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« L’IA ne peut commander des hommes » affirme l’évêque aux Armées françaises


vendredi 27 décembre 20243 min
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Lors du colloque annuel du Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE), le 17 décembre 2024, Antoine de Romanet a mis en garde contre les risques liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans des prises de décision.

« L’IA a cette capacité effrayante à choisir pour nous, malgré nous, contre nous, alors que c’est une science sans conscience ». Présent dimanche matin en Corse aux côtés du pape François pour sa première visite sur l’île, Antoine de Romanet, évêque aux Armées françaises, n’était pas spécialement attendu au CDSE ce 17 décembre.

Mais après avoir accompagné le souverain pontife dans sa démarche visant à célébrer l’identité religieuse et civile de la Corse, il a finalement pris part à cet événement consacré à la sûreté des entreprises. Prévu comme invité de dernière minute, l’évêque, chaleureusement accueilli par les entrepreneurs, a partagé sa perspective religieuse par rapport à un thème particulièrement spirituel qu’il a nommé, « l’intelligence artificielle, la vie, l’amour ». Une intervention atypique qui a intrigué les chefs d’entreprise venus débattre de questions de sureté, curieux de découvrir ce qu’un homme d’église pouvait apporter à ces échanges.

L’armée à l’avant-garde

Également aumônier en chef des Armées, Antoine de Romanet dispose d’un « grade miroir », lui permettant d’adopter le grade de son interlocuteur, quel qu’il soit. Un statut qui le place au cœur de l’une des institutions clés de la sécurité nationale, qu’il qualifie lui-même de « lieu d’observation extraordinaire ». « Parce que c’est un espace où l’anticipation des risques est permanente », explique-t-il.

Selon lui, l’armée est à l’avant-garde des défis sociétaux, qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle, de la cybersécurité ou du rapport homme-machine. « Sa structure même pousse à réfléchir sur le long terme, qu’il s’agisse du programme Rafale ou du futur porte-avions, conçu pour être opérationnel jusqu’en 2070-2080 », confirme-t-il.

« Il est fondamental de replacer l’homme au centre, reconnu dans sa pleine dignité. L’insécurité et la non-sûreté reposent sur la déshumanisation », avertit le membre de l'Académie catholique de France.

« L’homme prend les décisions »

De l’avis d’Antoine de Romanet, lorsqu’elle est utilisée comme intelligence augmentée, l’IA peut enrichir les interactions humaines et participer à la construction d’une société plus juste et pacifique.

Toutefois, l’intelligence artificielle représente un risque lorsqu’elle est utilisée dans une « stratégie de pure puissance et de pur profit » ou dans des prises de décisions qui « ne prennent pas en compte ni la fatalité, ni la justice, ni les réalités émotionnelles ». « Ce sont les sentiments d’injustice, de mépris, d’absence de dignité qui mènent aux pires conflits. Et aucune arme, aucune IA, ne pourra résoudre cela ».

Dans des domaines de la sûreté et de la sécurité, l’IA doit particulièrement inviter à réfléchir sur les « sens et les limites » de son utilisation, soutient l’évêque aux Armées. La question de la confiance est également cruciale pour l’aumônier. Le chef est celui qui, par son aptitude à inspirer confiance, est capable de rassembler et d’être suivi, synthétise-t-il. « C’est pourquoi l’IA ne peut commander des hommes, car cela ferait immédiatement perdre à ces derniers toute sécurité personnelle ».

Autre différence fondamentale, ajoute Antoine de Romanet, dans l’armée comme dans toute entreprise, l’humanité se retrouve dans la manière dont un manager parvient à intégrer des éléments politiques, diplomatiques, économiques ou culturels pour orienter ses décisions. Une aptitude qui, selon lui, échappe fondamentalement à l’intelligence artificielle.

En résumé : si l’IA est capable de faire des choix, c’est bien l’homme qui « prend les décisions » (…) Or, « nous condamnerions l’humanité à un avenir sans espoir si nous retirions aux hommes la capacité de décider pour eux-mêmes et pour leur vie, les réduisant à être asservis aux choix des machines ».

Romain Tardino

 

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