentes d’un parent à l’autre », a martelé l’avocate en droit
de la famille Charlotte Robbe.
En effet, certains parents n’hésitent
pas à se mettre en insolvabilité pour échapper au versement d’une pension, ce
contre quoi Xavier Iacovelli se bat dans « l’intérêt supérieur de
l’enfant ». Sur le sujet, le sénateur avait appelé dans son rapport
final « Mission
gouvernementale sur les familles monoparentales »,
rendu le 30 septembre 2024, à porter une attention « particulière
concernant les situations d’insolvabilité du débiteur d’aliment ».
L’idée est qu’il y ait une contribution « même minime pour participer à
l’entretien de l’enfant », a-t-il insisté. Cette préconisation, comme
les 41 autres, sont entre les mains du gouvernement.
Vers la création d’un fonds
de garantie pour les pensions ?
Pour pallier l’absence de
versement des pensions, avait été instaurée en 2022 l’intermédiation financière
des pensions alimentaires (IFPA), qui s’est avérée une véritable « usine
à gaz complexe », avec en toile de fond « une justice
familiale totalement embolisée », a estimé l’avocate Valérie Grimaud.
Pour les greffes, ce
mécanisme est une charge « énorme », et les difficultés de
fonctionnement avec des délais de recours et des dispositions contenues dans
ces décisions, dont les notifications, sont un problème, a souligné la
praticienne du droit, qui voit là un mécanisme inadapté puisque seulement « utile
dans le paiement des pensions alimentaires quand elles sont spontanément payées ».
Or, à ce jour, 30 % des pensions ne sont toujours pas collectées depuis la
mise en place du mécanisme, soit autant qu’avant son entrée en vigueur. De
plus, si « lorsque le débiteur est salarié, l’IFPA fonctionne bien,
pour les travailleurs indépendants, cela ne marche pas », a-t-elle
déploré.
À lire aussi : Juger les affaires
familiales : « On nous livre des histoires avec toute la meilleure
foi du monde »
Alors à quand « la
constitution de garanties de paiement de pensions alimentaires par la création
d’un fonds de garantie, comme pour l’indemnisation des victimes, et que les
avocats pourraient suivre ? » a réclamé Valérie Grimaud, qui a proposé
dans le même temps le déclenchement du mécanisme sur simple demande sans
justification plutôt qu’une automatisation.
Si l’avocate de formation et
députée Caroline Yadan s’est dite favorable à un tel fonds qui serait, selon
elle, « la solution idéale », elle a toutefois émis une
réserve sur la possibilité d’obtenir l’intermédiation sans justifier d’impayés,
mécanisme qu’elle a jugé comme « dangereux », craignant des
abus. « Des personne peuvent se faire payer la pension et réclamer par
la suite un dû, auquel cas il devra être fait une action en récupération de
l’indu », a-t-elle illustré. À l’instar de Valérie Grimaud, la députée
a également avancé l’idée du prélèvement à la source, à la manière du Québec,
pour le paiement des pensions, en ajoutant la possibilité de dématérialiser
l’intermédiation et le prélèvement.
Béatrice Gosselin a de son
côté indiqué être à l’écoute des avocats pour trouver une autre formule et
recouvrer les pensions non versées, avec l’objectif de récupérer 21 % de celles-ci
en 2027.
L’impôt sur les pensions, source
d’inégalité pour les mères
Autre source d’inégalité pour
les mères des familles monoparentales : l’imposition sur les pensions
alimentaire perçues. Or « il ne s’agit pas d’un revenu, on n’a
pas vocation à économiser dessus puisque c’est une indemnité directement
corrélée à des frais pour l’entretien de l’enfant. La soumettre à l’imposition
est un problème », a pointé Nathalie Robbe. D’autant que le parent qui
la verse, souvent le père, bénéficie quant à lui d’une déduction fiscale.
L’avocate a notamment rappelé l’existence de l’amendement du 23 octobre dernier, qui visait la défiscalisation des pensions et la suppression de l’avantage fiscal dont bénéficie celui qui la verse. Adopté à l’Assemblée nationale, il a été rejeté au Sénat au motif que les ménages modestes perçoivent des pensions non imposables. « Pour nous, c’est une analyse à la surface des choses » a souligné Nathalie Robbe.
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