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Un rapport remis le 11 juillet aux ministres de l’Économie et du Logement chiffre à 96 milliards d’euros par an d’ici 2030 les besoins du marché en termes de rénovation énergétique, d’adaptation au vieillissement et au changement climatique, et en ce qui concerne la modernisation globale de l’habitat privé.
96 milliards d’euros par an : c’est le montant estimé des besoins de financement pour rénover le parc immobilier français d’ici 2030. Le chiffre est révélé par le rapport de la mission « Banque de la rénovation », remis le 11 juillet 2025 à Éric Lombard et Valérie Létard, respectivement ministres de l’Économie et du Logement.
Lancée fin 2024, cette mission visait à « approfondir l’idée d’une ingénierie bancaire, partenariale et mutualisée […] pour la rénovation énergétique », popularisée sous le nom de banque de la rénovation. Il s’agissait notamment d’explorer « les différents scénarii possibles pour qu’émerge un mode opératoire bancaire adapté à l’accompagnement, aux financements et aux parcours des Français », tout en « intégrant la problématique du préfinancement des aides, pour que la trésorerie des ménages soit le moins impactée possible ».
10 millions de logements à rénover
Depuis janvier, près d’une cinquantaine d’auditions ont donc été menées auprès d’acteurs publics, privés, bancaires et du secteur du logement. Pilotée par Yannick Borde, président de Procivis, la mission associe également les sénatrices Amel Gacquerre et Marianne Margaté, Danielle Dubrac, présidente de l'Union des syndicats de l'immobilier, (UNIS) et Kosta Kastrinidis, directeur des prêts à la Caisse des Dépôts.
Conclusion du rapport ? 96 milliards d’euros par an seraient nécessaires pour couvrir : rénovation énergétique, adaptation au vieillissement, réponse aux effets du changement climatique, amélioration de l’habitat privé, lutte contre l’habitat indigne ou encore entretien du bâti existant. La seule rénovation énergétique représenterait 31 milliards d’euros chaque année. Mais les financements peinent à suivre. À ce jour, 84,6 milliards ont été mobilisés, dont 1,7 milliard pour les copropriétés, une proportion jugée très insuffisante par les auteurs du rapport. Résultat : un déficit de 12 milliards par an, qui menace directement les objectifs climatiques et les efforts d’adaptation du parc immobilier.
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Et les défis sont colossaux : au moins 10 millions de logements classés E, F ou G doivent être rénovés d’ici 2034, auxquels s’ajoutent 2,3 millions de logements à adapter au vieillissement. Autant de chantiers qui devront aussi intégrer le confort d’été et l’évolution des usages liés au climat.
68 % du financement repose sur les ménages
Un besoin de financement d’une telle ampleur que les dispositifs actuels, comme MaPrimeRénov’ ou l’éco-PTZ, peinent à suivre. Notamment en copropriété, où les restes à charge pour les travaux lourds demeurent élevés. D’autant que, d’après l’étude, le financement repose encore à près de 68 % sur l’épargne des ménages - un modèle qui atteint aujourd’hui ses limites. Pour beaucoup de propriétaires, le coût des travaux reste le principal frein.
Le rapport révèle également plusieurs « angles morts » dans l’offre de financement bancaire. Deux catégories apparaissent particulièrement mal accompagnées : les copropriétés, d’une part, et les propriétaires modestes ou âgés, d’autre part. Jugées trop complexes par les établissements financiers, les copropriétés se heurtent à un manque de solutions adaptées. Les critères d’octroi excluent de fait les plus petites ou celles en difficulté. Même constat pour les ménages aux revenus modestes ou les seniors, souvent considérés comme « trop risqués » ou sans capacité d’endettement. Résultat : peu ou pas d’offres bancaires accessibles, malgré l’existence du prêt avance rénovation (PAR), conçu pour ces publics mais encore très peu utilisé.
La situation est d’autant plus problématique que les besoins sont criants. « Comme le rappelle la Fondation pour le logement des défavorisés, si le parc de logements s’est incontestablement amélioré depuis les années 1950, le mal-logement lié à de mauvaises conditions d’habitat est loin d’avoir disparu », souligne l’étude. Insalubrité, indécence, passoires thermiques, copropriétés dégradées… une part importante du parc privé nécessite des rénovations lourdes. Et l’ampleur du phénomène reste mal cernée : entre 400 000 et 420 000 logements indignes seraient concernés en métropole, 147 000 en outre-mer.
Selon l’Enquête nationale logement (ENL) de 2020, « 45 % des ménages habitant dans un logement construit avant 1949 vivent dans un habitat présentant au moins un défaut grave de confort. Ce chiffre grimpe à 56 % chez les locataires du parc collectif privé. » Le besoin de rénovation ne fait donc aucun doute.
« La rénovation énergétique passe par une mobilisation renforcée du secteur bancaire »
Plutôt que de créer une nouvelle aide publique, le collectif à l’origine du rapport préconise la mise en place d’une « banque de la rénovation » : un outil mutualisé, porté par des banques privées volontaires, doté de 100 milliards d’euros pour accélérer la rénovation lourde des copropriétés.
L’idée est de concentrer les efforts sur ce segment du marché, encore largement à la traîne, en s’appuyant notamment sur le nouveau prêt collectif à adhésion simplifiée, prévu par la loi Habitat Dégradé du 9 avril 2024. Ce prêt serait distribué à grande échelle, accompagné d’un préfinancement automatique des aides publiques, et intégré à un dispositif partenarial garantissant la performance des travaux.
Ce mécanisme mutualiserait les coûts liés au développement informatique, à la formation des professionnels, et à la gestion des risques propres aux copropriétés. Il s’appuierait également sur les acteurs déjà présents sur le terrain : syndics, assistants à maîtrise d’ouvrage (AMO), sociétés de tiers-financement, ou encore réseaux d’information.
Une approche saluée par Éric Lombard, ministre de l’Économie et des Finances. En plein débats sur le plan budgétaire, ces recommandations orientées vers des solutions issues du privé intéressent : « Ce rapport rappelle avec justesse que la réussite de la rénovation énergétique passe par une mobilisation renforcée du secteur bancaire. L’État continuera à jouer son rôle d’impulsion, mais c’est bien aux acteurs privés de s’emparer des outils, d’innover et de mutualiser leurs ressources pour lever les freins au financement. C’est une responsabilité partagée, au cœur de notre transition écologique. »
Romain Tardino
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