Agrément d'Anticor : épilogue


jeudi 7 novembre 20245 min
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Alors que l’association avait vu son agrément lui être retiré, cette dernière avait pu le récupérer, après plus d’un an de bataille judiciaire. Le Conseil d’État vient de marquer un point final au dossier administratif, en confirmant l’illégalité de l’arrêté délivré par le gouvernement Castex, en 2021, et qui octroyait à l’association son agrément. Cet arrêté était au cœur du conflit judiciaire.

Après un peu plus d’un an de bataille judiciaire, ponctuée par huit procédures engagées par Anticor, le gouvernement Attal avait accepté de délivrer à l’association un nouvel agrément, le 5 septembre dernier. Un mois après cette décision, c’est au tour du Conseil d’État de statuer sur le dossier, le 6 novembre. Il vient de confirmer la décision de la cour administrative d’appel qui avait jugé le décret de Jean Castex illégal, il y a tout juste un an. 

L’agrément en question permet aux associations qui y accèdent de se constituer partie civile et de relancer les enquêtes dans des affaires de corruption. En avril 2021, Jean Castex, Premier ministre de l’époque, avait autorisé par un arrêté le renouvellement de l’agrément d’Anticor, pour une durée de trois ans. En revanche, le document officiel mentionnait « l’absence de transparence » sur un don à destination de l’association, effectué en 2020. Ce dernier représenterait « près de 17 % des ressources » d’Anticor, selon l’arrêté. Dans un contexte de désaccords internes à l’association, d’anciens membres avaient déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris en dénonçant l’illégalité de cet arrêté. La décision des juges était tombée comme un couperet pour Anticor puisque l’arrêté au cœur des interrogations avait finalement été jugé illégal, en juin 2023. L’association avait donc perdu son agrément avant de regretter « une atteinte grave à la démocratie ».

Une longue saga judiciaire jusqu’au retour de l’agrément

Après la première décision du tribunal administratif de Paris, retirant à Anticor son agrément, l’association avait formulé, à de multiples reprises, des demandes de renouvellement auprès du gouvernement. Elles s’étaient toutes soldées par une absence de réponse, qualifiée par Anticor de « refus implicites ». En réaction à ces silences, l’association avait saisi le tribunal administratif de Paris. Et le 9 août dernier, les juges enjoignaient le Premier ministre de l’époque, Gabriel Attal, de délivrer une réponse claire et motivée sur le renouvellement de cet agrément, dans un délai de quinze jours. Mais le gouvernement était resté, une nouvelle fois, silencieux.

À la fin du mois d’août, Anticor avait saisi en référé le tribunal administratif, afin « d’obliger le Premier ministre à prendre sous astreinte, c’est-à-dire avec le paiement d’une somme par jour, une décision sur l’agrément », selon les propos de Paul Cassia, le président de l’association, rapportés par l’AFP. Ainsi, le 4 septembre dernier, le juge des référés avait enjoint, une seconde fois, le Premier ministre de délivrer une réponse quant à la demande d’agrément. Gabriel Attal avait, cette fois-ci, 24 heures pour rendre sa décision, sous peine d’une amende de 1 000 euros par jour de retard, comme le réclamait Anticor.

Et au lendemain de cette décision, le 5 septembre dernier, Gabriel Attal autorisait le renouvellement de l’agrément d’Anticor. Dans un communiqué de presse, l’association s’était félicitée : « La ténacité d’Anticor a payé ! C’est une immense victoire pour la lutte contre la corruption ! » Elle avait par ailleurs rappelé que « l’association et ses 7 000 adhérents poursuivra plus que jamais son action contre la corruption et pour l’éthique en politique ».

Le Conseil d’État confirme l’illégalité de l’agrément délivré par le gouvernement Castex

À partir du mois de décembre 2023, Anticor avait formulé plusieurs demandes de pourvoi en cassation auprès du Conseil d’État, dans l’espoir de retrouver son agrément. Au terme de ces démarches, la plus haute juridiction administrative a rejeté, le 6 novembre dernier, les requêtes de l’association. En effet, pour le Conseil d’État l’arrêté de Jean Castex, octroyant l’agrément anticorruption à Anticor, de 2021 à 2024, était bel et bien illégal. Ce dernier précisait que l’association n’avait « pas, par le passé, garanti l’information de ses membres » sur ses financements et que le don reçu pourrait « faire naître un doute sur son caractère désintéressé et indépendant ». Pour les juges, l’arrêté constituait « une erreur de droit » étant donné les doutes formulés en son sein sur le respect des conditions à remplir afin de bénéficier du renouvellement.

« Le tribunal a jugé que le Premier ministre ne pouvait pas légalement tout à la fois considérer que la condition tenant au caractère désintéressé et indépendant des activités de l’association n’était pas remplie [] et délivrer tout de même l’agrément », développe, dans un communiqué de presse, le Conseil d’État. Ce dernier juge, d’une part, que « le membre et l’ancien membre de l’association qui avaient saisi la juridiction administrative justifiaient d’un intérêt pour agir suffisant pour contester l’agrément », comme l’avait considéré, à l’époque, la cour administrative d’appel. D’autre part, la haute juridiction administrative « valide le raisonnement retenu par le tribunal administratif et la cour administrative d’appel pour juger illégal l’arrêté du Premier ministre », tout en confirmant l’annulation rétroactive de l’arrêté du gouvernement Castex.

Anticor projette d’attaquer en justice l’État

Cette décision est un coup dur pour Anticor qui l’appréhende comme une confirmation « que l’association est victime de la rédaction erronée de l’arrêté signé par Jean Castex ». Elle regrette aussi que le Conseil d’État se soit « uniquement appuyé sur des motifs de forme liés à la rédaction de l’arrêté ». De ce fait, l’association annonce envisager « une action en responsabilité pour faute de l’État [] pour le préjudice causé dans la délivrance d’un agrément irrégulier ». Elle fait aussi mention de « l’urgence de modifier le régime de l’agrément », constituant, selon elle, un paradoxe. « Les associations doivent demander au gouvernement l’autorisation de lui demander des comptes, voire de porter plainte contre ses membres. Ces mêmes associations sont alors dépendantes du bon-vouloir des gouvernements pour pouvoir agir là où les citoyens ne le peuvent pas », écrit-elle.

En effet, les conditions d’attribution de ce garde-fou que représente l’agrément anticorruption, sont, depuis longtemps, vivement critiquées. Alors que l’agrément permet d’avoir un droit de regard sur les affaires de corruption jusqu’au plus haut degré de l’exécutif, celui-ci est accordé par l’exécutif lui-même. En juin 2023, l’association Sherpa expliquait appeler « depuis des années à une réforme » du mode de renouvellement de cet agrément. François Molins, l’ex-procureur général de la Cour de cassation, avait également pris la parole sur ce sujet, en déclarant qu’il serait « plus sain pour notre démocratie que ce ne soit pas le gouvernement qui statue sur les demandes d’agrément, mais une autorité administrative indépendante ». Dans la même lignée, Anticor propose qu’une « autorité administrative indépendante », telle que le Défenseur des droits, statue sur le renouvellement. Quoi qu’il en soit, la récente décision du Conseil d’État confirmant l’illégalité de l’arrêté Castex est définitive.

Inès Guiza

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