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Face aux
enjeux de la présidence française en matière de justice, les avocats ont un
rôle important à jouer. Mobilisée et force de proposition, la profession, « au
cœur d’une Europe qui protège contre les injustices », a organisé une journée
de conférences autour de ce thème, le 12 janvier dernier, à l’école des avocats
de Strasbourg.
Alors que la France a pris la présidence du Conseil de
l’Union européenne pour six mois, les avocats sont sur le pont. En effet, les
robes noires comptent bien faire entendre leur voix pour rappeler l’importance
du droit européen, mais aussi afin de présenter leurs propositions dans le
cadre des thèmes retenus par la Présidence française du Conseil de l’Union
européenne (PFUE) en matière de justice – l’Europe qui protège, le numérique et
l’environnement. Coopération pénale, protection des adultes vulnérables,
cybercriminalité… les enjeux de cette présidence sont conséquents pour la
profession. C’est pourquoi cette dernière a lancé une série de conférences qui
émailleront toute l’année 2022, destinées à recueillir les réflexions des
avocats, bien sûr, mais aussi d’autres acteurs du monde judiciaire.
Le Conseil national des barreaux (CNB), la Conférence des bâtonniers, les
barreaux de Paris et de Strasbourg ainsi que la Délégation des barreaux de
France (DBF) ont ouvert le bal en organisant une journée de conférences autour
du rôle de l’avocat « au cœur d’une Europe qui protège contre les
injustices », le 12 janvier, à l’École régionale des avocats du Grand Est, à Strasbourg –
ville symbolique, « capitale » de l’Europe.
En introduction,
Julie Couturier a d’emblée souligné que les avocats étaient des « interlocuteurs
essentiels ». Leur apport est « fondamental » en
matière d’élaboration et d’évaluation des textes européens, a estimé la
bâtonnière de l’Ordre des avocats du barreau de Paris. Pour le président de la
Conférence des bâtonniers Bruno Blanquer, les barreaux doivent en effet « peser
dans le débat », d’autant plus à une époque où l’Europe « connaît
des drames tels que des migrations de masse, des naufrages dans la Méditerranée
ou ailleurs, des attaques terroristes, une instrumentalisation de l’espace
Schengen, des disparités économiques, le tout sur fond de dérèglements sociaux
et climatiques inédits, la crise Covid et une concurrence commerciale
exacerbée. » Selon l’avocat, l’Europe doit tirer des leçons de ses
échecs et de ses succès. Pour autant, les bouleversements qui l’affectent ne
doivent pas remettre en cause son rôle historique de protecteur des droits des
citoyens, a averti de son côté Jérôme Gavaudan. Le président du Conseil
national des Barreaux s’est montré préoccupé : « Nous devons
affronter la réalité en face : l’Europe est désormais considérée – à tort
– comme intrinsèquement injuste. » Ce qui est en jeu dans les
prochaines semaines, c’est la permanence du corpus européen de droits
fondamentaux, a-t-il signalé. « Pour la première fois depuis des
décennies, plusieurs pays osent remettre en cause les droits et libertés
fondamentales issus des traités européens. La Convention européenne des droits
de l’homme est menacée dans son existence. Or, les règles européennes ne sont
pas un carcan : elles nous libèrent, elles ne nous emprisonnent pas. C’est
à la Convention EDH que nous devons la présence de l'avocat en garde à vue,
l’administration de la justice dans des délais raisonnables, l’égalité en droit
pour tous les enfants, la dépénalisation de l’homosexualité… Ce droit évolue,
nous protège, et nous devons le défendre. »
Procès : zoom sur les garanties procédurales européennes
Lors de la première table ronde consacrée aux garanties procédurales
européennes pour les parties au procès, Laurent Petiti, président de la Délégation
des barreaux de France à Bruxelles, avocat au barreau de Paris, s’est fait le
relais des propos de Panagiotis Perakis, Premier vice-président du Conseil des
barreaux européens, absent pour cause de Covid. Il a rappelé que six directives
essentielles avaient été instituées ces dernières années par le Conseil de
l’Union européenne, parmi lesquelles le droit à l’interprétation et à la
traduction dans le cadre de la procédure pénale, le droit d’accès à l’avocat
dans les procédures pénales ou encore le droit de communiquer en cas
d’arrestation. Si ces garanties existent, elles sont parfois encore méconnues
par les praticiens, et les transpositions dans le droit national ne sont pas
toutes égales ; ne garantissent pas toujours la même protection. Malgré les
divergences, cela « ne doit pas remettre en cause leur efficacité ».
Mais selon Panagiotis Perakis, ces garanties sont encore incomplètes. Le
Premier vice-président du CCBE souligne dans son texte qu’aucune directive
communautaire ne traite spécifiquement des conditions de détention, ce qu’il
trouve « regrettable ». Il déplore également, comme l’a
rapporté Laurent Petiti, une mauvaise utilisation de la décision européenne de
contrôle judiciaire, dont l’introduction dans les États membres était prévue en
2012 et qui devait permettre aux personnes
accusées d’infractions à l’étranger d’attendre leur audience dans leur pays
d’origine sous supervision des autorités de leur pays. Or, ce mécanisme est peu
utilisé ou peu efficace, note-t-il. Panagiotis Perakis estime en outre que les
avocats devraient permettre la réalisation d'enquêtes de la défense, effectuées
par les avocats de la défense dans le cadre de la procédure pénale, afin de
réunir des éléments de preuve en faveur de leurs clients, comme le prévoient certains
États membres. Enfin, il recense quatre points problématiques relatifs au
parquet européen récemment institué : l’absence de réglementation
spécifique aux droits de la défense et aux droits procéduraux, les effets sur
les droits des suspects au niveau national, les problèmes prévisibles liés à
l’accès au dossier, et la possibilité pour la chambre permanente de décider
dans quelle juridiction auront lieu l’instruction ou les poursuites à
l’encontre d’un présumé coupable.
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