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Mission flash : la justice consulaire mobilisée pour soutenir les entreprises en difficulté


mardi 15 décembre 20206 min
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Dans la lignée du précédent confinement, la continuité de la justice commerciale est à nouveau assurée. Les justiciables et chefs d’entreprise peuvent accomplir leurs démarches en se rendant au tribunal, ou bien limiter leurs déplacements en s’appuyant sur les plateformes en ligne mises à disposition par les greffiers des tribunaux de commerce. Les audiences sont maintenues dans les tribunaux de commerce et tous les acteurs de la justice commerciale sont mobilisés.



Pourtant, nous constatons dans les juridictions une baisse très importante des démarches des entreprises visant à se mettre sous la protection de la justice, quand parallèlement les créanciers institutionnels ont suspendu leurs poursuites envers celles qui ne payaient pas leurs charges et leurs cotisations.


Ainsi, le ralentissement des défaillances relevé au printemps s’est confirmé jusqu’à aujourd’hui, et la baisse des procédures est très importante, de l’ordre de 50 %. Nous savons toutefois que cette baisse n’est que temporaire, voire même artificielle : les aides massives mises en place par l’État ont continué de produire leurs effets positifs sur la trésorerie des entreprises, limitant fortement le nombre de procédures engagées. Cette atonie ne peut pas durer, et beaucoup d’entreprises sont déjà dans des situations critiques. Les conséquences économiques de la crise sanitaire exposent chaque jour davantage les entreprises à un risque élevé de défaillances.


Le gouvernement a conscience de l’anormalité de cette situation. C’est pourquoi le garde des Sceaux a engagé une mission « flash » consacrée à la prévention des difficultés des entreprises, visant à accélérer leur détection et leur traitement.


Plus concrètement, cette mission vise à dresser un état des lieux des nombreux dispositifs existants et à formuler des recommandations pour assurer une meilleure articulation entre ces derniers, afin d’accompagner plus efficacement les entrepreneurs dans la prévention et le traitement de leurs difficultés, grâce aux procédures préventives ou collectives.


Le garde des Sceaux a souhaité que les différents acteurs concernés soient représentés, et a confié la direction de cette mission à Georges Richelme, président de la Conférence générale des juges consulaires. Pour ma part, j’ai l’honneur d’y représenter les greffiers des tribunaux de commerce, et j’aborde ces travaux avec humilité et responsabilité, tant je suis conscient de l’ampleur de la tâche qui nous est confiée.


Aujourd’hui, il est évidement trop tôt pour se positionner et commenter les travaux de notre mission. Les auditions sont nombreuses et se poursuivent malgré les difficultés du confinement.


 


Les greffiers, maillons incontournables de la chaîne de prévention


Les greffes des tribunaux de commerce disposent d’un maillage territorial en métropole et en outre-mer, et d’outils technologiques importants qui les placent naturellement au cœur du dispositif d’accompagnement des entreprises.


Nous mesurons au quotidien la détresse du chef d’entreprise confronté à une situation inédite, complexe et anxiogène pour lui et ses salariés. N’oublions pas que près de 99 % des entreprises françaises ont moins de 10 salariés. C’est à elles qu’il convient de s’adresser en priorité, car les plus grosses entités sont le plus souvent accompagnées par les professionnels du droit et du chiffre, et abordent le traitement de leurs difficultés comme un acte de gestion.


La tenue du registre des sociétés, qui réunit près de 80 % des agents économiques français, confère aux greffiers des tribunaux de commerce une connaissance approfondie du monde économique et entrepreneurial. Chaque jour, nous rencontrons à nos guichets les chefs d’entreprises et, comme l’a constaté le garde des Sceaux lors d’un récent déplacement en juridiction, nos équipes sont à leur écoute, soucieuses de les aider et de les orienter dans leurs différentes démarches et procédures.


Conscients de l’importance d’accompagner le plus efficacement et largement possible les chefs d’entreprise en difficulté, nous avons par ailleurs développé plusieurs dispositifs numériques qui prennent aujourd’hui tout leur sens dans le contexte de crise sanitaire et de confinement.


Tout d’abord, chacun peut s’informer, sur infogreffe.fr ou sur le Tribunal Digital, sur les différentes procédures existantes afin d’identifier celle qui semble le plus en accord avec sa situation. Nous avons par ailleurs développé deux outils spécifiques permettant au chef d’entreprise d’évaluer lui-même, en tout confidentialité, sa situation et donc, son risque de défaillance.


Le premier est un formulaire d’autodiagnostic qui permet au chef d’entreprise d’évaluer rapidement, grâce à une série de questions organisées comme un QCM, si son activité économique, sa santé financière ou bien encore son environnement d’affaires présentent des signaux d’alerte qu’il doit prendre en compte. Si tel est le cas, il est invité à prendre contact avec son tribunal de commerce pour envisager les mesures à prendre, et engager d’éventuelles démarches judiciaires.


Nous connaissons bien les diverses typologies d’entreprises en difficulté. Des facteurs de risque se retrouvent d’un dossier à l’autre, suivant la forme sociale de l’entreprise, son secteur et la nature de son activité. En croisant les informations dont nous disposons dans les registres légaux donc nous avons la charge, nous avons pu mettre au point un algorithme prédictif, matérialisé pour le chef d’entreprise sous la forme d’un indicateur de performance, consultable gratuitement sur le site monidenum.fr. Cet indicateur, ajusté suivant les dernières données bilancielles de l’entreprise déclarées au RCS, permet ainsi au dirigeant d’évaluer à tout moment son risque de défaillance.


Résultat : nous sommes en mesure d’identifier près de 10 millions d’entreprises qui ont fait face à des difficultés ou qui sont susceptibles d’en connaître demain. Nous constatons par exemple que près de 9 entreprises sur 10, tracées par notre algorithme et concernées par des procédures ouvertes en 2020, étaient catégorisées par notre indicateur comme présentant un risque fort à très fort de défaillance. Or, nous le savons, plus le dirigeant a conscience des risques et agit tôt, plus il a de chances de sauvegarder son entreprise et d’éviter la liquidation judiciaire. L’indicateur de performance pourrait dès lors participer à prévenir les défaillances de nombre d’entreprises.


Au regard de la pertinence de ces résultats, cet indicateur, aujourd’hui réservé au chef d’entreprise, sera mis à disposition des juges consulaires en charge de la prévention, complétant ainsi le panel d’outils de détection dont nous disposons déjà.


 


Le tribunal de commerce, premier allié de l’entrepreneur en difficulté


La prévention des difficultés passe aussi par la capacité du chef d’entreprise à pousser la porte de nos juridictions. Bien sûr, il n’est pas toujours agréable d’aller chez son médecin ou son dentiste, surtout lorsque l’on se sait malade ou que l’on redoute le diagnostic. Mais il ne faut pas confondre le médecin et la maladie !


Le premier réflexe du chef d’entreprise qui craint pour l’avenir de son entreprise doit être de se rendre au tribunal pour faire le point sur sa situation avec un juge. Aujourd’hui, cette prise de rendez-vous peut être initiée en ligne et de manière confidentielle, depuis le site du Tribunal Digital. Le greffe se chargera alors de programmer un entretien confidentiel avec le président du tribunal de commerce ou le juge en charge de la prévention des difficultés des entreprises.


Grâce au Tribunal Digital, le chef d’entreprise peut également prendre l’initiative de déclarer en ligne une cessation des paiements de manière totalement dématérialisée, ou bien encore de déposer une requête devant un juge. Ces avancées considérables ont pris tout leur sens pendant le dernier confinement, en offrant aux justiciables et aux chefs d’entreprise un accès continu à la justice commerciale, qui a pu poursuivre son activité sans interruption.


Balzac dans César Birotteau confiait déjà au juge la mission de « veiller à protéger le failli contre les entreprises vexatoire de ses créanciers irrités ». C’était il y a 200 ans, et le sens de cette mission de protection et d’accompagnement des chefs d’entreprise en difficulté n’a pas changé.


Aujourd’hui, les moyens numériques couplés à l’accueil physique assuré dans les territoires offrent une opportunité unique de gagner en efficacité dans la prévention de ces défaillances, mais aussi de soutenir le plus grand nombre. Les solutions existent, l’engagement des acteurs de la justice commerciale est fort, et les greffiers des tribunaux de commerce entendent jouer pleinement leur rôle au service des entreprises et des justiciables.


 


Didier Oudenot,


Greffier associé du tribunal de commerce de Marseille,


Président honoraire du CNGTC,


Administrateur GIE INFOGREFFE


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