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À l’occasion d’un colloque consacré à l’amicus curiae, plusieurs spécialistes de la question ont fait le point sur cette pratique internationale dont le succès en France reste mitigé, en dépit de son succès dans les pays de common law.
Il fêtait cette année son 30e anniversaire, dans l’indifférence la plus totale. Et pourtant, l’amicus curiae, qui fait peu parler de lui en France, y a été introduit en 1988 sur une initiative du Conseil de l’Ordre, après avoir été utilisé pour la première fois par le premier président Pierre Drai, la même année, à la cour d’appel de Paris.
Décidée à lui rendre ses lettres de noblesse, la Maison du barreau de Paris lui dédiait un colloque, le 25 octobre dernier. Et si le concept n’est guère évocateur pour certains, « il ne s’agit ni d’un témoin, ni d’un expert – juste d’un ami de la cour qui vient renseigner celle-ci quand elle en a besoin », a indiqué le vice-bâtonnier du barreau de Paris, Basile Ader, en préambule.
Un « ami » qui sévit en réalité principalement dans les pays de common law, et dont le développement le plus remarquable s’est fait outre-Atlantique, a souligné Bernard Vatier, ancien bâtonnier du barreau de Paris, le règlement de la Cour Suprême organisant à son article 37 la soumission de tiers intervenants pour faire connaître leur point de vue sur une décision à venir. Le terme vient d’ailleurs de la pratique anglo-saxonne, « car les juges britanniques sont beaucoup plus ouverts, et bien plus intéressés par l’impact de la décision dans l’espace économique et social », a estimé l’avocat. La démarche du juge britannique consisterait ainsi à prendre davantage en considération l’effectivité sociale du droit. La Cour Suprême du Royaume-Uni, dans sa décision du 24 janvier 2017 sur le Brexit a, par exemple, entendu de nombreux amici curiae en qualité d’intervenants, a fait remarquer l’avocat Yves Laurin, au barreau de Paris. « Les juridictions françaises de l’ordre judiciaire ne l’emploient pas fréquemment et l’ont peut-être oublié », a-t-il regretté, pointant une « acculturation parfois lente ». Alors que l’espace judiciaire français reste donc encore relativement fermé à ce concept, Bernard Vatier a considéré qu’il s’agissait « d’un concept en pleine évolution, d’une opportunité à prendre en considération ».
Ordre administratif et judiciaire français : la frilosité ?
L’amicus curiae peut pourtant intervenir auprès de toutes les juridictions françaises : dans l’ordre administratif, le décret du 22 février 2010?a ainsi intégré la procédure au Code de justice administrative, qu’il a définie à l’article R. 625-3, avant de donner des précisions sur la procédure dans un arrêt de 2015. Pour autant, le recours à cette disposition reste extrêmement rare. Yves Laurin a ainsi indiqué que le Conseil d’État avait « utilisé la technique de l’amicus curiae seulement à deux reprises, en 2011 et 2014 ». Dans le premier cas, l’institution avait fait intervenir un ancien président de la Cour internationale de justice afin de l’interroger sur la hiérarchie des normes internationales ; tandis que lors de la seconde affaire, le Conseil avait réclamé les lumières de l’Académie nationale de médecine, du Comité consultatif national d’éthique et du Conseil national de l’Ordre des médecins, pour que ces derniers l’éclairent sur l’application des notions d’ « obstination déraisonnable » et de « maintien artificiel de la vie ».
Quant au juge judiciaire, Benard Vatier a fait référence à l’article 27 du Code de procédure civile, qui précise que ce dernier « a la faculté d’entendre sans formalités les personnes qui peuvent l’éclairer ainsi que celles dont les intérêts risquent d’être affectés par sa décision ».
Plusieurs amici curiae étaient ainsi intervenus lors de l’instruction du pourvoi d’un arrêt rendu par la Chambre plénière de la Cour de cassation, le 29 juin 2001 : des professeurs de droit, l’Académie de médecine et le Comité national d’éthique et des sciences de la vie avaient exposé leur avis sur la possibilité d’appliquer la qualification d’homicide involontaire à un enfant à naître.
Toutefois, là encore, cet article 27 demeure « une disposition peu appliquée, car le juge français n’est pas tellement ouvert à l’écoute : il statue essentiellement sur pièces, et malgré l’existence de cette disposition, il fait rarement appel à un amicus », a déploré l’ancien bâtonnier. Un « oubli » souvent, aussi, de la part des avocats, qui ont pourtant la possibilité de conseiller au juge d’avoir recours à cet ami de la cour.
Une telle frilosité pose question, alors qu’il s’agit pourtant d’un « élément d’aération dans l’espace judiciaire », a jugé Bernard Vatier. « On sort du seul litige pour prendre en considération l’horizon dans lequel une décision est rendue. Mais l’inconvénient est que cela retarde et complique le cours de la justice », a-t-il reconnu.
Les ovnis « portes étroites »
Yves Laurin l’a précisé : la pratique, en France, est aujourd’hui
« essentiellement en usage devant le Conseil constitutionnel ».
Devant l’institution, l’amicus curiae prend le nom de « portes
étroites », non identifiées sur le plan juridique, a fait remarquer
Dominique Rousseau, professeur agrégé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et ancien membre du Conseil supérieur de la
magistrature.
En effet, a expliqué ce dernier, il aurait été impossible de reconnaître
juridiquement ce concept, « car c’aurait été reconnaître ce que le
constituant avait refusé, c’est-à-dire l’accès du justiciable devant le Conseil
constitutionnel ». Le Conseil lui-même, constitué en 1958, relève
d’une « nature incertaine, ambiguë », de par sa composition,
l’absence de contradictoire et d’avocat. « Après la révision de 1974 qui introduit la saisine par 60 députés et 60 sénateurs,
on voit apparaître des associations, des citoyens, qui envoient au Conseil des
documents, notes, observations, statistiques, mais sans que le règlement
intérieur – à l’époque, il n’y en a pas –, ou Code procédure – il n’y en a pas
–, ne s’en saisissent », a relaté le professeur, qui a ajouté que
dans une décision de 1982, le Conseil finit par indiquer qu’il ne peut pas
recevoir les observations portées.
Toutefois, si le Conseil n’en fait pas officiellement mention, rien
n’assure qu’il ne s’en inspire pas.
En 1991, Georges Vedel va d’ailleurs donner à tous ces documents qui arrivent
devant le Conseil la qualification de « portes étroites »,
conçues au départ non comme une expertise juridique, mais comme un moyen de
contrecarrer la limitation de l’accès au juge constitutionnel et de faire
rentrer le citoyen dans l’enceinte constitutionnelle.
Par ailleurs, en 2010, quand la QPC (question prioritaire de constitutionnalité) est introduite, le Conseil admet dans une première décision qu’un tiers à la procédure puisse intervenir par la production d’observations écrites, puis, dans une deuxième décision, il va inviter une personne dont il avait admis le mémoire en intervention à présenter, si elle le souhaite, des observations orales à l’audience. Des décisions qui le mèneront par la suite à modifier le règlement intérieur dont il s’est doté en février 2010, sur la procédure suivie pour les QPC, et à y inscrire la pratique. Une pratique facile d’accès, puisqu’aujourd’hui, « plus de 80 % des interventions sont déclarées recevables », a évoqué Dominique Rousseau.
« Les portes étroites sont déposées une fois que le Conseil est saisi, dans le cadre du contrôle a priori, soit pour défendre la constitutionnalité de la loi contesté par les saisissants, soit pour venir attirer l’attention sur un aspect de la loi non contesté par les requérants, soit pour contester complètement la constitutionnalité de la loi. »
Le problème de l’« effervescence de ces portes étroites », selon Dominique Rousseau, c’est qu’elles sont « en-dehors du radar juridique », et le public ne sait toujours pas comment ces dernières sont traitées.
« J’ai travaillé pendant trois ans au service juridique du Conseil. Quand le Conseil constitutionnel était saisi d’un contrôle a priori, les saisines étant parfois très courtes ou très mal rédigées, on se servait des portes étroites pour élaborer un questionnaire, envoyé au secrétaire général du gouvernement, qui ne savait pas qu’il était tiré des portes étroites qu’on avait reçues. Cela interroge : le Conseil est-il vraiment une juridiction quand il travaille de cette manière ? », s’est demandé le professeur.
La pratique a cependant connu une mutation : « Le Conseil constitutionnel admet de manière semi-officielle avoir reçu des portes étroites. Marc Guillaume, son secrétaire général, a vendu la mèche quand, à l’occasion d’un hommage à Guy Carcassonne, il a réalisé un exposé sur les portes étroites rédigées par ce dernier ». Par ailleurs, depuis février 2017, le Conseil publie sur son site la liste des portes étroites qu’il a reçues. Pour Dominique Rousseau, cette mutation est toutefois inachevée, car si la liste en question précise la liste des personnes (physiques ou morales) à l’origine des portes étroites, elle ne publie pas le contenu de celles-ci. « Les portes étroites doivent muter davantage, a recommandé le professeur. Cela ne suffit pas de donner la liste de ceux qui les ont déposées, il faut que soit instituée une obligation de publication de leur contenu. Les portes ouvertes doivent être distribuées sans filtrage. »
Le spécialiste a également précisé que si les portes étroites étaient juridiquement identifiées, elles seraient un équivalent de l’amicus curiae. « L’avenir des portes étroites, c’est l’amicus curiae », a-t-il jugé, à la différence que l’amicus curiae permet plutôt à une personne experte sur un domaine d’aider la Cour à bien juger, alors que les portes étroites permettent plutôt au citoyen d’intervenir dans le débat, le Conseil ne l’ayant pas sollicité.
Tiers intervenants devant la CEDH
En France, les avocats habitués aux procédures devant la Cour européenne des droits de l’homme connaissent plutôt bien le concept d’amicus curiae, où celui-ci est d’usage régulier, sous le nom de « tiers intervenants ». S’il faut attendre 1998 pour qu’ils apparaissent dans les textes, la Cour avait été confrontée aux portes étroites bien avant cette date et les acceptait, sans les faire apparaître dans ses arrêts, a expliqué Vincent Berger, avocat au barreau de Paris et ancien jurisconsulte à la CEDH.
Les tiers intervenants sont répartis en plusieurs catégories, a-t-il précisé. Ainsi, parmi les tiers intervenants de droit, on compte notamment l’État contractant dont le requérant est ressortissant : « L’État peut voler au secours de son ressortissant, avec un parfum de protection diplomatique », a indiqué Vincent Berger, avant d’ajouter que cela est pour autant très rare, « soit car le requérant est antipathique, soit car sa réclamation ne présente pas un intérêt juridique suffisant, soit car l’État ne veut pas se compromettre ou ne veut pas apparaître en première ligne devant la Cour ». Cependant, en 2015, dans l’affaire Perinçek contre Suisse, le gouvernement turc n’hésite pas à prendre fait et cause pour un de ses ressortissants condamné pour avoir nié l’existence du génocide arménien de 1915.
« Dans une audience hallucinante devant la Grande Chambre, il se lance dans un long exposé inattendu et stupéfiant sur la défense de la liberté d’expression, et cite abondamment la jurisprudence de la Cour de Strasbourg – sachant que la Turquie est le premier État en nombre de violations et gravité de violations de la liberté d’expression », a relaté Vincent Berger (La CEDH jugera d’ailleurs dans son arrêt que la Suisse a violé la liberté d’expression de Monsieur Perinçek, ndlr).
Dans la catégorie des intervenants de droit, on retrouve également le commissaire aux droits de l’homme, qui n’utilise la tierce intervention qu’avec beaucoup de parcimonie, même une certaine réticence, a témoigné l’avocat : « On s’attendrait à ce qu’il soit très actif, dans les affaires les plus choquantes, gravissimes en matière de droits de l’homme, ou alors lorsque la violation d’un droit concerne un très grand nombre de pays. On peut donc s’étonner que le commissaire aux droits de l’homme soit intervenu moins d’une dizaine de fois depuis 2010. »
Autre catégorie : les tiers intervenants agréés, parmi lesquels l’État contractant qui n’est pas partie à la procédure, mais que le problème concerne directement ou indirectement. Là encore, les États font montre d’une extrême prudence, pour preuve, l’affaire Mamatkulov et Askarov contre Turquie de 2005, a cité l’avocat. Les requérants, des ressortissants ouzbeks poursuivis pour des actes de terrorisme, avaient été arrêtés en Turquie en vertu de mandats d’arrêts lancés par les autorités ouzbèkes, et avaient saisi la Cour en alléguant une violation des articles 2 et 3 de la Convention s’ils étaient extradés vers l’Ouzbékistan. La Cour avait indiqué aux autorités turques, comme mesure provisoire, de repousser l’extradition, mais les requérants avaient été remis aux autorités ouzbèkes. « Dans cette affaire, aucun État n’a voulu prendre le risque d’être tiers intervenant », a ainsi affirmé Vincent Berger.
Outre les États, toute personne intéressée peut aussi se constituer tiers intervenant, à condition que ce soit dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. « C’est une formule très vague, a concédé Vincent Berger. Mais même s’il n’est pas facile de motiver sa demande, la Cour y accède plus facilement. Elle est beaucoup plus libérale qu’à la fin des années 90. »
Associations et ONG poursuivent leur combat
Les associations et ONG interviennent ainsi de plus en plus souvent devant la CEDH, a fait remarquer Christophe Pettiti, avocat au barreau de Paris, secrétaire à l’Institut des droits de l’homme du barreau de Paris.
Elles peuvent soutenir le requérant dès le début de l’affaire, d’abord devant les juridictions nationales, puis en l’aidant à saisir ultérieurement la Cour. À l’instar de l’AVFT, association européenne contre les violences faites aux femmes, qui avait soutenu Madame K (représentée par Christophe Pettiti) devant les juridictions françaises puis dans sa procédure contre la France devant la CEDH. L’association avait obtenu la validation par la Cour de ses analyses au sujet du délit de dénonciation calomnieuse, ainsi que la condamnation de la France pour violation de la présomption d’innocence et du droit à un procès équitable de Madame K, poursuivie et condamnée pour dénonciation calomnieuse après avoir dénoncé les viols et le harcèlement sexuel de son supérieur hiérarchique.
« Mais quand les ONG interviennent, c’est surtout en qualité de militantes, à l’appui de la position du requérant », a souligné Christophe Pettiti. Pour ces organisations, c’est ainsi, a minima, un moyen de développer leurs idées et poursuivre leurs combats, via le simple fait que leur position soit connue – les tierces interventions étant souvent citées par la Cour. Notamment sur les problématiques issues des articles 2 et 3 de la Convention EDH, lorsque le requérant est reconduit dans un pays où il peut subir des traitements inhumains et dégradants : les ONG apportent ici leur expertise sur la situation dans le pays, les risques encourus. Sur ce point, Bernard Vatier a mentionné l’arrêt de principe du 28 février 2008, Saadi contre Italie, à l’occasion duquel, pour vérifier l’existence d’un risque de mauvais traitements à l’occasion de l’expulsion d’un migrant, la Cour devait examiner les conséquences prévisibles du renvoi du requérant dans le pays de destination, compte tenu de la situation de celui-ci et des circonstances propres de l’intéressé. « La Cour, à ce moment-là, a demandé à Amnesty International de faire un rapport de situation dans ce pays, pour être bien éclairée et pouvoir apprécier la portée de la décision dans un espace concret dans lequel elle allait s’appliquer », a-t-il expliqué.
« Les associations apportent également un appui fort sur le contenu de l’article 8 de la Convention, avec leur volonté d’étendre la protection de la vie familiale dans les pays du Conseil de l’Europe », a indiqué Christophe Pettiti. Les organisations interviennent par ailleurs dans de nombreuses affaires concernant l’adoption par les couples homosexuels, la PMA et la GPA, et toutes les problématiques de société civile pour lesquelles ces ONG ont des intérêts spécifiques, à l’appui du requérant ou du gouvernement. à l’instar de l’affaire Lautsi et autres contre Italie du 18 mars 2011 (relative à la conformité de la présence obligatoire de crucifix dans les salles de classe d’écoles publiques au droit à l’instruction et à la liberté de pensée, de conscience et de religion), où nombreuses avaient été les tierces oppositions.
Par ailleurs, Christophe Pettiti a également relaté qu’entre 2000 et 2010, quatre tierces interventions avaient été formées par l’Institut
des droits de l’homme du barreau de Paris, dans le cadre de la « law
clinic », atelier juridique formé d’universitaires et d’avocats
spécialisés dans les droits de l’homme. « Le 10 février 2009, dans
une affaire de double incrimination et de double poursuite (pénale et
administrative), nous avons effectué une intervention de droit comparé et
apporté à la cour des informations sur la pratique dans les juridictions
pénales internationales », a-t-il ainsi rapporté. Et de citer une
affaire en date du 6 décembre 2012, concernant l’obligation d’information
qui incombe aux avocats, sur leurs soupçons à l’égard de leurs clients en
matière de blanchiment. « Nous sommes intervenus cette fois de manière
plus tranchée, à l’appui d’un avocat parisien qui contestait les lois de
transposition de la directive communautaire sur la lutte anti blanchiment »,
a rapporté l’avocat.
Afrique du Sud : « instaurer un climat plus favorable au contentieux d’intérêt public »
Le concept d’amicus curiae, beaucoup plus développé dans les pays de common law, existe par exemple en Afrique du Sud depuis longtemps, a indiqué Johanna Pickering, étudiante sud-africaine en master Affaires internationales et droits de l’homme à Sciences Po.
Il en est ainsi fait mention pour la première fois dans un jugement de 1939 : un magistrat, ayant eu un doute sur une question de droit, avait en effet requis les lumières d’une personne qu’il décrit dans sa décision comme « non concernée par le procès ».
Il faut cependant attendre 1995 pour que l’amicus
curiae soit prévu officiellement par un texte :
le règlement interne de la Cour constitutionnelle, créée en 1993 par la nouvelle constitution sud-africaine. Pour Johanna Pickering, il
n’est pas surprenant que la notion ait été introduite officiellement dans le
pays au moment du passage à une nouvelle démocratie, dans laquelle l’accès à la
justice est davantage valorisé. « Après l’apartheid, on a voulu instaurer
un climat plus favorable au contentieux d’intérêt public », a-t-elle
relaté.
Aujourd’hui, si l’intervention d’un amicus curiae est possible devant toutes les juridictions, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle reste le point de référence. Johanna Pickering a cependant fait état de « conditions strictes » pour intervenir en tant que tel. L’amicus curiae peut donc produire des conclusions et intervenir à l’audience uniquement s’il y démontre un intérêt, si les parties y consentent, si ses conclusions sont pertinentes et non redondantes, si les arguments sont limités aux questions de droit, et s’il soulève de nouvelles questions pouvant être utiles pour la Cour.
Malgré un nombre de critères important, l’amicus curiae est fréquemment utilisé : selon Johanna Pickering, il interviendrait dans 25 % des affaires devant la Cour constitutionnelle, et serait souvent une organisation ou un centre de recherches. L’étudiante a notamment évoqué l’intervention de l’amicus dans le domaine du droit coutumier, reconnu par la Constitution, l’Afrique du Sud ayant un système de pluralisme juridique. « Lorsqu’il y a conflit, le droit coutumier peut poser des difficultés, car, souvent, il n’est pas codifié : on parle de “living law”, qui peut évoluer en fonction de la société. Il est donc souvent nécessaire que des experts en droit coutumier de la région concernée interviennent », particulièrement pour des questions de mariage ou d’héritage.
En Afrique du Sud, le droit coutumier reconnaît par
exemple la polygamie dans certaines régions.
Et lorsqu’un homme déjà marié souhaite se marier une nouvelle fois, les
consentements du mari et de la nouvelle femme sont nécessaires. Jusqu’en 2013,
la question de savoir si la première épouse devait donner son consentement
était ainsi une question de droit coutumier contestée. Cette dernière a donc
été soulevée en 2013 devant
la Cour constitutionnelle, où plusieurs organisations sont intervenues en tant
qu’amici curiae : « Ces organisations ont démontré que les
coutumes de la communauté elle-même exigeaient également le consentement de la
première épouse. La Cour constitutionnelle a donc considéré que le consentement
de la première épouse était nécessaire », a indiqué Johanna Pickering,
qui n’a pas manqué de souligner le poids de l’amicus devant les juridictions
de son pays.
Un contraste saisissant avec nos juridictions françaises.
Bérengère Margaritelli
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