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Le 26?novembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale. Portée par le groupe Agir ensemble, la proposition de loi a été adoptée par 110 voix pour et 2?contre (sur 112?suffrages exprimés). Lors d’une conférence de presse en ligne, organisée quelques jours avant l’adoption de la loi, Dimitri Houbron (rapporteur de la loi) et Olivier Becht (président du groupe) ont présenté en détail les principaux articles de cette loi.
La proposition de loi n° 3427?améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale a été présentée à l’Assemblée nationale, le 14 octobre dernier, par Dimitri Houbron, Olivier Becht et l’ensemble des membres du groupe Agir ensemble.
Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 28 octobre 2020, lequel a été adopté le 26?novembre par l’Assemblée nationale.
Objectif de la loi : « lutter contre les incivilités et la délinquance quotidienne, en renforçant l’efficacité des réponses pénales pouvant être apportées à ces actes qui, sinon par leur gravité, du moins par leur nature et leur fréquence, empoisonnent la vie de nos concitoyens » (dixit Dimitri Houbron lors de la séance du 14?octobre).
Le texte s’inspire du principe « tu casses tu répares, tu salis tu nettoies » défendu par Pierre-Yves Bournazel (Agir ensemble) pendant la campagne des municipales à Paris.
INCIVILITES ET DELINQUANCE AU QUOTIDIEN
Lors de la conférence de presse, Olivier Becht, président du groupe Agir ensemble, a fourni quelques chiffres.
En France métropolitaine, 600 000?faits constatés de dégradation et de destruction volontaires sont comptabilisés tous les ans. Sur l’ensemble des faits délictuels et criminels (délinquance, violences urbaines, homicides, coups et blessures…), il s’agit de la 2e catégorie la plus importante après les vols (720 000). « S’attaquer à cette catégorie de délit, c’est donc s’occuper du quotidien des Français » a soutenu le président d’Agir ensemble.
Ayant été maire pendant dix ans d’une petite commune de 15 000 habitants, Olivier Becht sait de quoi il parle : « c’est ça qui pourrit la vie des habitants au quotidien, car ça dégrade leur cadre de vie ». Ainsi, quand on tague des murs, quand on brûle des poubelles ou des abris-bus, on gâche la vie de ses concitoyens.
En outre, a-t-il rappelé, les enquêtes sur ce genre de dégradation sont les plus difficiles à résoudre, car un tag, par exemple, est rarement signé… Les collectivités ont certes mis en place un système de police de proximité et de vidéosurveillance qui permet d’aider à la résolution de ces délits, mais une fois l’auteur des faits retrouvé, se pose la question de la « punition ». Or, à l’heure actuelle, les services du parquet sont souvent submergés, ils mettent alors de côté ces actes-là. Les responsables de ces dégradations volontaires sont souvent peu poursuivis, et quand ils le sont, la sanction tombe parfois des années plus tard, ce qui n’a plus aucun sens. Souvent aussi, la punition consiste en un simple rappel à la loi. « Or si le rappel à la loi peut être efficace sur des personnes sensibles à la solennité de ce rappel, certaines personnes ne le sont pas du tout » a témoigné Olivier Becht. Les plus jeunes notamment ne sont pas du tout impressionnés par cette punition et récidivent souvent.
L’ambition du groupe Agir ensemble, qui s’est constitué le 25 mai 2020, est de porter une vision et des propositions pour faire bouger les lignes au sein de la majorité sur des sujets régaliens comme celui-ci.
Pour ses membres, il est essentiel que les sanctions aient une « vertu éducative », et qu’elles servent de leçon. Il faut donc donner, dès à présent, des outils supplémentaires au parquet pour que les peines encourues soient plus dissuasives.
« Faire en sorte que derrière la politique zéro sur les actes de petite délinquance, il puisse y avoir des réponses efficaces et effectives », c’est l’objectif de la loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.
UNE LOI QUI SE VEUT EFFICACE ET EFFICIENTE
Dimitri Houbron a rappelé que ce sont les acteurs de terrain, tels que les magistrats du parquet et des services pénitentiaires, qui ont inspiré la rédaction de cette proposition de loi, notamment les deux articles majeurs de la loi, soit l’article 1?qui concerne les mesures alternatives aux poursuites, et l’article?2?sur le travail d’intérêt général.
L’article?1?est assez innovant, car il donne de nouveaux outils au parquet et la capacité au procureur, ou à son représentant, de demander à l’auteur de l’infraction de réparer les dégradations qu’il a pu faire. Pour un tag par exemple, il sera demandé à la personne de repeindre le mur.
L’article?prévoit aussi d’interdire au délinquant de rentrer en contact avec la victime, les co-auteurs ou ses complices. Le magistrat du parquet pourra mettre en place cette mesure très facilement, alors qu’avant, cela n’était possible que dans le cadre d’une composition pénale qui devait être validée par un juge du siège (donc un processus assez complexe). L’article?prévoit enfin une « contribution citoyenne », qui consiste en une somme d’argent demandée à l’auteur de l’incivilité pour réparer ses méfaits. Celle-ci sera versée directement à une association agréée d’aide aux victimes (et ne pourra pas dépasser 3 000 euros). « Cette sanction a une vertu pédagogique incontestable. La prise de conscience de l’auteur du fait qu’il a pu nuire se concrétise par le versement symbolique d’argent » a souligné Dimitri Houbron.
L’article?2?vise lui à fluidifier et à simplifier le recours au Travail d’intérêt général (TIG). En 2019?déjà, la réforme de la justice avait permis quelques avancées en la matière en se basant sur le rapport de Didier Paris sur le travail d’intérêt général.
Le recours facilité au TIG vise à contenter les citoyens qui en ont assez que ce soit la municipalité qui remplace les poubelles ou abris-bus brûlés, avec l’argent des contribuables, au lieu de l’individu responsable des dégradations. « Un simple rappel à la loi ne rembourse pas la poubelle, et in fine, c’est toujours la société qui paie les dégâts » a observé Dimitri Houbron.
L’objectif de l’article?est aussi de réduire les délais pour que la peine d’intérêt général soit effectuée le plus vite possible à la suite de la décision (aujourd’hui le délai moyen est de 14?mois). Agir ensemble veut réduire le délai de trois?ou quatre?mois.
La proposition de loi comprend aussi les articles 3, 4?et 5?qui sont des amendements d’ordre technique.
L’article?3?va étendre le dispositif de l’amende minorée aux contraventions de la cinquième classe, ainsi qu’aux autres contraventions si le règlement le prévoit. Pour rappel, l’amende forfaitaire minorée est, depuis mars 2019, une extension pour certains délits comme l’usage de stupéfiants. Si l’amende est réglée dans un délai de quinze jours, le montant normal de l’amende est diminué. Cet article?vise à rendre plus effectif le recouvrement des sommes exigées au contrevenant.
L’article?4?est une demande des magistrats de la Cour de cassation concernant, notamment, les procédures de désistement d’appel.
Le but de cette loi est donc de lutter contre les récidives et de faire en sorte que la sanction soit la plus rapide possible après les évènements.
« Au fil des auditions, ces propositions ont été très bien reçues par les acteurs de justice, par le parquet, mais aussi par le juge d’application des peines. Pour eux, la rédaction des articles est équilibrée et va dans le bon sens » s’est félicité Dimitri Houbron.
Quant au service pénitentiaire d’insertion et de probation, il va avoir davantage de responsabilités, ce qui est une très bonne chose pour les membres du groupe Agir ensemble.
MISE EN OEUVRE DE LA LOI SUR LE TERRAIN
Si en théorie la loi semble efficace, comment la mettre en œuvre en pratique ?
L’article?2?entend réduire les délais d’exécution des TIG de trois?ou quatre mois au moins, mais par quels moyens ?
En fait, l’article?2, tel qu’il a été rédigé en Commission, prévoit de donner la compétence des modalités d’exécution du travail d’intérêt général au directeur pénitentiaire de détention et d’insertion plutôt qu’au juge d’application des peines, a expliqué le rapporteur de la loi. C’est ça qui va permettre de réduire les délais.
Au fil des auditions, les responsables du groupe Agir ensemble ont en effet noté qu’en fonction des juridictions, les délais n’étaient pas les mêmes pour obtenir la signature ou la validation du juge d’application des peines pour l’exécution de TIG.
« En Seine-Saint-Denis, ça fonctionne très bien par exemple, mais dans d’autres territoires, cela prend entre plusieurs jours voire une ou deux semaines » a expliqué Dimitri Houbron.
L’article?2?remet également en cause les visites médicales systématiques pour permettre la mise en place d’une peine de TIG. « Ce caractère systématique rallonge le délai avant l’exécution du travail, car pour qu’un contrevenant puisse avoir un rendez-vous médical, il faut attendre en moyenne trois mois » a rappelé le rapporteur de la loi.
Certes, la commission n’a pas la prétention de décider à la place d’un médecin si une personne est en capacité de travailler ou non – bien qu’on puisse se demander si l’accord d’un médecin dans le cas d’un délinquant apte à escalader les murs d’un monument pour y faire des tags ou à brûler des poubelles en pleine nuit est vraiment indispensable –, mais elle insiste sur le fait que le caractère systématique de cette mesure rend le recours au TIG très complexe et parfois inopérant.
« En cumulant l’ensemble de ces simplifications, la commission a bon espoir que les délais pourront se réduire de trois?ou quatre?mois » a conclu Dimitri Houbron sur cette question.
Autre interrogation : l’accroissement des délais vient-il seulement de l’encombrement des dossiers au sein des parquets ? Le problème n’est-il pas plutôt dans les commissariats et gendarmeries qui, par manque de moyens, relèguent ces faits en bas de la pile ?
Dimitri Houbron ne le pense pas. Depuis trois ans, a-t-il pointé, les budgets de la Justice sont en augmentation. Pour l’année 2020-2021, le budget de la Justice va être augmenté de 8 %, a promis en octobre le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. En outre, plus de 6 000?policiers ont été recrutés depuis 2017, et la loi justice de proximité prévoit de doubler le nombre de délégués du procureur « qui sont les bras armés du procureur sur les territoires ».
Pour l’élu, la loi justice de proximité qu’il défend vient en complément du texte de loi sur la sécurité globale (très controversée en ce moment, NDLR), car elle tend à « assurer la coordination entre polices nationales et les polices municipales ». En effet, les policiers municipaux pourront désormais constater un certain nombre d’infractions de moindre gravité, qu’ils pourront transmettre directement au parquet.
« Il y a vraiment une logique et une complémentarité dans la politique qui est menée depuis quelque temps. Cette proposition de loi est un outil dans l’édifice qu’on essaie de construire. Elle est totalement cohérente avec les efforts financiers qui sont faits par l’État et se coordonne avec la proposition de loi sur la sécurité globale de nos collègues », a-t-il insisté.
Dernière question enfin. Si les délinquants ne se présentent pas pour effectuer leurs travaux d’intérêt général, qu’est-il prévu par la loi ?
Face à une infraction, le parquet peut prendre plusieurs décisions, a rappelé Dimitri Houbron.
Soit il classe une affaire sans suite, car les éléments à charge sont insuffisants, soit il choisit la 3e voie créée en 1999?que sont les mesures alternatives aux poursuites (réparation pécuniaire, rappel à la loi). Celles-ci supposent un certain nombre d’obligations. Il est par exemple obligatoire, pour l’individu sanctionné, de respecter ces mesures, sinon, il encourt des poursuites (donc une procédure plus longue devant un juge du siège) ou une peine de prison si l’infraction le justifie.
La mesure alternative est une chance donnée au primo délinquant – dont le casier est vierge – de rattraper son erreur.
Concernant les travaux d’intérêt général, ces derniers supposent auparavant le consentement du contrevenant (le travail forcé étant interdit en France). Au moment où la sanction est prononcée, l’accord de la personne concernée est en effet demandé.
Mais si un contrevenant ne respecte pas son engagement, le juge d’application des peines peut transformer ce non-respect en détention.
Le délinquant doit avoir conscience que c’est une chance pour lui qu’il ne peut pas laisser passer.
« Il y a deux exigences que je souhaite porter en qualité de garde des Sceaux afin que la justice reste au cœur de notre pacte républicain : la restauration d’une justice de proximité, et de manière plus générale, le renforcement de l’efficacité de la réponse pénale. Vous l’aurez compris, cette proposition de loi y contribue sensiblement et pour l’ensemble de ces raisons, avec enthousiasme le Gouvernement vous propose de l’adopter » a déclaré Éric Dupond-Moretti le 26 novembre dernier à l’Assemblée nationale, avant l’examen et l’adoption de la loi.
Maria-Angélica Bailly
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