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CHRONIQUE. Une audience au tribunal de police, c'est un peu la correctionnelle en miniature, notamment parce qu'on ne trouve en principe qu'un seul magistrat dans la salle. Mais celle-ci avait tout d'une grande, avec un prévenu, une partie civile, et même un témoin ! Ne manquaient plus que des avocats.
« Les faits sont assez
simples », entame la présidente. En 2023, David V.,
randonneur du dimanche, arpentait le bas-côté d'une départementale, comme il se
doit à contresens de la circulation, et en s'aidant de bâtons de marche. Il est
d'ailleurs venu avec au tribunal, même si l'escalier en colimaçon et la
moquette fatiguée peuvent à première vue sembler assez peu hostiles.
Il raconte : « Je faisais une boucle de 20 km pour m'entraîner. C'était la chasse, donc il y a des passages qu'on ne pouvait pas faire en forêt. C'est vrai que je me suis retrouvé sur une départementale, dans une très longue ligne droite où on voyait très bien les voitures arriver. Je marchais dans l'herbe. Une voiture ne s'est pas décalée [et n'a pas ralenti], alors j'ai tendu mon bâton, qui fait 1,20 m de long, et ça a tapé ».
Cette fois, la voiture a
ralenti, et s'est même immobilisée en pleine voie, avant de faire marche
arrière : « J'ai calculé, poursuit David V. après avoir repris
ses notes, à 80 km/h, la distance d'arrêt est de 88 m [elle est en fait
de 64 m, NDLR]. Il a donc fallu qu'elle fasse plusieurs dizaines de mètres
en reculant, donc ce n'était clairement pas pour me faire un bisou ».
C'est justement le nœud du problème.
Car lorsque la voiture est revenue à la hauteur de David V., le passager, Alexis M., en est descendu. C'est la suite qui lui vaut de comparaître pour violences volontaires sans ITT.
« Il m'a parlé de distance, alors je l'ai poussé »
En audition, Alexis M. a
raconté que « son bâton a tapé notre rétroviseur, qui s'est
rabattu ». Ensuite, il a beaucoup répondu à côté, avec des
déclarations comme : « Il y a tellement d'endroits autres que la
départementale pour marcher en toute sécurité ». Il a même fait le
malin, en indiquant aux enquêteurs : « Il m'a parlé de distances
de sécurité, alors je l'ai poussé avec mon pied pour qu'il soit exaucé ».
« C'est violent ou pas, de pousser quelqu'un ? », demande
la présidente. « Non », répond-il simplement.
Elle relit donc à Alexis M. ses propres déclarations. À plusieurs reprises, et en détachant de plus en plus les syllabes : « Je ne reconnais pas les violences, mais je reconnais l'avoir poussé ». David V. ajoute quelques détails, comme : « Monsieur m'a insulté. Je lui ai demandé “qu'est-ce qui est le plus important, votre rétroviseur ou ma vie ?”. Il m'a répondu “rien à foutre”... ». Intarissable, il a encore plusieurs pages de notes sous le coude. La présidente finit par mettre le holà : « Le tribunal s'estime suffisamment informé. On va faire entrer le témoin ».
« Je suis stupéfait de vous faire perdre votre temps »
Le témoin en question, c'est Stéphanie D., qui se trouve être la compagne d'Alexis M. et la conductrice au moment des faits. « Il était sur ma voie, […] je m'attendais à ce qu'il aille dans l'herbe », indique-t-elle simplement. « Et sur l'acte de violence ? », intercale la présidente. « La première agression, c'est lui [qui l'a commise], avec son bâton dans mon rétro », avance-t-elle. « Mais il n'est pas poursuivi pour violences », rétorque la magistrate.
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Bref, Stéphanie D. ergote,
mais dès son audition au commissariat, elle a dit au sujet de son
compagnon : « Il l'a poussé, de ce qu'il m'a dit ». « S'il
l'a poussé, il ne l'a pas poussé très loin », précise-t-elle
simplement à la barre.
« Dans ce dossier,
reprend la présidente, nous avons un autre témoin, contacté par téléphone.
Il relate qu'un monsieur est descendu de la voiture et a asséné un coup de pied
au randonneur qui marchait sur le bas-côté, puis est remonté dans la voiture
qui est repartie ». L'officier du ministère public (OMP) déplore « une
absence de prise de conscience, voire une certaine ironie dans ses propos. […]
J'aimerais qu'il prenne conscience qu'il ne peut pas réagir de la sorte ».
Elle demande 350 € d'amende.
Dernier mot au prévenu :
« Je ne démens pas l'avoir poussé, mais il tendait ses bâtons vers moi.
Je ne dis pas qu'il était en train de m'agresser, mais il fallait que je fasse
quelque chose. […] Je suis stupéfait de vous faire perdre votre temps, et [de
perdre] le mien aussi ».
Ce seront 350 € d'amende, et
300 € de dommages et intérêts pour David V.
Antoine
Bloch
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