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mercredi 12 juillet 20238 min
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12/07/2023 17:21:46 1 5 3796 66 0 1364 3462 3581 Changement climatique : le CESE estime que pour parer ses conséquences sur la santé au travail, il faut œuvrer collectivement

Adopté fin avril en séance plénière, l’avis du Conseil économique, social et environnemental qui aspire à décloisonner les politiques de santé au travail édicte 17 préconisations. Le texte appelle à une mobilisation de la part des dirigeants en entreprise, ainsi qu’à une sensibilisation qui passerait par la formation des personnels de la médecine du travail et des représentants des salariés.

Si le sujet des liens entre santé, travail et climat a encore du mal à trouver sa place dans le dialogue social des entreprises et administrations – bien qu’il s’impose de plus en plus à la société, notamment à la suite des trois épisodes caniculaires de 2022 –, il est depuis longtemps au cœur des préoccupations de militants et militantes syndicaux et d’organisations patronales.

Ce sont justement leurs retours qui ont contribué, en partie, à nourrir l’avis du Conseil économique social et environnemental (CESE), intitulé « Travail et santé-environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ? », présenté et adopté en séance plénière fin avril. Un avis qui arrive « à point nommé », à l’heure où la vie active vient d’être significativement rallongée, pointe le rapporteur Jean-François Naton.

Risques physiques liés à la chaleur : attention, danger

Lors de la présentation de ce texte, Sophie Thiéry, présidente de la commission travail et emploi auprès du CESE, a évoqué une enquête s’inscrivant dans les travaux du Conseil, réalisée entre le 1er décembre 2022 et le 13 janvier 2023, laquelle révèle que 70 % des répondants considèrent le dérèglement climatique comme facteur pouvant affecter la santé des salariés et des agents.

Or, cette dégradation est déjà à l’œuvre, a-t-elle souligné, alors qu’aujourd’hui, selon la DARES, 3,6 millions de personnes soit 14 % des salariés travaillent à l’extérieur et sont plus directement exposés à de fortes chaleurs, et que « l’ensemble des travailleuses et travailleurs – les indépendants, les salariés des services et de l’industrie, comme les agents publics – sont concernés », pointe le CESE dans la présentation de son avis. La hausse des températures a notamment un impact direct sur les risques professionnels (malaises sur le lieu de travail, déshydratation…). Ces risques ne sont d’ailleurs « pas près de s’atténuer » a déploré la présidente de la commission travail, puisque 70 vagues de chaleur sont prévues d’ici à 2050, contre 37 vagues relevées entre 1989 et 2022. « Non seulement ces vagues seront plus fréquentes et plus chaudes, mais aussi plus intenses et elles arriveront plus tôt et plus tard après l’été. Finalement, on supportait la chaleur pendant les vacances, désormais ce sera toute l’année et donc au travail », a alerté Sophie Thiéry.

Les changements climatiques ont aussi un impact indirect sur les risques d’accidents, l’exposition à la chaleur mais aussi la fréquence et l’intensité des aléas climatiques menant à une fatigue accrue et à une baisse de la vigilance pendant l’activité professionnelle. « Si on gérait les vagues de chaleur précédentes en “mode crise” de par leur ponctualité, il faut maintenant les intégrer dans le dialogue social et aux accords qui organisent les temps de travail » a ainsi martelé la présidente de la commission travail. Cette dernière a enfin évoqué l’impact lié aux risques psycho-sociaux, et notamment l'éco-anxiété subie par des personnes éprouvant un conflit d’éthique entre leurs convictions écologiques et l’impact de leurs activités sur les bouleversements environnementaux ; un phénomène lui aussi en augmentation, particulièrement chez les femmes, comme l’enquête du CESE le met en exergue.

Mentionnons également que l’ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) mettait en avant, il y a 5 ans, l’évolution de l’environnement biologique et chimique, avec un impact sur « les risques chimiques liés à l’inhalation de substances volatiles ou encore sur la modification des risques liés aux agents biologiques (maladies infectieuses, pollens, etc.) : le changement global va ainsi modifier les zones de répartition de vecteurs de maladies infectieuses (moustiques, tiques, etc.) ou favoriser l’installation de nouveaux vecteurs, faisant ainsi évoluer les risques liés aux agents biologiques, notamment pour les personnes travaillant en milieu naturel ou en contact avec des personnes et des animaux. »

Aménager et adapter le temps de travail dans les secteurs les plus impactés

L’enquête menée par le CESE met également en évidence que la population interrogée se déclare « très majoritairement concernée a` titre personnel par les sujets environnementaux et leur impact sur le travail mais constate que ces sujets sont a` l’ordre du jour dans son environnement professionnel dans seulement un tiers des cas ». C’est pourquoi l’assemblée constitutionnelle formule 17 préconisations s’inscrivant dans un dialogue social, car le travail étant un « maillon toujours présent », comme l’a rappelé le rapporteur Jean-François Naton, il faut « repenser la santé au travail en relation avec la santé publique et les politiques de préventions », est-il détaillé dans le projet d’avis du CESE en propos liminaires.

En ce sens, le Conseil estime dans sa 12e préconisation qu’il faut intégrer l’impact du dérèglement climatique dans les négociations portant sur les techniques, les organisations et les conditions de travail et la santé physique et mentale des travailleurs et travailleuses, qui passe par une organisation des conditions et du temps de travail, tout en évitant la « maladaptation », qui peut se traduire par l’amplification de la dégradation de l’environnement en utilisant par exemple la climatisation.

Pour assurer de meilleures conditions de travail face au dérèglement climatique tout en préservant l’environnement, le Conseil conseille de limiter l’exposition des travailleurs et travailleuses exposés à des températures extérieures élevées, mais aussi de faire reconnaître dans le Code du travail en son article L. 5424-8 le « risque canicule » comme intempérie, à l’instar des inondations et autres conditions atmosphériques « rend[a]nt dangereux ou impossible l'accomplissement du travail eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés ».

Afin de renforcer les précédentes pistes, le Conseil propose dans sa 14e préconisation « d’intégrer les conséquences du dérèglement climatique sur l’organisation et les conditions de travail dans les obligations de négociation de branche déjà prévues à l’article 2241-1 du Code du travail », rappelant également que les partenaires sociaux en charge de négocier ces points devront « être vigilants aux objectifs d’atténuation et de sobriété ».

Former le personnel médical aux risques santé-environnement

Mais la médecine du travail a elle aussi un rôle à jouer selon le CESE, qui estime qu’elle est « un acteur principal de sensibilisation ». À ce titre, le Conseil recommande de faire de la prévention, en formant notamment les acteurs de la santé aux enjeux du travail « dès les premiers cycles universitaires (…) avec des formations sur la santé au travail et la santé-environnement ».

En plus de la formation, l’assemblée constitutionnelle estime que les professionnels de la médecine du travail doivent avoir un suivi épidémiologique d’une personne salariée, « un enjeu majeur de prévention » précise l’avis. Cela permettrait de tracer l’exposition aux risques auxquels un salarié a pu être exposé dans le cadre de son travail.

Le Conseil encourage également l’accompagnement des entreprises dans la mise en œuvre de leurs obligations en matière de prévention des risques, notamment la rédaction des DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels), a expliqué le rapporteur lors de la séance plénière.

Par ailleurs, le CESE préconise de « développer le dispositif de formation commune mentionné à l’article L. 2212-1 du Code du travail » (« les salariés et les employeurs ou leurs représentants peuvent bénéficier de formations communes visant à améliorer les pratiques du dialogue social dans les entreprises, dispensées par les centres, instituts ou organismes de formation »), qui prévoira les thématiques environnementales et de santé-environnement « constitu[a]nt désormais des objets majeurs du dialogue social ».

De plus, l’assemblée constitutionnelle « invite à négocier dans les branches et les entreprises, des moyens de formation pour les élus du Comité social et économique dans le cadre de la transformation écologique du travail », car il faut certes « s’adapter au changement climatique, mais aussi l’atténuer » a détaillé le rapporteur.

Promouvoir et sensibiliser sur les risques liés à la santé au travail

Il est donc clair pour le CESE que les problématiques de santé environnement doivent être intégrées dans les dispositifs de droit et devoirs existants. Il aspire également à ce que les risques soient « promus » par un débat démocratique au travail, dont les conditions doivent être élargies sur l’exposition aux risques professionnels et environnementaux, selon le Conseil.

Il préconise à ce titre de compléter les moyens de protection des lanceurs d’alerte (préconisation 16) qui ne sont juridiquement pas protégés s’ils s’adressent à la cnDAspe (commission nationale de déontologie et des alertes en santé publique et environnement), n’étant pas désignée comme autorité compétente à recueillir la parole des lanceurs d’alerte, alors même que la loi Waseman du 21 mars 2022 leur permet de saisir les autorités externes compétentes.

L’assemblée constitutionnelle recommande également d’ajuster un principe d’écoute des salariés qui serait inscrit « parmi les principes généraux de prévention du Code du travail », « les travailleurs [étant] les mieux à même de connaître les risques auxquels ils s’exposent » est-il argumenté au sein de l’avis, mais aussi d’instituer un débat régulier au CESE où les agences publiques en charge de l’évaluation des risques et de l’épidémiologie des maladies à caractère professionnel pourraient être entendues. Il s’agit là d’un sujet primordial pour nouer un dialogue social indispensable : un travail « qui participe à ce renversement où le pouvoir d’agir sur le travail permettra de forger les conciliations du justice sociales et environnementale, d’efficacité et de performance » a martelé le rapporteur Jean-François Naton.

Une indispensable implication des entreprises dans le dialogue social et professionnel

Mais pour que cela fonctionne pleinement, la participation active des entreprises est sollicitée, de même que le dialogue social comme « levier de transformation ». En effet, « il ne peut y avoir de débat sur la démocratie sociale et environnementale sans recours à un dialogue professionnel articulé en dialogue social » a expliqué le rapporteur Jean-François Naton. Un dialogue entravé selon lui par l’adage « travailler plus pour gagner plus » avant de penser le travail autrement, et particulièrement dans le contexte actuel du dérèglement climatique.

Ce dialogue passe, entre autres, par une transparence des entreprises, notamment dans la rédaction de leur DUERP. En effet, si les entreprises peuvent être accompagnées sur le sujet, encore faut-il qu’elles « jouent le jeu » et remplissent correctement ce document unique d’évaluation des risques professionnels. Or, en France, seules 50 % des entreprises remplissent de manière satisfaisante leur DUERP, a indiqué le rapporteur, autrement dit tous les risques ne seraient pas répertoriés, nuisant de surcroit à la santé des salariés. C’est pourquoi le CESE préconise dans un premier temps « une campagne nationale visant la mobilisation des employeurs sur la prévention des risques professionnels ». Il dresse également une liste de ce qui devra désormais apparaitre dans les DUERP, afin de « mieux associer les travailleurs et/ou leurs représentants à l’identification des risques » (préconisation 6).

« Le renversement se fera par la capacité à agir des entreprises où, poste par poste, au plus près du réel, va s’intensifier l’urgence des situations au travail » a relaté Jean-François Naton. Le CESE appelle ainsi à l’exemplarité des dirigeants mais aussi à une prise de conscience plus générale, comme l’a confirmé Claude Kulak, intervenante et fondatrice de l’association La Compagnie des aidants : « la transition juste du monde du travail ne pourra se faire contre leurs dirigeants ou travailleurs, elle exige un collectif uni et un dialogue soutenu ». Il n’y a plus qu’à !

Allison Vaslin

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