Tribunal de Créteil : « C’était dans un cadre festif ? »


lundi 23 décembre 20245 min
Écouter l'article

CHRONIQUE. Récit d’un procès en comparution immédiate devant la 12e chambre correctionnelle du tribunal de Créteil, pour des faits de conduite en état d’ivresse et un délit de fuite. Entre autres.

Le prévenu, âgé d’une trentaine d’années, plutôt grand, s’avance dans le box dédié.

Le juge l’interpelle :

-      « Monsieur, vous reconnaissez les faits qui vous sont reprochés, nous sommes d’accord ?

-      Oui.

-      Dans un premier temps, vous les avez contestés, mais peut-être était-ce l'effet de l’alcool ? En tout cas, dans une dernière audition, vous avez dit ‘oui, il n'y a pas de difficulté, je reconnais tout’ ».

Cinq jours avant l’audience, Julien (le prénom a été changé) a « occasionné un accident » avec une voiture appartenant à son employeur, à Sucy-en-Brie. Il a alors poursuivi sa route, « tentant ainsi d'échapper à sa responsabilité civile et pénale », précise le juge président d’audience. Une fois appréhendé par la police, il a refusé de se soumettre aux vérifications par examen de son état alcoolique. Qui a été constaté « de manière manifeste », dans un état « titubant et tenant des propos incohérents ». Pour couronner le tout, Julien a commis tout cela alors que son permis de conduire avait fait l’objet d’une « annulation judiciaire, avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis de conduire », en janvier, par le tribunal de Meaux.

« Il y a un peu plus qu’un rétro »

La victime de la conduite de Julien s’est constituée partie civile. Elle a dû partir un peu avant l’audience pour se rendre à son travail, explique son avocate.

Le juge questionne le prévenu :

-      « Vous vous êtes rendu compte que vous aviez eu un accident ?

-      Sur le moment, non. Pour moi, je n'ai pas dévié de voie, j'ai juste tapé, et je ne m'en suis pas forcément aperçu. C'est pour ça que je suis rentré chez moi. Au moment où il (la victime du choc, ndlr) m'a bloqué, j'étais devant chez moi, le véhicule garé.

-      Parce qu'on a des photos et a priori, il a dû s'entendre, le choc.

-      Oui, c'est un rétro

-      Il y a un peu plus qu'un rétro. A priori, le bas de caisse a aussi été touché. »

Après avoir poursuivi Julien, la victime l’a retenu devant son portail, et a appelé la police. Le juge précise qu’à leur arrivée, les policiers ont trouvé Julien en train d’escalader un muret, ce que ce dernier nie : « non, j'ai un bip, j'attendais que la porte s'ouvre, je n’ai pas escaladé »

Une juge assesseure questionne maintenant Julien sur les circonstances ayant précédé son trajet alcoolisé : 

-      « Tout ce que vous avez bu, c’était dans un cadre festif ?

-      C'est ça, oui, c'était dans un bar, en fait. Si vous voulez, j'ai un ami qui fêtait quelque chose.

-      D'accord, mais alors vous n'étiez pas dans un cadre professionnel ?

-      Ah non, du tout. C'était sur le retour. »

Toujours est-il que Julien a été arrêté au volant de la voiture de service de la société pour laquelle il travaille en tant que plombier-chauffagiste. C’est avec ce véhicule que le collègue de Julien va le chercher tous les matins, et le ramène le soir. Il explique qu’après la soirée arrosée dans le bar, ce collègue est rentré à pied, car il réside à proximité – contrairement au prévenu.

La seconde juge assesseure prend la parole : 

-      « Ce que je ne comprends pas, Monsieur, c'est que votre permis a été annulé. C'était pour quelle raison ?

-      Pour des faits similaires.

-      Voilà. Donc, vous savez que vous n'avez pas le droit de boire, et encore moins de conduire en ayant bu. Mais alors, les deux en même temps, encore plus. Vous comprenez, ça ? Vous savez que vous alliez prendre cette voiture, mais vous prenez quand même la décision de boire avant… »

La fois de trop

La procureure prend à son tour la parole. Elle interpelle le prévenu : 

-      « Vous savez que vous êtes un danger pour les autres, en étant alcoolisé, on est d’accord ?

-      Bien sûr.

-      Vous pouvez percuter quelqu'un qui transporte un enfant, par exemple.

-      Oui, je sais bien.

-      Je ne sais pas si vous avez compris, parce qu'en fait, là, on n'aurait pas été sur la même audience. Qu'est-ce qu'il faut pour que vous compreniez ? Elle hausse le ton. Qu'est-ce qu'il faut ? C'est l'incarcération qui vous faut, monsieur ?

-      Là, c’était la fois de trop

-      Mais c'était la dernière fois, la fois de trop ! »

Le juge président d’audience reprend la parole, et détaille les antécédents de Julien devant le tribunal. Deux ordonnances pénales ont été prononcées contre lui, en 2012 et 2016, pour des faits d’usage de stupéfiants. En 2019, il a fait l’objet d’une autre ordonnance pénale de suspension de son permis de conduire pendant quatre mois, cette fois pour conduite sous l’emprise de stupéfiants. En 2020, son permis est à nouveau suspendu pour huit mois : il est alors obligé de réaliser un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Puis, en janvier 2024, il est à nouveau présenté devant le juge, pour des faits, en état de récidive, de conduite sous stupéfiants. Il reconnaît alors les faits, dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Il écope d’une peine de sursis probatoire de six mois, sur deux années. 

Des mesures liées au sursis non effectuées

Le juge pointe un sursis probatoire « qui ne se passe pas bien ». Ainsi, explique-t-il, Julien a ignoré deux convocations qui lui ont été adressées. Ce dernier prétend n’avoir rien reçu, et dit avoir changé de numéro de téléphone. Le magistrat cherche à savoir si la peine complémentaire de la CRPC a eu quelque effet : 

-      « Dans le cadre de la condamnation que vous avez acceptée, il y avait comme obligation de vous soumettre à des mesures d'examen. Vous avez engagé une thérapie, pour essayer de mettre un terme à votre consommation excessive, soit de produits stupéfiants, soit d'alcool ? 

-      Concernant les stupéfiants, j’ai arrêté totalement depuis l’affaire de Meaux.

-      Et vous êtes allé voir un médecin pour faire des analyses, pour pouvoir le prouver ?

-      Euh, non.

-      Et donc, vous avez remplacé les stupéfiants par l’alcool ?

-      Non, c'est uniquement festif.

-      Je suppose que la toxicomanie, c'était festif aussi, non ? »

Julien explique que le soir des faits jugés, il célébrait la naissance de l’enfant d’un collègue. Le juge lui pose quelques questions sur la mère et le bébé. Julien manque, semble-t-il, d’éléments précis autres que le prénom, et bredouille que « son ami lui a dit de passer ». De quoi faire dire au magistrat que « ce qui pose question », c’est que d

Partager l'article


0 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à la Newsletter !

Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.