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Violences, meurtres... A Marseille, plusieurs associations apportent leur soutien aux victimes d’infractions pénales. Elles accompagnent les familles endeuillées par des homicides en offrant un soutien juridique et psychologique indispensable.
A
Marseille, comme ailleurs en France, les familles de victimes de « règlements
de comptes » se retrouvent trop souvent seules quand un drame survient.
Ouassila Benhamdi a perdu un fils en décembre 2020, âgé de 21 ans, aux abords
de la cité phocéenne. Elle préside aujourd’hui l'association Conscience, fondée
en 2020 à Marseille, qui vient en aide aux familles endeuillées par les
homicides. Le corps de son fils a été retrouvé dans une voiture calcinée. «
Il était avec deux autres personnes au moment des faits, dont une qui était la
cible. Ils les ont tous tués », explique Ouassila Benhamdi.
« Quand
on perd un enfant, on est perdu, on a envie d’être écouté. Je me suis retrouvée
seule. Personne ne m’a aidée. La police ne m’a même pas appelée pour me
prévenir », se souvient-elle. Ouassila Benhamdi
est restée plusieurs jours dans l’attente de la confirmation du décès de son
fils. Pourtant, dès le jour du drame, elle se doutait que quelque chose
n’allait pas.
« J’ai
d’abord appris que le collègue de mon fils avait été tué. Or, je savais que mon
fils était parti avec lui le matin »,
témoigne-t-elle. « J’ai essayé de l’appeler, mais ça ne sonnait pas. C’est
là que j’ai compris que quelque chose de grave s’était passé. » Sa
belle-fille lui indique le lendemain qu’un deuxième corps a été retrouvé. Elle
appelle alors plusieurs fois la police, mais les fonctionnaires lui répondent
de ne pas s’inquiéter. « J’ai appelé toute la nuit. Je ne pouvais plus
sortir de chez moi, j’avais les jambes comme coupées. »
C’est
finalement deux jours plus tard que les policiers sont venus chez elle. «
Ils m’ont dit qu’ils étaient sûrs à 90 % qu’un des deux corps retrouvés dans la
voiture était celui de mon fils. »« Vous vous rendez compte, me dire qu’ils
n’étaient pas entièrement sûrs… Cela m’a donné de faux espoirs. » Ce n'est
que plus tard, une fois l’autopsie terminée, qu’Ouassila Benhamdi a eu la
confirmation du décès.
Les
choses se sont passées différemment pour la troisième victime. Si le corps a
été retrouvé plus tard à un endroit différent, les meurtriers avaient envoyé
une vidéo d’une violence insoutenable à un des parents. Ce parent est depuis
suivi par l'association. « Comment voulez-vous vous remettre de cela ? »,
interroge Ouassila Benhamdi.
Comme
Ouassila Benhamdi, beaucoup de mères de familles se sont retrouvées seules face
à la violence sans bornes des narcotrafiquants. « J’ai vécu tout cela et
aujourd’hui je veux aider les autres mères de famille qui sont frappées par ce
malheur », souligne-t-elle. « Les barons de la drogue embauchent nos
jeunes, les mettent en danger, se servent d’eux et en font des victimes »,
continue Ouassila Benhamdi.
Les
victimes, dont les familles sont accompagnées par l’association, sont toutes
très jeunes et ne dépassent généralement pas les 21 ans. Un des derniers
exemples en date est un garçon de 16 ans, décédé au pied d’une tour, seulement
trois heures après avoir débarqué à Marseille depuis le Nord de la France. «
Il n’était pas la cible. Il était simplement là au mauvais endroit, au mauvais
moment, victime collatérale d’une guerre entre deux clans. »
L’association Conscience est sollicitée par les familles ou va directement à leur rencontre lorsqu’un drame se produit. L’aide recouvre plusieurs aspects : soutien psychologique, accompagnement juridique et administratif, et tout simplement apporter une présence humaine. Ainsi, l’association met à la disposition des familles un psychologue et un avocat. « Nous les aidons par exemple à connaître leurs droits, comment combattre les pensées suicidaires, comment gérer les papiers pour les obsèques. Nous organisons aussi des collectes pour financer les enterrements », explique Ouassila Benhamdi.
En
outre, des réunions sont organisées tous les mois avec les familles au siège de
l’association, dans le 13e arrondissement de Marseille. L’objectif est de
prendre des nouvelles de chacun, mais aussi de travailler pour préparer des
événements comme des manifestations. « Dans les manifestations de rue que
nous organisons, nous demandons simplement que justice soit faite pour nos
enfants. Dans la plupart des cas que nous prenons en charge, les meurtriers ne
sont pas arrêtés. C’est insupportable pour les parents », précise-t-elle.
Au
total, l’association Conscience suit actuellement une cinquantaine de familles
de victimes. « Il n’y a presque que des mamans, à l’exception de trois papas
et un tonton. »
Elle
compte également environ 200 adhérents, des bénévoles qui organisent par
exemple des collectes, des vide-greniers pour financer l’association, ou qui
tiennent des permanences dans d’autres villes que Marseille.
Certaines
familles de victimes vivent ailleurs, comme à Grenoble ou Lille. Conscience
organise alors un suivi à distance grâce à un référent local. Elle convie
parfois ces familles à Marseille pour assister aux réunions mensuelles, au
siège de l’association.
L’association
accompagne également les familles qui souhaitent déménager après un homicide.
Dans certains cas, quitter les lieux devient une priorité. Ouassila Benhamdi
raconte ainsi l’histoire d’une mère qui vivait toujours dans l’immeuble HLM au
pied duquel son fils avait été tué. « Tous les jours, elle devait passer
devant la flaque de sang. C’était impossible de continuer à vivre comme cela.
Heureusement, nous avons pu rapidement la faire déménager. »
Pour
cela, Conscience intervient directement auprès des bailleurs sociaux de
Marseille pour leur demander de reloger les familles. Une action directement
issue de l’expérience d’Ouassila Benhamdi qui a elle-même changé de ville après
la mort de son fils. « Ma première décision a été de quitter Marseille pour
un village au nord des Bouches-du-Rhône. » « Je ne pouvais plus revoir les
endroits que mon fils avait l’habitude de fréquenter, son école, ses copains,
etc. », précise-t-elle.
L'association
Conscience se finance par elle-même grâce à des dons et notamment un
vide-grenier permanent dans ses locaux du 13e arrondissement. Elle espère
recevoir un jour des subventions de l’État.
Si
l'association Conscience se consacre aux familles endeuillées par des
homicides, d'autres structures à Marseille se mobilisent pour venir en aide aux
victimes d’infractions pénales. Parmi elles, l'Association d'aide aux victimes
d'actes de délinquance (Avad). Elle accompagne tous les types de profil, en
particulier les victimes de violences conjugales qui représentent une grande
partie de son activité.
L’Avad fait partie du réseau national France Victimes qui fédère 132 associations. Elle est agréée par le ministère de la Justice. « Nous ne sommes pas une association ‘de victimes’ [comme Conscience], mais ‘d’aide aux victimes’ », souligne Marie Guillaume, directrice de l’association. « Ce qui nous distingue, c’est notre obligation de neutralité. Par exemple, nous ne pouvons pas nous constituer partie civile dans un procès », précise-t-elle.
L’Avad
s’adresse à toute personne qui se considère victime d’une infraction pénale. «
Cela peut aller d’une atteinte aux biens, à des actes de terrorisme ou des
homicides », poursuit la directrice de l’association. Le dépôt de plainte
n’est pas une condition préalable pour bénéficier de cet accompagnement. Le
seul critère est que les faits présumés relèvent bien du champ pénal.
« Les
victimes peuvent nous contacter spontanément par téléphone ou venir dans une de
nos permanences. Elles peuvent également être orientées par le procureur de la
République lorsque celui-ci estime qu’une assistance est nécessaire, souvent en
raison de la gravité des faits ou de la vulnérabilité des personnes », précise Marie Guillaume.
L’Avad
compte 25 salariés, dont des juristes spécialisés en droit pénal, des
psychologues et des travailleurs sociaux. Elle dispose également d’une dizaine
d’administrateurs aux profils divers : magistrats honoraires, policiers,
membres du milieu associatif, etc.
Son
siège est situé à proximité du tribunal judiciaire de Marseille. L’association
possède également plusieurs permanences dans la cité phocéenne et dans les
communes limitrophes. Son champ d’action est circonscrit au territoire du
ressort du tribunal judiciaire de Marseille.
« La
première mission de l’Avad est d’informer les victimes sur leurs droits, les
démarches à suivre et les modalités de plainte », souligne la directrice. « L’objectif est de proposer
une aide individualisée et adaptée à chaque situation. » Cela passe
notamment par l’orientation vers un avocat, un soutien psychologique en
interne, ou une aide aux démarches administratives comme celles relatives à
l’assurance après un cambriolage.
Concrètement,
lorsqu’une victime entre en contact avec l’Avad, celle-ci peut proposer une
liste actualisée d’avocats spécialisés, formés aux droits des victimes et qui
acceptent l’aide juridictionnelle. Cela est particulièrement utile pour les
comparutions immédiates.
L’association
intervient également dans le cadre du Service d’aide aux victimes d’urgence
(Savu), sur saisine du parquet ou de la police. Le Savu permet une prise en
charge rapide des victimes d’infractions pénales graves, comme les homicides,
viols ou agressions graves. Ce dispositif existe dans plusieurs agglomérations
en France, dont Marseille.
Dans le
cadre du Savu, l’Avad se déplace par exemple à l’hôpital ou au domicile des
victimes pour leur apporter une aide immédiate. « C’est une mission
d’urgence qui comprend l’accompagnement aux démarches essentielles, comme la
médecine légale qui est une épreuve particulièrement difficile », explique
Marie Guillaume.
En 2024,
l’AVAD a accompagné 5 660 victimes d’infractions pénales (hors interventions
d’urgence sur saisine du parquet ou de la police), un chiffre en augmentation
par rapport à 2023 (5 200 victimes). « Les violences conjugales représentent
environ un tiers du public accueilli », précise Marie Guillaume.
Sylvain Labaune
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