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C’est sans doute parce qu’elles ont été marquées par le sceau d’une historique sévérité – au Moyen Âge, le débiteur en difficulté faisait l’objet de sanctions personnelles et même pénales ! – que les procédures collectives sont encore vues d’un mauvais œil en France. Jean-Baptiste Say ou encore Adam Smith tançaient d’ailleurs les faillis, qu’ils jugeaient coupables d’avoir pris de trop grands risques et de s’être montrés incompétents, voire malhonnêtes. On était alors au XVIIIe siècle, et la banqueroute a gardé un esprit de sanction jusqu’à la réforme de 1967. Depuis, le droit de la faillite s’est mué en droit des entreprises en difficulté. Pour autant, il subsiste une « méconnaissance préjudiciable du rôle fondamentalement positif du tribunal de commerce aux côtés des dirigeants en difficulté », a estimé le procureur adjoint Michel Pelegry lors de l’audience de rentrée du tribunal de commerce de Versailles, le 24 janvier dernier. Ce dernier l’a martelé : « Une évolution des cultures est nécessaire pour changer les mentalités ». Et nous avons déjà pris exemple. Pour preuve, la France, avec son système extrêmement judiciarisé, s’est laissée aller à plus de souplesse en adoptant, en 2005, la procédure de sauvegarde, inspirée du « Chapter 11 » américain. Ledit chapitre, modèle de restructuration de l’entreprise en difficulté pour de nombreux législateurs étrangers, est peut-être le plus célèbre du Federal Bankruptcy Code, qui prévoit un « prepackaged plan ». Ici, le plan de restructuration de l’entreprise est négocié entre le débiteur et ses créanciers, puis présenté au tribunal avant l’ouverture de toute procédure. La réussite du droit américain tient donc très certainement au consensualisme qui imprègne la résolution des problèmes financiers des entreprises. Et si le prepackaged plan est une procédure efficace qui permet aux entreprises américaines de rebondir, la philosophie qui l’entoure n’y est pas pour rien non plus. Car, outre-Atlantique, la faillite est communément perçue comme un « simple » accident de parcours. D’ailleurs, pendant la procédure, l’activité de la société se poursuit entre les mains du chef d’entreprise, le législateur partant du principe que le mieux placé pour réorganiser l’entreprise est celui qui se trouve déjà à sa tête. Toutefois, si cette idée de seconde chance, centrale en droit américain, a déjà débordé sur notre propre législation, elle semble avoir encore du chemin à parcourir pour imprégner la vision des Français – les entrepreneurs, les premiers.
Bérengère Margaritelli
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