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Vendredi 10 juin, Myriam El Khomri, ministre du Travail, recevait une douzaine de plateformes ainsi que la Fédération des auto-entrepreneurs pour une réunion. Organisée sous l’égide de l’Observatoire de l’ubérisation, elle visait à échanger autour de la modification d’un des articles porté par la loi « travail », le 27 bis, qui crée des droits et un cadre juridique pour les collaborateurs des plateformes.
La société Uber France vient d’être condamnée par le Tribunal correctionnel de Paris à une amende de 800 000 € dont la moitié avec sursis, pour concurrence déloyale. Cette sanction, qui intervient des mois après les contestations des chauffeurs de taxi, n’est toutefois pas de nature à remettre en cause l’activité de la plateforme de VTC sur le sol français, mais pose une nouvelle fois la question de son statut, et de celui des particuliers auto-entrepreneurs qui y « collaborent ». D’autant que « Uber » n’est qu’un versant de ce que l’on appel communément l’ « uberisation », phénomène qui ne cesse de croître : plus largement, ce sont des dizaines de milliers d’applications du type qui permettent de mettre en relation les clients avec des particuliers fournisseurs de services. Qu’ils s’appellent « Airbnb », ou « Blablacar », ils ont tout simplement révolutionné l’économie en amenant un modèle nouveau qui fait chanceler bien des secteurs d’activités.
« Ces plateformes sont des voies d’intégrations, elles créent de l’emploi » a précisé Myriam El Khomri. Bien que souvent critiquées, elles permettent pourtant à de nombreuses personnes d’ « arrondir leurs fins de mois ». Quand le chômage dépasse les 10%, l’Etat a tout intérêt à ce qu’elles ne disparaissent pas. Mais l’absence de cadre juridique fixe fait peser sur le monde des plateformes numériques une menace bien réelle : la requalification du statut d’auto-entrepreneurs en CDI. « Cette menace nous pend au nez en permanence explique François de Fitte, fondateur de Popchef, le propre des plateformes numériques n’est justement pas un fonctionnement basé sur des contrats en CDI
Définir un cadre juridique adapté
Cette réunion, « très importante » aux yeux de la ministre a donc été l’occasion de s’interroger de manière collective sur la régulation des plateformes collaboratives. « Il faut définir un cadre juridique adapté pour renforcer les droits sociaux des personnes concernées » a expliqué Myriam El Khomri.
Plusieurs réunions de réflexions ont été organisées sous l’égide de l’Observatoire de l’uberisation, entité créée en octobre 2015 pour recenser les startups notamment. Des réflexions ont été menées autour du statut d’auto-entrepreneur ainsi que les droits lui afférant. « Ce n’est pas anodin si 2 000 plateformes de VTC ont été créées en 2015, rappelle Benjamin Chemla, les entreprises françaises ont un vrai rôle jouer, ce n’est pas un microphénomène, c’est l’avenir, et on doit le construire ensemble ».
Construire l’avenir passe par une législation en la matière. C’est pour cela qu’à l’initiative des députés, un article sur la responsabilité sociale des plateformes numériques a été introduit dans le « projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs-ves » (loi dite « travail »). Il s’agit de l’article 27 bis, sur laquelle les plateformes et la Fédération des auto-entrepreneurs dans le cadre de l’Observatoire de l’uberisation ont travaillé ensemble. Leur but était d’inscrire dans la loi une « responsabilité sociale » couvrant l’accès à la formation, à l’assurance des accidents du travail et à la VAE (validation des acquis d’expérience) ; et impliquant le respect de la liberté syndicale et du droit des travailleurs indépendants de cesser de manière concertée leur activité en vue de défendre des revendications professionnelles.
Rééquilibrer l’article 27 bis
« Cet article est bon, mais il est nécessaire de le rééquilibrer » a expliqué Myriam El Khomri. « Le dispositif introduit par l’article 27 bis doit être amélioré ». Cet article, inspiré par le rapport du député Pascal Terrasse, veut introduire un statut et des droits pour les collaborateurs de plateformes numériques. Début avril, des amendements à la loi travail ont été adoptés en commission des affaires économiques et introduit une « responsabilité sociale des plateformes de mise en relation par voie électronique » vis-à-vis des travailleurs indépendants. « Il faut apporter un minimum de droits aux travailleurs qui collaborent avec ces plateformes » a ajouté la ministre avant de conclure qu’il ne faut « pas avoir peur d’innover ».
Pas de requalification en CDI
Le point d’orgue des échanges concernait la requalification du statut des collaborateurs d’auto-entrepreneur à salarié en CDI. « Nous ne cherchons par à créer des emplois précaires, insiste François de Fitte, mais s’il n’y a pas ça, les plateformes ne peuvent pas marcher. Soit on considère que les plateformes sont illégales, soit on considère qu’elles sont l’avenir et à ce moment là une telle condition est indispensable ». (...)
Marie-Stéphanie Servos
Retrouvez la suite de cet article dans le Journal Spécial des Sociétés n°48 du 18 juin 2016
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