PFUE & justice : les avocats font entendre leur voix


mercredi 26 janvier 20224 min
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Face aux enjeux de la présidence française en matière de justice, les avocats ont un rôle important à jouer. Mobilisée et force de proposition, la profession, « au cœur d’une Europe qui protège contre les injustices », a organisé une journée de conférences autour de ce thème, le 12 janvier dernier, à l’école des avocats de Strasbourg.

 


 

Alors que la France a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne pour six mois, les avocats sont sur le pont. En effet, les robes noires comptent bien faire entendre leur voix pour rappeler l’importance du droit européen, mais aussi afin de présenter leurs propositions dans le cadre des thèmes retenus par la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) en matière de justice – l’Europe qui protège, le numérique et l’environnement. Coopération pénale, protection des adultes vulnérables, cybercriminalité… les enjeux de cette présidence sont conséquents pour la profession. C’est pourquoi cette dernière a lancé une série de conférences qui émailleront toute l’année 2022, destinées à recueillir les réflexions des avocats, bien sûr, mais aussi d’autres acteurs du monde judiciaire.


Le Conseil national des barreaux (CNB), la Conférence des bâtonniers, les barreaux de Paris et de Strasbourg ainsi que la Délégation des barreaux de France (DBF) ont ouvert le bal en organisant une journée de conférences autour du rôle de l’avocat « au cœur d’une Europe qui protège contre les injustices », le 12 janvier, à l’École régionale des avocats du Grand Est, à Strasbourg – ville symbolique, « capitale » de l’Europe.


En introduction, Julie Couturier a d’emblée souligné que les avocats étaient des « interlocuteurs essentiels ». Leur apport est « fondamental » en matière d’élaboration et d’évaluation des textes européens, a estimé la bâtonnière de l’Ordre des avocats du barreau de Paris. Pour le président de la Conférence des bâtonniers Bruno Blanquer, les barreaux doivent en effet « peser dans le débat », d’autant plus à une époque où l’Europe « connaît des drames tels que des migrations de masse, des naufrages dans la Méditerranée ou ailleurs, des attaques terroristes, une instrumentalisation de l’espace Schengen, des disparités économiques, le tout sur fond de dérèglements sociaux et climatiques inédits, la crise Covid et une concurrence commerciale exacerbée. » Selon l’avocat, l’Europe doit tirer des leçons de ses échecs et de ses succès. Pour autant, les bouleversements qui l’affectent ne doivent pas remettre en cause son rôle historique de protecteur des droits des citoyens, a averti de son côté Jérôme Gavaudan. Le président du Conseil national des Barreaux s’est montré préoccupé : « Nous devons affronter la réalité en face : l’Europe est désormais considérée – à tort – comme intrinsèquement injuste. » Ce qui est en jeu dans les prochaines semaines, c’est la permanence du corpus européen de droits fondamentaux, a-t-il signalé. « Pour la première fois depuis des décennies, plusieurs pays osent remettre en cause les droits et libertés fondamentales issus des traités européens. La Convention européenne des droits de l’homme est menacée dans son existence. Or, les règles européennes ne sont pas un carcan : elles nous libèrent, elles ne nous emprisonnent pas. C’est à la Convention EDH que nous devons la présence de l'avocat en garde à vue, l’administration de la justice dans des délais raisonnables, l’égalité en droit pour tous les enfants, la dépénalisation de l’homosexualité… Ce droit évolue, nous protège, et nous devons le défendre. »

 


Procès : zoom sur les garanties procédurales européennes


Lors de la première table ronde consacrée aux garanties procédurales européennes pour les parties au procès, Laurent Petiti, président de la Délégation des barreaux de France à Bruxelles, avocat au barreau de Paris, s’est fait le relais des propos de Panagiotis Perakis, Premier vice-président du Conseil des barreaux européens, absent pour cause de Covid. Il a rappelé que six directives essentielles avaient été instituées ces dernières années par le Conseil de l’Union européenne, parmi lesquelles le droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre de la procédure pénale, le droit d’accès à l’avocat dans les procédures pénales ou encore le droit de communiquer en cas d’arrestation. Si ces garanties existent, elles sont parfois encore méconnues par les praticiens, et les transpositions dans le droit national ne sont pas toutes égales ; ne garantissent pas toujours la même protection. Malgré les divergences, cela « ne doit pas remettre en cause leur efficacité ». Mais selon Panagiotis Perakis, ces garanties sont encore incomplètes. Le Premier vice-président du CCBE souligne dans son texte qu’aucune directive communautaire ne traite spécifiquement des conditions de détention, ce qu’il trouve « regrettable ». Il déplore également, comme l’a rapporté Laurent Petiti, une mauvaise utilisation de la décision européenne de contrôle judiciaire, dont l’introduction dans les États membres était prévue en 2012 et qui devait permettre aux personnes accusées d’infractions à l’étranger d’attendre leur audience dans leur pays d’origine sous supervision des autorités de leur pays. Or, ce mécanisme est peu utilisé ou peu efficace, note-t-il. Panagiotis Perakis estime en outre que les avocats devraient permettre la réalisation d'enquêtes de la défense, effectuées par les avocats de la défense dans le cadre de la procédure pénale, afin de réunir des éléments de preuve en faveur de leurs clients, comme le prévoient certains États membres. Enfin, il recense quatre points problématiques relatifs au parquet européen récemment institué : l’absence de réglementation spécifique aux droits de la défense et aux droits procéduraux, les effets sur les droits des suspects au niveau national, les problèmes prévisibles liés à l’accès au dossier, et la possibilité pour la chambre permanente de décider dans quelle juridiction auront lieu l’instruction ou les poursuites à l’encontre d’un présumé coupable. 




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