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Le refus de relation sexuelle entre conjoints ne peut plus fonder un divorce pour faute, selon la CEDH
Dans un arrêt rendu ce 23 janvier, la Cour retient que le « devoir conjugal », tel qu’énoncé dans l’ordre juridique interne, ne prend « nullement en considération le consentement aux relations sexuelles ».
Ce jeudi 23 janvier, la Cour
européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par une requérante dans une
affaire de divorce prononcé pour faute à ses torts exclusifs, a rendu un arrêt significatif :
le refus de relation sexuelle entre conjoints ne peut plus constituer un motif
de faute dans le prononcé d’un divorce.
Cet arrêt intervient plus de
dix ans après le début de la procédure de divorce entre une requérante et son
ex époux, entamée en avril 2012 à la suite du dépôt d’une requête en divorce. En
2015, l’époux avait été assigné en divorce pour faute par la requérante qui avait
fait valoir que « son conjoint avait privilégié sa carrière
professionnelle au détriment de leur vie familiale et qu’il s’était montré
irascible, violent et blessant », est-il rappelé dans l’arrêt.
En réponse, le mari avait
demandé à titre reconventionnel que le divorce soit prononcé aux torts
exclusifs de la requérante, « en arguant que celle-ci s’était
soustraite au devoir conjugal pendant plusieurs années et qu’elle avait manqué
au devoir de respect mutuel entre époux ».
Si le juge aux affaires
familiales du tribunal de grande instance de Versailles, par un jugement du
13 juillet 2018, avait estimé que le divorce ne pouvait être prononcé pour
faute, « aucun des griefs allégués par les époux n’éta[nt] étayé »,
un an plus tard, après appel de la requérante, la cour d’appel de Versailles avait
prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’épouse. Celle-ci s’était alors
pourvue en cassation en 2021, sans succès.
Une violation de l’article 8
de la CEDH
Pour la CEDH toutefois,
« la réaffirmation du devoir conjugal et le prononcé du divorce aux
torts exclusifs de la requérante ne reposaient pas sur des motifs pertinents et
suffisants ».
La Cour a dans un premier
temps constaté que le devoir conjugal, dont la violation est qualifiée de faute
au sens de l’article 242 du Code civil et est de nature à justifier que le
divorce soit prononcé aux torts exclusifs de celui qui se refuse à le
respecter, ne peut ici être qualifié, puisque « le devoir conjugal tel
qu’énoncé dans l’ordre juridique interne ne prend nullement en considération le
consentement aux relations sexuelles ». Il est notamment rappelé que
dans le jugement du 13 juillet 2018, « les problèmes de santé de la
requérante étaient de nature à justifier l’absence durable de sexualité au sein
du couple ».
La Cour a déduit que
l’existence même d’une telle obligation matrimoniale est à la fois contraire à
la liberté sexuelle ainsi qu’au droit de disposer de son corps. Elle a
également estimé que les pouvoirs publics ont fait preuve d’une ingérence
injustifiée dans le champs de la sexualité, et a évoqué une violation de
l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit au
respect de la vie privée et familiale.
Enfin, la CEDH a relevé que
la volonté du conjoint de prononcer le divorce pour altération définitif du
lien conjugal aux torts exclusifs de la requérante à titre subsidiaire, et non
à titre principal, entraine une irrecevabilité de sa demande formulée en
méconnaissance des prescriptions de l’article 1077 du Code de procédure civile
qui stipule : « la demande en divorce ne peut être fondée que sur
un seul cas de divorce. Toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre
cas est irrecevable ».
Pour avoir permis le prononcé
d’un divorce pour faute en cas de non-respect du devoir conjugal, la France a
dans le même temps été condamnée par la CEDH.
Allison
Vaslin
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