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Le 24 juin, le tribunal judiciaire de Lyon a été récompensé du prix des « bonnes pratiques 2025 » du ministère de la Justice pour la création de son comité des usagers. Une initiative singulière lancée il y a deux ans pour l’amélioration de l’accueil et de l’accompagnement des justiciables.
L’idée
de départ est inédite. Tout du moins, elle l’est au sein d’une juridiction
française. En 2023, le tribunal judiciaire (TJ) de Lyon se lance dans la
création d’un comité des usagers - à l’image de ce qui se fait dans les
hôpitaux. Il doit permettre aux justiciables de s’impliquer concrètement dans
l’amélioration de l’accueil, l’accessibilité et la compréhension du monde de la
justice. Autrement dit, de garantir la qualité et la pertinence des actions à
mettre en place.
Une idée
presque expérimentale, dont
l’ambition a finalement porté ses fruits, estime Antonny Ferreira, l’un
des membres du comité. Et pour cause : deux ans après sa formation, des dizaines de mesures concrètes ont été adoptées par le
tribunal. «
Toutes les administrations devraient se confronter au regard de ses usagers et
accepter d'entendre les critiques, continue Antonny Ferreira. Ce n'est pas toujours simple,
mais ici, on voit bien que le
résultat est là. Elles ont été constructives,
comme les propositions, et ont
participé à améliorer l'accueil des usagers. » Ce que n’a pas manqué de remarquer l’institution.
Fin
juin, le comité des usagers a en effet été récompensé du prix des « bonnes
pratiques » par le réseau des services judiciaires du ministère de la Justice.
Dans un
communiqué, ce dernier salue « les professionnels de terrain » du
tribunal judiciaire de Lyon, qui « déploient leur énergie et leur
enthousiasme » au quotidien pour « rapprocher les citoyens de leur
justice », comme l’engagement des membres du comité. Une initiative
singulière qui fait figure de modèle.
Pour améliorer l’accueil, « changer de méthode »
Tout commence au printemps 2023, sous l’impulsion de
Michael Janas, président du tribunal judiciaire de Lyon, et de Nicolas Jacquet,
procureur de la République. Les deux hommes - qui ne sont plus en poste
aujourd’hui - souhaitent repenser l’accueil et la prise en charge des
justiciables. Mais pas tout seuls.
En collaboration avec la faculté de droit de l’Université
Jean Moulin III, les deux chefs de juridiction commencent par adapter le questionnaire sur la satisfaction des usagers de la Commission
européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ). Pendant plusieurs jours,
des dizaines d'étudiants sont chargés d'interroger celles et ceux qui arpentent
quotidiennement les couloirs du tribunal pour recueillir leurs avis. Au total,
335 personnes se prêtent au jeu.
« La méthode du comité
des usagers, c'est un changement de méthode », résume Dominique Lenfantin, l'actuel président
du tribunal judiciaire de Lyon. L'idée n'était pas « de penser à la place
des gens », poursuit-il, mais de savoir « ce qu'ils pensent de la
justice en dehors des décisions juridictionnelles » pour ensuite «
adapter le dispositif d'accueil au sens large du terme, en fonction des
remarques ».
L’analyse des centaines de réponses obtenues par le questionnaire permettent d'établir
des pistes d’améliorations possibles. Plus exactement, cinq axes de travail
sont identifiés : la prise en charge du handicap visible et invisible,
l’amélioration de l’accompagnement des victimes, la prise en compte des
personnes en difficulté face aux outils numériques, l’adaptation du langage
judiciaire pour le rendre plus compréhensible et une meilleure gestion du temps
d’attente à l’audience.
Très vite, le comité des usagers est constitué ; il réunit une dizaine de
personnes issues de la société civile - des acteurs associatifs, des étudiantes
en droit ou la responsable du pôle régional du Défenseur des droits. Convoquées
par le tribunal judiciaire de Lyon lors de différentes réunions, elles ont
désormais pour mission de réfléchir aux actions qui pourraient permettre
d'améliorer l'accueil et la prise en charge des justiciables.
« Ce sont des rencontres qui ont été très satisfaisantes parce que nous
étions vraiment dans la proposition », se souvient Jade Ligner, l'une des étudiantes membres
du comité. Pour elle, comme pour les
autres membres du groupe, l'expérience représente « une très belle
opportunité » - non sans investissement.
Chapeauté par les deux chefs de juridiction, le comité des usagers œuvre en
collaboration avec le groupe de travail interne au tribunal, constitué de
magistrats et de fonctionnaires de justice. Ensemble, ils étudient notamment la
faisabilité des préconisations. Une organisation importante, mais le timing est
idéal ; car en toile de fond, d’importants travaux de rénovation des bâtiments ont
démarré - ce qui permet de confronter ce qui a été prévu au jugement du comité.
A l'issue de cette première phase, 50 mesures à mettre en place ont été adoptées à l'unanimité lors de l'assemblée générale plénière du tribunal judiciaire de Lyon, en décembre 2023.
Des mesures « concrètes
» et « pratico-pratiques »
« Pour le
moment, tout ce que nous avons fait relève de ce que la juridiction pouvait
faire rapidement et par elle-même ; c'est-à-dire tout ce qui ne demandait pas
d'engagement budgétaire trop important », relève Dominique Lenfantin. « Mais ce
qui a été fait, c’est déjà énorme », rebondit de son côté Clara
David-Ruget, qui siège au comité. La juriste y représente l'association d'aide
aux victimes Le Mas - qui dispose d’une permanence juridique au tribunal.
Elle estime
que l’accueil et l’orientation des victimes a favorablement évolué, souvent à
la faveur de petites actions « très concrètes » et «
pratico-pratiques » ; comme la mise en place d'une nouvelle
signalétique dans les couloirs du tribunal. Plus largement, Clara David-Ruget
relève les efforts qui ont été fait pour rendre le langage et l’organisation de
la justice plus accessible.
Par exemple,
l’installation de différents écriteaux en salle d'audience pour indiquer au
public où se trouve le président, le greffier, l'assesseur, le procureur ou
encore les avocats des différentes parties - et qui ils sont. Dans le même
esprit, une vidéo
pédagogique a été réalisée en interne pour expliquer le rôle de ces
professionnels - et rappeler les règles à respecter lors des procès. Selon
Thierry Dran, le procureur de la République auprès du tribunal judiciaire de
Lyon, « elle est aujourd’hui diffusée avant la plupart des audiences pénales
» et susciterait « l'intérêt de la chancellerie » - qui lui en
aurait demandé une copie.
Mais
c'est sans doute sur le volet de l'accessibilité aux personnes en situation de
handicap que le plus gros a été fait. Une thématique particulièrement
importante pour Antonny Ferreira, qui représente l'Association des paralysés de
France (APF) au sein du comité. « Je pense que mon profil était intéressant
parce que je suis policier de profession - ce qui fait de moi un usager
régulier du tribunal -, mais je suis aussi en situation de handicap. Ce qui m'a
permis de déceler assez vite ce qui pouvait être mis en place. »
Et d’après
lui aussi, les aménagements sont d'ores et déjà extrêmement bénéfiques. Il cite
notamment l'installation d'une imprimante en braille pour les personnes
non-voyantes, l'adaptation des nouveaux portiques de sécurité aux fauteuils
roulants, ou encore la création d’une « fiche besoin ». « Très
simplement, continue le policier, il s'agit d'un formulaire à
destination des usagers qui permet de prendre en compte certains besoins
spécifiques, notamment ceux des personnes victimes. » Très bientôt, des
places de parking réservées aux personnes en situation de handicap devraient
également être aménagées à proximité du tribunal.
Au total, nous indique le procureur Thierry Dran, « entre 60 et 70 % des
mesures préconisées par le comité des usagers ont été mises en œuvre ».
Plus en détail, « nous avons réalisé près de 80 % de celles portant sur le
volet handicap et 66,7 % de celles portant sur l'amélioration de
l'accompagnement des victimes. Mais c’est moins bon sur la ponctualité
des audiences et la gestion du temps, où nous en sommes à 43
%. » Concernant cet aspect, les projets sont nombreux, mais nécessitent des
financements.
La juridiction
envisage notamment d'installer différents écrans dans la salle des pas perdus
du tribunal pour indiquer aux usagers les informations liées à leur audience.
Le procureur évoque aussi un projet de « rappel par SMS » - qui permettrait aux
justiciables d’être convoqués par tranche horaire et de réduire leurs temps
d’attente ; car aujourd’hui, tous sont convoqués à 14h, sans savoir à quel
moment de la journée, ou de la soirée, leur affaire sera jugée.
In fine, « il reste encore beaucoup à faire, conclut
le procureur de la République. Notamment des choses un peu plus longues à
mettre en place, et plus coûteuses ». Mais il espère, comme le
président du tribunal judiciaire de Lyon, que l'obtention du prix des «
bonnes pratiques » du ministère de la Justice plaide en leur faveur en vue de
l'obtention de futurs financements. Quoi qu'il en soit, l'initiative permet de
montrer l’exemple ; très récemment, la juridiction de Bobigny a créé son propre
comité des usagers.
C. D.
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