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Alors que l’association avait vu son agrément lui être retiré, cette dernière avait pu le récupérer, après plus d’un an de bataille judiciaire. Le Conseil d’État vient de marquer un point final au dossier administratif, en confirmant l’illégalité de l’arrêté délivré par le gouvernement Castex, en 2021, et qui octroyait à l’association son agrément. Cet arrêté était au cœur du conflit judiciaire.
Après un peu plus d’un an de bataille judiciaire, ponctuée par huit procédures engagées par Anticor, le gouvernement Attal avait accepté de délivrer à l’association un nouvel agrément, le 5 septembre dernier. Un mois après cette décision, c’est au tour du Conseil d’État de statuer sur le dossier, le 6 novembre. Il vient de confirmer la décision de la cour administrative d’appel qui avait jugé le décret de Jean Castex illégal, il y a tout juste un an.
L’agrément en question permet
aux associations qui y accèdent de se constituer partie civile et de relancer
les enquêtes dans des affaires de corruption. En avril 2021, Jean Castex,
Premier ministre de l’époque, avait autorisé par un arrêté le renouvellement de
l’agrément d’Anticor, pour une durée de trois ans. En revanche, le document
officiel mentionnait « l’absence de transparence » sur un don à
destination de l’association, effectué en 2020. Ce dernier représenterait « près
de 17 % des ressources » d’Anticor, selon l’arrêté. Dans un contexte
de désaccords internes à l’association, d’anciens membres avaient déposé un
recours devant le tribunal administratif de Paris en dénonçant l’illégalité de
cet arrêté. La décision des juges était tombée comme un couperet pour Anticor puisque
l’arrêté au cœur des interrogations avait finalement été jugé illégal, en juin
2023. L’association avait donc perdu son agrément avant de regretter « une
atteinte grave à la démocratie ».
Une longue saga judiciaire
jusqu’au retour de l’agrément
Après la
première décision du tribunal administratif de Paris, retirant à Anticor son
agrément, l’association avait formulé, à de multiples reprises, des demandes de
renouvellement auprès du gouvernement. Elles s’étaient toutes soldées par une
absence de réponse, qualifiée par Anticor de « refus implicites ».
En réaction à ces silences, l’association avait saisi le tribunal administratif
de Paris. Et le 9 août dernier, les juges enjoignaient le Premier ministre de
l’époque, Gabriel Attal, de délivrer une réponse claire et motivée sur le
renouvellement de cet agrément, dans un délai de quinze jours. Mais le
gouvernement était resté, une nouvelle fois, silencieux.
À la fin du mois d’août,
Anticor avait saisi en référé le tribunal administratif, afin « d’obliger
le Premier ministre à prendre sous astreinte, c’est-à-dire avec le paiement
d’une somme par jour, une décision sur l’agrément », selon les propos
de Paul Cassia, le président de l’association, rapportés par l’AFP. Ainsi, le 4
septembre dernier, le juge des référés avait enjoint, une seconde fois, le
Premier ministre de délivrer une réponse quant à la demande d’agrément. Gabriel
Attal avait, cette fois-ci, 24 heures pour rendre sa décision, sous peine d’une
amende de 1 000 euros par jour de retard, comme le réclamait Anticor.
Et au lendemain de cette
décision, le 5 septembre dernier, Gabriel Attal autorisait le renouvellement de
l’agrément d’Anticor. Dans un communiqué de presse, l’association s’était
félicitée : « La ténacité d’Anticor a payé ! C’est une immense victoire
pour la lutte contre la corruption ! » Elle avait par ailleurs rappelé
que « l’association et ses 7 000 adhérents poursuivra plus que jamais
son action contre la corruption et pour l’éthique en politique ».
À partir du mois de décembre
2023, Anticor avait formulé plusieurs demandes de pourvoi en cassation auprès
du Conseil d’État, dans l’espoir de retrouver son agrément. Au terme de ces
démarches, la plus haute juridiction administrative a rejeté, le 6 novembre
dernier, les requêtes de l’association. En effet, pour le Conseil d’État l’arrêté
de Jean Castex, octroyant l’agrément anticorruption à Anticor, de 2021 à 2024,
était bel et bien illégal. Ce dernier précisait que l’association n’avait « pas,
par le passé, garanti l’information de ses membres » sur ses
financements et que le don reçu pourrait « faire naître un doute sur
son caractère désintéressé et indépendant ». Pour les juges, l’arrêté
constituait « une erreur de droit » étant donné les doutes
formulés en son sein sur le respect des conditions à remplir afin de bénéficier
du renouvellement.
« Le tribunal a jugé que
le Premier ministre ne pouvait pas légalement tout à la fois considérer que la
condition tenant au caractère désintéressé et indépendant des activités de
l’association n’était pas remplie […] et délivrer tout de même
l’agrément », développe, dans un communiqué de presse, le
Conseil d’État. Ce dernier juge, d’une part, que « le membre et
l’ancien membre de l’association qui avaient saisi la juridiction
administrative justifiaient d’un intérêt pour agir suffisant pour contester
l’agrément », comme l’avait considéré, à l’époque, la cour
administrative d’appel. D’autre part, la haute juridiction administrative « valide
le raisonnement retenu par le tribunal administratif et la cour administrative
d’appel pour juger illégal l’arrêté du Premier ministre », tout en
confirmant l’annulation rétroactive de l’arrêté du gouvernement Castex.
Cette décision est un coup
dur pour Anticor qui l’appréhende comme une confirmation « que
l’association est victime de la rédaction erronée de l’arrêté signé par Jean
Castex ». Elle regrette aussi que le Conseil d’État se soit « uniquement
appuyé sur des motifs de forme liés à la rédaction de l’arrêté ». De
ce fait, l’association annonce envisager « une action en responsabilité
pour faute de l’État […] pour le préjudice causé dans
la délivrance d’un agrément irrégulier ». Elle fait aussi
mention de « l’urgence de modifier le régime de l’agrément »,
constituant, selon elle, un paradoxe. « Les associations doivent
demander au gouvernement l’autorisation de lui demander des comptes, voire de
porter plainte contre ses membres. Ces mêmes associations sont alors
dépendantes du bon-vouloir des gouvernements pour pouvoir agir là où les citoyens
ne le peuvent pas », écrit-elle.
En effet, les conditions
d’attribution de ce garde-fou que représente l’agrément anticorruption, sont,
depuis longtemps, vivement critiquées. Alors que l’agrément permet d’avoir un
droit de regard sur les affaires de corruption jusqu’au plus haut degré de
l’exécutif, celui-ci est accordé par l’exécutif lui-même. En juin 2023,
l’association Sherpa expliquait appeler « depuis des années à une
réforme » du mode de renouvellement de cet agrément. François Molins,
l’ex-procureur général de la Cour de cassation, avait également pris la parole
sur ce sujet, en déclarant qu’il serait « plus sain pour notre
démocratie que ce ne soit pas le gouvernement qui statue sur les demandes
d’agrément, mais une autorité administrative indépendante ». Dans la
même lignée, Anticor propose qu’une « autorité administrative
indépendante », telle que le Défenseur des droits, statue sur le
renouvellement. Quoi qu’il en soit, la récente décision du Conseil d’État confirmant
l’illégalité de l’arrêté Castex est définitive.
Inès
Guiza
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