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Qui n’a pas déjà procédé directement, sur son portable, à des réservations de voyages même lointains ou d’hôtels même luxueux, avec la facilitation déconcertante absolument fabuleuse que permet la performance remarquablement améliorée des plateformes numériques en ligne accessibles 24h sur 24, 7 jours sur 7, au moyen d’un simple téléphone mobile ? Sans doute, en effet, qu’après l’invention de la roue, et celle, tout aussi révolutionnaire, du GPS (Global Positioning System), l’utilisation de ces plateformes numériques, totalisant bientôt (prévisions 2019) plus de cent milliards d’euros de chiffres d’affaires pour un peu plus d’un milliard de transactions (selon la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance, données 2017), s’est définitivement installée dans nos vies.
Cette utilisation a sonné le glas des intermédiaires et des incertitudes liées aux incompréhensions de toutes sortes qui peuvent altérer des relations commerciales fondées désormais sur la clarté et par conséquent, sur la confiance que peuvent légitimement inspirer de tels sites marchands superbement confectionnés par des ingénieurs informaticiens capables d’associer le design de la présentation à l’efficacité de la passation d’ordres d’achats immédiats et dont au surplus, un accusé de réception extrêmement clair et détaillant l’achat (date et numéro de réservation), est instantanément délivré. Bref, de plus en plus pratiquées, au nombre de 200 000 actuellement, ces plateformes numériques marchandes en constante augmentation présentent une attractivité de plus en plus irrésistible !
À ce sujet, le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale du 4 juillet 2017, annonçait le très haut débit partout en France au plus tard pour 2022, et déplorait : « il y a des Français qui n’ont pas de GPS, pas de box connectée, dont le téléphone ne sert qu’à téléphoner et c’est tout ».
Un « pistage permanent » peu encadré
Beaucoup s’affligent que le législateur n’intervient que fort peu dans les réglementations concernant l’Internet où s’affrontent parfois le pire comme le meilleur, dans un monde numérique mal connu et qui peut inspirer les plus grandes craintes quant à la protection des données personnelles, du pistage permanent de nos navigations, comme en témoignent les nombreuses sollicitations qui nous parviennent, curieusement de même nature que le domaine pour lequel on vient tout juste de montrer son intérêt. Consultez la signification d’une douleur lombaire, et, aussitôt, foule de médicaments et de médications en tous genres vous sont proposés. On dira, plus encore, que l’âge qu’il est nécessaire d’indiquer pour recevoir des « cadeaux d’anniversaire » (prévus par le site tout spécialement pour vous à cette occasion), est l’artifice aimable destiné à arracher une année de naissance qui permet encore mieux de cibler les attentes du client, demandée dans la foulée du jour et du mois.
C’est bien vrai que la vie privée, de plus en plus, cède le pas à des pratiques numériques devenues tellement habituelles que les informations générées chaque jour sont si nombreuses qu’il est impossible, se convainquons-nous, de les exploiter, ou même de les recenser pour les trier ou les conserver. Pourtant, régulièrement et chaque jour, des mails nous parviennent, démontrant le contraire, et prouvent la formidable capacité des intelligences artificielles à agir, certes encore maladroitement, mais avec des améliorations constantes.
Le Code de consommation, « remarquablement clair et actualisé »
Cependant, s’il y a un domaine où les lois et règlements, comme la jurisprudence, n’ont pas renoncé à s’investir, c’est bien dans celui de la consommation, dont le code est remarquablement clair et très actualisé. La Cour de cassation, comme le souligne son étude annuelle de 2017 « le juge et la mondialisation », a considéré que la suppression par le règlement européen du contrôle de la compétence du juge étranger ne valait pas en matière de contrat de consommation, jugeant ainsi que le contrat de déménagement international n’était pas exclu du champ des règles protectrices du consommateur et refusé de déclarer un jugement italien exécutoire (1re Civ., 4, novembre 2015, pourvoi numéro?14-19.981, Bull. 2015, I, no 272). Elle veille aussi à ce que, d’une façon générale, le consommateur puisse porter son action devant la juridiction de son domicile, quel que soit le domicile de l’autre partie.
De même, sa troisième chambre civile chargée de la propriété immobilière (construction, copropriété, baux d’habitation, environnement et pollution), à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir, voit toutes ses compétences sous-tendues par le droit de la consommation, dans des domaines où les enjeux, spécialement pour le non professionnel, sont sans nul doute d’une importance extrême. L’élaboration méthodique et cohérente d’un véritable droit de l’acquéreur immobilier a commandé, en toute logique et conformément à la loi, l’application des dispositions de l’article L137-2 (devenu L218-2) du Code de la consommation dont il ne serait pas concevable qu’elles cessent de s’appliquer, s’agissant de consommateurs. En effet, selon l’article préliminaire du Code de la consommation, le consommateur est « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». Au total, ce n’est donc pas l’objet du contrat qu’il faut prendre en compte, mais bien la nature de l’intervenant-consommateur (Civ. 3, 26 octobre 2017, n° E1613592).
Focus sur les plateformes numériques
Les plateformes numériques sont ainsi très directement concernées, – d’abord, par la protection des données personnelles qu’elles se doivent désormais d’assurer selon le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil entré en vigueur le 27 avril 2018 ; les sites marchands n’ont d’ailleurs pas manqué de saisir cette occasion rêvée de communiquer sur leurs nouvelles politiques de confidentialité – puis, par notre Code de la consommation, en ses articles L221-14 : « Pour les contrats conclus par voie électronique, le professionnel rappelle au consommateur, avant qu’il ne passe sa commande, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques essentielles des biens ou des services qui font l’objet de la commande, à leur prix, à la durée du contrat et, s’il y a lieu, à la durée minimale des obligations de ce dernier au titre du contrat, telles que prévues à l’article L221-5. Le professionnel veille à ce que le consommateur, lors de sa commande, reconnaisse explicitement son obligation de paiement. À cette fin, la fonction utilisée par le consommateur pour valider sa commande comporte la mention claire et lisible : commande avec obligation de paiement ou une formule analogue, dénuée de toute ambiguïté, indiquant que la passation d’une commande oblige à son paiement. Les sites de commerce en ligne indiquent clairement et lisiblement, au plus tard au début du processus de commande, les moyens de paiement acceptés par le professionnel et les éventuelles restrictions de livraison ». Et aussi à l’article L221-15 : « Le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient exécutées par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. Toutefois, il peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers au contrat, soit à un cas de force majeure ».
« Le luxe de précautions exigées par la loi »
On voit bien le luxe de précautions exigées par la loi pour la bonne passation des ordres d’achats sur Internet avec des dispositions fort rigoureuses pour les sites marchands, puisqu’en cas de difficulté, c’est à eux d’apporter la preuve de l’imputation au consommateur d’une défaillance. Et heureusement, car comment justifier que vous n’avez pas réservé les dix-huit chambres d’hôtel pour la même nuit alors que vous n’en aviez réservé qu’une seule ? Vous pourriez toujours protester, car, même si au bout du compte, raison vous est donnée, vous seriez privé des sommes indûment encaissées.
À leurs débuts, ces plateformes numériques ont en effet connu des « bugs », c’est-à-dire des défaillances assez facilement admises par les opérateurs et rapidement reconnues, puis assorties le plus souvent d’excuses personnalisées. Le succès des plateformes numériques était évidemment conditionné par la forte confiance qu’elles devaient inspirer.
L’utilisation – devenue ordinaire - des plateformes numériques bancaires à travers les distributeurs automatiques de billets ne s’est généralisée - avec le succès que l’on sait - qu’à partir du moment où toutes les précautions ont été prises contre les erreurs, et même les usurpations d’identité, grâce aux caméras désormais systématiques qui vous filment. Mais le plus remarquable est que dans un domaine où il est admis, sans atteinte au plus élémentaire bon ton, de recompter les espèces numéraires que l’on reçoit d’un tiers et en présence même de celui qui vous les a remises, plus personne ne compte et ne recompte les billets de banque délivrés par une machine!
Il faut aussi admettre que les ordres numériques d’achats ne peuvent pas être passés par inadvertance ou mécaniquement. Il y faut renseigner, outre les caractéristiques du bien commandé, ses civilités, noms et qualités, ses adresses de facturation et de livraison, jusqu’au code du portail éventuel pour le livreur diligent, et continuer, sans désemparer, de renseigner encore les coordonnées de la carte de crédit utilisée, jusqu’au code de cryptage spécifique démontrant que vous êtes bien en possession de ladite carte, complété, le cas échéant, par l’autorisation chiffrée de votre banque. Si bien que lorsqu’on lance le « clic » final, c’est qu’on est bien d’accord sur l’achat.
Il n’y aucune espèce d’ambiguïté, bien qu’on puisse tout de même être surpris parfois par la rapidité de la passation d’une telle commande, pour peu que les données de la carte de crédit soient déjà enregistrées dans l’application marchande à l’occasion d’un précédent achat et que le cryptogramme ne soit même pas exigé, mais cela ne peut se faire qu’aux risques du distributeur. De plus, dans le cas de marchandises, on peut encore renoncer à en prendre la livraison, peu important d’ailleurs le nombre d’allers et retours accomplis au détriment, comme on dit maintenant, de la planète. Le respect de la volonté du consommateur, avant, pendant, et après la commande est fondamental. C’est bien, et c’est normal !
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