Place Vendôme, une passation au goût amer pour la remise des Sceaux


mardi 24 décembre 20244 min
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Lors de la cérémonie d'usage, ce mardi 24 décembre, le nouveau ministre de la Justice Gérald Darmanin a indiqué vouloir être celui qui « réconciliera la justice et [ses] concitoyens », tandis que son prédécesseur a fait part de son regret de quitter le ministère.

« Être garde des Sceaux, c’est être la vigie des dysfonctionnements et des drames de notre société, c’est voir et apprendre des choses dont on préfèrerait qu’elles n’existent pas, c’est savoir que les gens de Justice sont souvent menacés dans l’exercice de leurs fonctions ».

Gérald Darmanin est prévenu : la tâche sera rude. Après sa nomination par le Premier ministre François Bayrou, hier soir, le nouveau ministre de la Justice a officiellement pris ses fonctions ce matin, mardi 24 décembre, lors de la traditionnelle passation de pouvoirs à la Chancellerie, en présence de son prédécesseur. Et ce dernier n’a pas mâché ses mots.

Car si Didier Migaud a également évoqué « l’un des plus beaux et des plus exigeants postes qui soient », qu’il a indiqué quitter « [non] sans un pincement au cœur », celui qui a occupé trois mois la place Vendôme n’a pas résisté à adresser, semble-t-il, une petite pique au nouveau locataire des lieux.

« Être garde des Sceaux, c’est aussi ne pas pouvoir s’exprimer publiquement dans un grand nombre de cas, et donc garder pour soi ses opinions, ses réactions, ses émotions, car la neutralité, l’impartialité et l’indépendance de la Justice doivent primer par-dessus tout », a-t-il averti. Mi-novembre, Gérald Darmanin, alors député, avait affiché son soutien à Marine Le Pen, qui risquait l’inéligibilité en 2027.

« Transformer et réparer l’institution judiciaire »

Lors de cette cérémonie qui se prête au bilan, le garde des Sceaux démissionnaire a par ailleurs salué le travail réalisé par ses équipes : « Ensemble, en si peu de temps, nous avons fait de grandes choses. (…) Je pense au plan de lutte contre la criminalité organisée, urgence absolue et mal endémique qui nécessitait des décisions immédiates (...) ».

Didier Migaud est également revenu sur son« opération vérité » destinée à annoncer que l’objectif de construire 15 000 places de prison nettes d’ici 2027 ne serait pas tenu, « en dépit des engagements pris par [ses] prédécesseurs, et qu’il fallait donc trouver les voies et moyens pour améliorer rapidement la situation dans les années qui viennent. (…) ».

Conscient de la nécessité « d’accélérer le temps judiciaire », Didier Migaud a enfin dressé, ultime et amer constat, le portrait d’une justice « pas encore réparée ». L’ex-ministre a toutefois souhaité à son successeur « plein succès à la tête de ce ministère » : « Je ne doute pas que vous y réussirez et que vous prolongerez et amplifierez ce que nous avons initié, à votre manière et avec votre propre sensibilité bien sûr, pour continuer à transformer et réparer l’institution judiciaire ».

« Engager systématiquement des poursuites »

Prenant acte, le nouveau locataire de la place Vendôme a pour sa part affirmé « mesurer pleinement l’importance de la mission qui [lui] est confiée ». Et de préciser qu’il serait « celui qui réconciliera la justice et [ses] concitoyens » en se plaçant du « côté des victimes ».

« Dans les prochains jours, les procureurs recevront des instructions de politique pénale très claires et très fermes, pour engager systématiquement des poursuites » « contre les violences aux personnes, contre les extrémismes et contre le narcobanditisme et le trafic de drogue », a-t-il, entre autres, annoncé.

Des propos plutôt mal accueillis par le syndicat des avocats de France, qui a aussitôt manifesté son inquiétude par voie de presse : « L’attitude de Gérald Darmanin sur les étrangères et étrangers, les violences policières, le racisme et les violences sexistes, invite à penser qu’il ne s’agit pas pour lui d’accorder le statut de victime à toutes et tous de la même manière ».

« Le plus longtemps possible »

Le nouveau ministre est par ailleurs scruté par les personnels de justice sur le terrain du budget. En effet, Didier Migaud avait récupéré 250 millions d’euros sur les 483 millions amputés, comme le rappelle Ludovic Friat, président de l’Union syndicale des Magistrats, dans des propos rapportés par France info. « Le premier des travaux d’Hercule [de Gérald Darmanin], ça va être de faire aussi bien ».

Combien de temps aura-t-il ? Ce matin, au terme de la cérémonie de passation, le ministre s’est vu symboliquement remettre les Sceaux de la République par son remplaçant, qui lui a souhaité, déjà nostalgique, « de les conserver le plus longtemps possible » : « Je dis cela pour vous-même mais aussi pour la Justice de notre pays ».

Mylène Hassany et Bérengère Margaritelli

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