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![TRIBUNE. Non, la proposition de loi sur les fraudes en matière artistique ne constitue "pas [une] surenchère répressive gratuite"](https://jss.fr/mediawp/legacy/media2023040714384302.jpg)
Estimant que le temps de
travail effectif des détenus n’est pas correctement rémunéré, le Comité
européen des droits sociaux, qui a rendu ses conclusions courant mars 2023
suite aux observations fournies par l’Observation international des prisons
(IOP), a conclu à la non-conformité de la France aux paragraphes 1 et 2 de l’article
4 de la Charte sociale européenne.
Alors
que le ministre de la Justice vient de lancer le « Tour de France du travail pénitentiaire »
le 3 avril dernier afin de promouvoir le travail en détention auprès des
entreprises à l'échelle nationale, le Comité européen des droit sociaux a
attiré l’attention sur la France en ce qui concerne la rémunération des
travailleurs détenus, qu'il a jugée « indécente ».
En
effet, le Conseil de l’Europe, chargé de la mise en œuvre de la Charte sociale
européenne par les États membres, a rendu en mars dernier les conclusions de
son examen relatif au respect des droits liés au travail par la France, dont
les observations ont été fournies par l’Observatoire international des prisons
(OIP). Le Comité européen des droits sociaux en a conclu « que la
situation de la France n'est pas conforme à l'article 4§1 de la Charte [qui
reconnaît le droit des travailleurs à une rémunération suffisante pour leur
assurer un niveau de vie décent] au motif qu’il n’est pas établi que le salaire
minimum soit équitable ».
À lire aussi : Un « Tour de France du travail pénitentiaire »
pour favoriser la réinsertion et éviter la récidive des détenus
Si pour
sa défense, la France a avancé que cette charte qui garantit le droit des
travailleurs à des conditions de travail et à une rémunération équitable et aux
droits collectifs ne doit pas s’appliquer à la situation du travail en
prison, en raison des « contraintes inhérentes à la détention et
notamment […] celles tenant au bon ordre et à la sécurité », a rapporté
l'OIP ; de son côté, le comité argue que
ladite charte couvre bien les travailleurs détenus.
Une
rémunération à la pièce, cause d’un salaire « indécent »
Au regard des informations apportées par l’Observatoire international des prisons, le comité a donc constaté la non-conformité de la situation française avec le droit à une rémunération décente pour les personnes détenues, retenant que les minimaux légaux de salaire, déjà extrêmement faibles (45 % du SMIC, est-il rappelé dans un communiqué du ministère de la Justice), ne sont pas respectés. Ce, « principalement en raison de la rémunération à la pièce. Selon cette pratique, les heures de travail sont comptabilisées sur la base du nombre de pièces produites alors qu’en réalité, le temps de travail effectif du détenu peut être beaucoup plus long et n’est donc pas entièrement rémunéré », est-il détaillé dans ses conclusions.
Il a énoncé par ailleurs que, selon les rapports annuels de la Direction des affaires juridiques du ministère de la Justice, la majorité des plaintes des détenus portent sur les rémunérations abusives dont ils font l’objet. Pourtant, la rémunération à la pièce persiste alors même que la loi française l’interdit depuis 2009. Le comité a rappelé à ce titre à l’État français « sa responsabilité dans le contrôle du respect du salaire horaire légal minimum établi pour les prisons » et a sommé « les autorités de rendre des comptes sur les mesures qui garantiraient une durée raisonnable du travail ».
L’indemnisation forfaitaire
des heures supplémentaires effectuées par les membres du corps d’encadrement
jugée non-conforme
Dans une moindre mesure, le
Conseil de l’Europe affirme que les membres du corps d’encadrement et
d’application de la police nationale se voient également amputés sur leur
salaire, et plus particulièrement sur les heures supplémentaires qu’ils
effectuent.
À lire aussi : Un rapport d’information du Sénat recommande d’investir
dans les SPIP pour lutter contre la récidive
Le comité a retenu que
« l’indemnisation forfaitaire des heures supplémentaires effectuées par
les membres du corps d’encadrement et d’application de la police nationale ne
garantissait pas un taux majoré de rémunération, que l’évolution de la prime de
commandement versée aux officiers supérieurs ne pouvait compenser qu’un très
petit nombre d’heures supplémentaires ».
Il réitère donc cette année que la
situation de la France, déjà en situation de non-conformité lors de ses précédentes conclusions, n’est toujours pas conforme au deuxième paragraphe de
l’article 4 de la Charte sociale européenne, le rapport de la France pour 2023
n’ayant « fourni aucune information en réponse à la précédente
conclusion de non-conformité » est-il précisé dans les conclusions du Comité
qui reste dans l’attente de résultats.
Le comité a toutefois de nouveau conclu cette année que la situation de la France est
conforme au troisième paragraphe de l’article, qui appelle à une non-discrimination
entre femmes et hommes en matière de rémunération.
Allison
Vaslin
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