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27/01/2025 12:03:24 1 5 5925 23 0 2678 5284 5480 Le refus de relation sexuelle entre conjoints ne peut plus fonder un divorce pour faute, selon la CEDH

Dans un arrêt rendu ce 23 janvier, la Cour retient que le « devoir conjugal », tel qu’énoncé dans l’ordre juridique interne, ne prend « nullement en considération le consentement aux relations sexuelles ».

Ce jeudi 23 janvier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par une requérante dans une affaire de divorce prononcé pour faute à ses torts exclusifs, a rendu un arrêt significatif : le refus de relation sexuelle entre conjoints ne peut plus constituer un motif de faute dans le prononcé d’un divorce.

Cet arrêt intervient plus de dix ans après le début de la procédure de divorce entre une requérante et son ex époux, entamée en avril 2012 à la suite du dépôt d’une requête en divorce. En 2015, l’époux avait été assigné en divorce pour faute par la requérante qui avait fait valoir que « son conjoint avait privilégié sa carrière professionnelle au détriment de leur vie familiale et qu’il s’était montré irascible, violent et blessant », est-il rappelé dans l’arrêt.

En réponse, le mari avait demandé à titre reconventionnel que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de la requérante, « en arguant que celle-ci s’était soustraite au devoir conjugal pendant plusieurs années et qu’elle avait manqué au devoir de respect mutuel entre époux ».

Si le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles, par un jugement du 13 juillet 2018, avait estimé que le divorce ne pouvait être prononcé pour faute, « aucun des griefs allégués par les époux n’éta[nt] étayé », un an plus tard, après appel de la requérante, la cour d’appel de Versailles avait prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’épouse. Celle-ci s’était alors pourvue en cassation en 2021, sans succès.

Une violation de l’article 8 de la CEDH

Pour la CEDH toutefois, « la réaffirmation du devoir conjugal et le prononcé du divorce aux torts exclusifs de la requérante ne reposaient pas sur des motifs pertinents et suffisants ».

La Cour a dans un premier temps constaté que le devoir conjugal, dont la violation est qualifiée de faute au sens de l’article 242 du Code civil et est de nature à justifier que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de celui qui se refuse à le respecter, ne peut ici être qualifié, puisque « le devoir conjugal tel qu’énoncé dans l’ordre juridique interne ne prend nullement en considération le consentement aux relations sexuelles ». Il est notamment rappelé que dans le jugement du 13 juillet 2018, « les problèmes de santé de la requérante étaient de nature à justifier l’absence durable de sexualité au sein du couple ».

La Cour a déduit que l’existence même d’une telle obligation matrimoniale est à la fois contraire à la liberté sexuelle ainsi qu’au droit de disposer de son corps. Elle a également estimé que les pouvoirs publics ont fait preuve d’une ingérence injustifiée dans le champs de la sexualité, et a évoqué une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit au respect de la vie privée et familiale.

Enfin, la CEDH a relevé que la volonté du conjoint de prononcer le divorce pour altération définitif du lien conjugal aux torts exclusifs de la requérante à titre subsidiaire, et non à titre principal, entraine une irrecevabilité de sa demande formulée en méconnaissance des prescriptions de l’article 1077 du Code de procédure civile qui stipule : « la demande en divorce ne peut être fondée que sur un seul cas de divorce. Toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas est irrecevable ».

Pour avoir permis le prononcé d’un divorce pour faute en cas de non-respect du devoir conjugal, la France a dans le même temps été condamnée par la CEDH.

Allison Vaslin

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