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A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le barreau de Paris organisait, jeudi 6 mars, une conférence sur la santé des femmes entrepreneuses et professionnelles réglementées. Dans l’auditorium, une majorité de femmes, pour la plupart des avocates. Maternité, cancer, ménopause, endométriose… Les professionnelles libérales traversent, comme toutes les femmes, ces « grands moments de vie », qui mettent souvent en péril leur activité professionnelle et leur santé mentale.
Décidément,
non, les femmes ne sont pas « des hommes comme les autres ». Pour
la sénatrice PS Laurence Rossignol, vice-présidente de la délégation aux droits des
femmes, qui ouvre la conférence ce matin-là, il faut l’affirmer haut et
fort : « Les femmes traversent des difficultés spécifiques tout au
long de leur vie, et c’est au monde du travail de s’adapter. Nous devons
repenser notre approche. » Fini, le temps où les femmes intégraient le
monde du travail en se faisant discrètes, en invisibilisant leurs difficultés
dans un monde masculin. « En matière de santé, la spécificité d’être une femme, à la
fois cela ne change rien et cela change tout », poursuit l’ancienne
ministre des Droits des femmes, pour qui ce colloque est « une évidence ».
« On pourrait croire que les problèmes de
santé des femmes relèvent de l’intime, mais ils affectent des carrières »,
soutient en introduction Vanessa Bousardo, vice-bâtonnière du barreau de Paris.
Près d’un avocat sur quatre quitte en effet la profession avant ses 10 années
d’exercices, et ce sont en grande majorité des femmes. Vanessa Bousardo complète :
« Aucune femme ne doit avoir à quitter sa profession pour ces raisons.
Cette enquête, nous l’avons menée parce qu’il y a encore beaucoup de
non-dits. »
En février, le barreau de Paris avait en effet lancé
une étude sur la santé des avocats et avocates parisien, avec comme objectif de
proposer « des solutions concrètes » pour améliorer leur
qualité de vie au travail. Les résultats, dévoilés ce matin-là par Benjamin
Huet,
directeur de clientèle d’Harris Interactive,
brossent le portrait d’un métier « pressurisant », qui
comporte de réels risques de troubles liés au stress et à l’anxiété. « Un
constat plus vrai chez les femmes, précise l’intervenant. Elles sont
plus sujettes à l’épuisement émotionnel ». Chez les avocates,
les arrêts maladies sont plus nombreux que chez leurs confrères. Et pour un
tiers des femmes interrogées, les douleurs menstruelles ont un impact sur leur
vie professionnelle.
Mais ces sujets sont encore « tabous »,
pointe Benjamin Huet : l’enquête montre aussi que les avocates ont des
difficultés à parler de leurs problèmes de santé à leurs confrères ou au sein
de leurs cabinets. Pourtant, des pistes d’amélioration existent : beaucoup
de répondantes ont déclaré qu’elles recevaient du « soutien »
de leur hiérarchie ou de leurs collègues lorsqu’elles évoquaient leurs
difficultés.
« Le défi principal, c’est la solitude »
Les échanges s’ouvrent sur une première table
ronde, animée par Anne-Cécile Sarfati, journaliste et ancienne avocate. Face à
l’auditoire, les témoignages se succèdent, et au fil des discussions, un état
des lieux de la santé des femmes entrepreneuses se dessine. Les situations,
bien que différentes, se rejoignent sur un point : pour les femmes
libérales, prendre soin de soi n’est pas forcément une pratique acquise.
« Le défi principal, c’est la solitude, estime Aminata Niakaté,
avocate au barreau de Paris et présidente de la commission Parité-Égalité de l’UNAPL. Quand on exerce
seule, c’est très difficile de s’arrêter. Et dès que la maternité arrive, les
revenus baissent ». La solution, ne pas s’arrêter ? « En
cas de maladie très courte, beaucoup ne le font pas », souligne Aminata
Niakaté.
Et même quand la maladie grave survient, les
arrêts prolongés ne sont pas forcément dans les mœurs des professionnelles.
C’est le témoignage de Laura Dufresne, avocate associée et co-fondatrice de
ShiftHer, un club féminin dédié aux entrepreneuses, qui vient éclairer
l’ampleur du phénomène : « J’ai été diagnostiquée d’un cancer du
sein à 36 ans. Il n’y a pas de procédures prévues, dans ces cas-là, dans les
cabinets. Les associés pensent que ce n’est pas à eux de gérer, qu’il y a des
instances pour cela. Je ne me suis pas arrêtée pendant toute la durée du
traitement. Une infirmière venait tous les jours au bureau me faire ma piqûre. »
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