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Sommé de dédommager plus de
1 000 personnes victimes de délais « déraisonnables » aux
prud’hommes, l’État a contesté la décision du TJ de Paris ce mercredi et
demandé à ce que soit suspendu le versement des indemnités.
Des délais de justice jugés
« déraisonnables » ? L’année 2023 n’y aura pas fait
exception !
Le 14 décembre dernier,
l’État s’est vu une nouvelle fois condamné en raison de dysfonctionnements du
service public de la justice judiciaire. Le tribunal judicaire de Paris, dans
une décision de près de 1 200 pages, a donc enjoint l’État « à
verser près de 7 millions d’euros d’indemnités à 1 051 personnes victimes
de délais jugés excessivement longs pour faire valoir leurs droits devant les
prud'hommes », rapporte l’AFP d’après des sources
judiciaires.
Toutefois, ces mêmes sources
ont annoncé mercredi 24 janvier que l’État, « tenu de réparer le
dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice »
comme l’a rappelé le juge, a interjeté appel du jugement, et a même demandé de
suspendre le versement des indemnités oscillant entre 2 500 et 11 000
euros, aux personnes victimes de ces lenteurs judicaires, selon une autre
source.
Une décision surprenante pour
Dany Marignale, l’avocat représentant le millier de plaignants, puisque l’appel
va finalement relancer « la machine judiciaire ». « Nos
clients vont se retrouver dans la situation qu’ils dénoncent avec cette
procédure » a-t-il confié à Oise Hebdo, qui ajoute que cette condamnation
fait suite à une assignation de l’État par l’avocat qui avait portant « tenté
une phase amiable auprès du ministère de la Justice ».
Le conseil des prud’hommes de
Beauvais et Compiègne mis en cause
Révélée par le Canard
Enchaîné dans son édition datée de ce 24 janvier, l’affaire concerne donc 1 051
salariés ayant « fait les frais d’une justice dysfonctionnelle depuis
très longtemps » a expliqué l’avocat. Plusieurs conseils prud’homaux
sont mis en cause.
L’hebdomadaire relate le
parcours d’un salarié ayant saisi le conseil de prud’homme à Laon en 2014
« pour voir son dossier réglé devant la cour d’appel d’Amiens en 2021 »,
puis d’un autre à Lille, qui a dû attendre 2016 « avant que son affaire
soit renvoyée puis clôturée en 2019 alors qu’elle datait de 2013 ».
De son côté, Dany Marignale détaille
à Oise Hebdo que l’un de ses clients a saisi le conseil des prud’hommes
de Compiègne en décembre 2014, mais sa première audience n’a eu lieu qu’en
septembre 2015, suivie d’une deuxième audience en novembre 2015 avant de
finalement saisir la cour d’appel le mois suivant, avec une décision rendue en
janvier 2020. « Cela représente un parcours de cinq ans et un
mois », résume-t-il. Au total, parmi les 1 051 plaignants, 19 ont
dénoncé des délais trop longs au conseil des prud’hommes de Compiègne, et 55 à
celui de Beauvais.
À lire aussi : Affaire de la « chaufferie de la Défense » :
jusqu’à deux ans de sursis probatoire pour les prévenus
Et si l’avocat est habitué à
ce genre d’affaire, il précise qu’il s’agit là d’un record « en terme
d’action de groupe », représentant plus de 1 000 victimes, mais
également en termes d’indemnités, l’État étant enjoint de verser 6,7 millions
d’euros.
Mais le bras de fer continue
donc avec ce dernier, qui n’en est pas à sa première condamnation sur le sujet.
En effet, le tribunal de Paris avait déjà condamné l’État en 2012 pour les même
motifs, après que 70 salariés l’avaient saisi d’une action en responsabilité
contre l’État. En 2016, neuf salariés avaient obtenu des dommages et intérêts. L’État
avait également été condamné par le TJ en 2017, en 2019 et en 2022, lorsqu’il
avait dû indemniser le cabinet Grelin & Associés à hauteur de 7 000
euros pour préjudice moral (sept ans de délais).
Précisons que l’article 6§1
de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’homme prévoit que
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délais raisonnable, par un tribunal indépendant
impartial ». L’article L. 111-3 du Code de l’organisation
judicaire précise quant à lui que « les décisions de justice sont
rendues dans un délai raisonnable » compris entre un à six mois
maximum… bien loin des délais souvent tenus en pratique.
Allison
Vaslin
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