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« Les athlètes courent plus vite, sautent plus haut, vont plus loin : leur résilience n’a pas d'équivalent et leur capacité à réunir les conditions pour une performance d’élite est sans pareil, énumère Thierry Aballea, avocat et ancien sportif de haut niveau – champion de France et d'Europe de planche à voile. Pourtant, ils ont des zones de grande fragilité. » C’est donc pour les « protéger » que le Barreau de Paris a proclamé la déclaration universelle des droits des athlètes vendredi 26 avril, à l’issue de la sixième édition des Assises du droit du sport.
« Le dévouement total des athlètes, leur capacité à se concentrer exclusivement sur leur performance, ne leur permet pas de consacrer de l'énergie et du temps à leur contrat et à leurs droits, explique Thierry Aballea. Les échanges avec eux ne font aucun doute sur ce point. » Intégrité physique et mentale, vie privée, accès à la justice… Les panels qui se sont tenus à la Maison du Barreau, ont également mis en évidence une « vulnérabilité particulière » des athlètes.
« Elle est liée à leur situation particulière, assure Xavier Dupré de Boulois, professeur de droit public à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. L'accès aux compétitions est subordonné au respect de toute une série d’obligations qui leur sont imposées par des acteurs publics comme les fédérations et des acteurs privés comme les clubs. » Des obligations souvent « exorbitantes », que ce soit en matière de lutte contre le dopage, de relation entre le sportif et le club, ou encore au niveau de la liberté d’expression, très restrictive.
Onze droits, une obligation
« Nous avons donc décidé de devenir en quelque sorte leur porte-plume », annonce Thierry Aballea. Constituée de douze articles, la déclaration universelle des droits des athlètes se démarque du texte adopté par le Comité international olympique (CIO) en 2018 sur leurs droits et responsabilités. Ce dernier comprend douze droits et dix obligations, ce n’est donc « pas une véritable déclaration des droits, c’est un recensement, une codification », estime Xavier Dupré de Boulois.
Le texte proclamé par le barreau de Paris, est, lui, exclusivement constitué de droits, à l’exception de l’article 9, qui porte sur le respect de l’intégrité du sport. « Cette déclaration s’inscrit dans le modèle déclaratif français des droits, précise le professeur. Il y a d’abord la prétention à l'universalité, puis le fait que l'on est plutôt dans l’affirmation de droits abstraits, assez généraux. » On y trouve ainsi le droit à la dignité et au respect, celui à l’éducation, à une représentation, à la confidentialité, à la protection des mineurs, ou encore le droit à une rémunération équitable.
« Faire en sorte que les athlètes soient impliqués »
Pour Sophie Kwasny, cheffe de la division sport et secrétaire exécutive de l’accord partiel élargi sur le sport (APES) au Conseil de l’Europe, le « mérite numéro un » du texte est de remettre les athlètes au cœur du dispositif : « À Strasbourg [où se trouve le siège du Conseil de l’Europe, ndlr], les gouvernements sont également en demande d’une gouvernance plus collaborative : c’est notamment faire en sorte que les athlètes soient impliqués dans le développement des politiques qui les concernent ».
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La responsable évoque plusieurs efforts en ce sens, comme la présence de comités d’athlètes au CIO. « Les choses évoluent, mais si on veut vraiment faire en sorte que les droits repris ici, dans cette déclaration, soient une réalité, il faut que la gouvernance permette aux athlètes de faire remonter leurs besoins et les difficultés dans l’exercice de leurs droits », souligne Sophie Kwasny.
Un outil de sensibilisation et de revendication
Si la déclaration universelle des droits des athlètes n'a pas de valeur juridique, cette initiative privée pourrait jouer un rôle important dans l’espace public, de par sa seule existence. « Ce texte présente les atours d’une déclaration juridique : un préambule, des articles, expose Xavier Dupré de Boulois. Il prétend ainsi à une forme d’aura, de légitimité d’emprunt : c’est à ce titre qu’il pourrait devenir un outil de sensibilisation des athlètes ou des différents acteurs sur la problématique des droits des sportifs. Il pourrait même constituer un outil de revendication. »
Le professeur de droit évoque un précédent : la déclaration universelle des droits de l’animal, proclamée en 1978 à la Maison de l'Unesco. « Même si elle n’a toujours pas de valeur juridique, elle a participé à une dynamique de prise en compte plus importante des droits des animaux, assure Xavier Dupré de Boulois. Aujourd’hui, cette déclaration continue à être un texte de référence dans le secteur associatif. » Elle est même affichée dans le hall d’entrée de certaines mairies françaises. « C’est l’illustration [du fait] qu’une initiative privée peut conduire à mieux protéger », estime le professeur.
Les signataires de la déclaration universelle des droits des athlètes appellent donc « les gouvernements, les fédérations, les organisations sportives, les entraîneurs, les athlètes eux-mêmes et tous les acteurs impliqués dans le monde du sport à reconnaître et à protéger ces droits fondamentaux. »
Floriane Valdayron
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