Santé, maternité, inégalités… Les avocates du barreau de Paris en quête de solutions


mardi 11 mars3 min
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A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le barreau de Paris organisait, jeudi 6 mars, une conférence sur la santé des femmes entrepreneuses et professionnelles réglementées. Dans l’auditorium, une majorité de femmes, pour la plupart des avocates. Maternité, cancer, ménopause, endométriose… Les professionnelles libérales traversent, comme toutes les femmes, ces « grands moments de vie », qui mettent souvent en péril leur activité professionnelle et leur santé mentale.

Décidément, non, les femmes ne sont pas « des hommes comme les autres ». Pour la sénatrice PS Laurence Rossignol, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, qui ouvre la conférence ce matin-là, il faut l’affirmer haut et fort : « Les femmes traversent des difficultés spécifiques tout au long de leur vie, et c’est au monde du travail de s’adapter. Nous devons repenser notre approche. » Fini, le temps où les femmes intégraient le monde du travail en se faisant discrètes, en invisibilisant leurs difficultés dans un monde masculin. « En matière de santé, la spécificité d’être une femme, à la fois cela ne change rien et cela change tout », poursuit l’ancienne ministre des Droits des femmes, pour qui ce colloque est « une évidence ».

« On pourrait croire que les problèmes de santé des femmes relèvent de l’intime, mais ils affectent des carrières », soutient en introduction Vanessa Bousardo, vice-bâtonnière du barreau de Paris. Près d’un avocat sur quatre quitte en effet la profession avant ses 10 années d’exercices, et ce sont en grande majorité des femmes. Vanessa Bousardo complète : « Aucune femme ne doit avoir à quitter sa profession pour ces raisons. Cette enquête, nous l’avons menée parce qu’il y a encore beaucoup de non-dits. »

En février, le barreau de Paris avait en effet lancé une étude sur la santé des avocats et avocates parisien, avec comme objectif de proposer « des solutions concrètes » pour améliorer leur qualité de vie au travail. Les résultats, dévoilés ce matin-là par Benjamin Huet, directeur de clientèle d’Harris Interactive, brossent le portrait d’un métier « pressurisant », qui comporte de réels risques de troubles liés au stress et à l’anxiété. « Un constat plus vrai chez les femmes, précise l’intervenant. Elles sont plus sujettes à l’épuisement émotionnel ». Chez les avocates, les arrêts maladies sont plus nombreux que chez leurs confrères. Et pour un tiers des femmes interrogées, les douleurs menstruelles ont un impact sur leur vie professionnelle.

Mais ces sujets sont encore « tabous », pointe Benjamin Huet : l’enquête montre aussi que les avocates ont des difficultés à parler de leurs problèmes de santé à leurs confrères ou au sein de leurs cabinets. Pourtant, des pistes d’amélioration existent : beaucoup de répondantes ont déclaré qu’elles recevaient du « soutien » de leur hiérarchie ou de leurs collègues lorsqu’elles évoquaient leurs difficultés.

« Le défi principal, c’est la solitude »

Les échanges s’ouvrent sur une première table ronde, animée par Anne-Cécile Sarfati, journaliste et ancienne avocate. Face à l’auditoire, les témoignages se succèdent, et au fil des discussions, un état des lieux de la santé des femmes entrepreneuses se dessine. Les situations, bien que différentes, se rejoignent sur un point : pour les femmes libérales, prendre soin de soi n’est pas forcément une pratique acquise. « Le défi principal, c’est la solitude, estime Aminata Niakaté, avocate au barreau de Paris et présidente de la commission Parité-Égalité de l’UNAPL. Quand on exerce seule, c’est très difficile de s’arrêter. Et dès que la maternité arrive, les revenus baissent ». La solution, ne pas s’arrêter ? « En cas de maladie très courte, beaucoup ne le font pas », souligne Aminata Niakaté.

Et même quand la maladie grave survient, les arrêts prolongés ne sont pas forcément dans les mœurs des professionnelles. C’est le témoignage de Laura Dufresne, avocate associée et co-fondatrice de ShiftHer, un club féminin dédié aux entrepreneuses, qui vient éclairer l’ampleur du phénomène : « J’ai été diagnostiquée d’un cancer du sein à 36 ans. Il n’y a pas de procédures prévues, dans ces cas-là, dans les cabinets. Les associés pensent que ce n’est pas à eux de gérer, qu’il y a des instances pour cela. Je ne me suis pas arrêtée pendant toute la durée du traitement. Une infirmière venait tous les jours au bureau me faire ma piqûre. »

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