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Autonomie différenciée : en Italie, le gouvernement Meloni fracture le pays en deux


jeudi 27 juin 20247 min
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27/06/2024 17:57:06 1 7 5045 23 0 6949 4542 4711 Loi sur l'amélioration des saisies et confiscations des avoirs criminels : le Conseil constitutionnel donne son feu vert

Une soixantaine de députés estimaient que certains articles de la proposition de loi sur l’amélioration de l’efficacité des dispositifs de saisies et de confiscations des biens criminels étaient inconstitutionnels. Des considérations en partie balayées par le Conseil constitutionnel, permettant la validation définitive de ce texte qui espère faire entendre que le crime ne paie pas. 

Cela fait de nombreux mois que les parlementaires se sont accordés sur un constat : la loi qui a longtemps encadré les saisies (par définition temporaires) et les confiscations (définitives) des biens criminels comporte des faiblesses. C’est ainsi qu’est votée la loi « améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels ». Un vote à l’unanimité en première lecture le 5 décembre 2023 à l’Assemblée nationale, avant un second vote, également à l’unanimité, par le Sénat. L’adoption définitive du texte est ensuite actée les 13 et 15 mai, par le Parlement. 

Jean-Luc Warsmann, député (Libertés et Territoires) des Ardennes est à l’origine de la proposition de loi. Une proposition qui fait suite au rapport qu’il a mené, avec son homologue Laurent Saint-Martin (LREM), intitulé « Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner », et soumis en 2019 au gouvernement. 

Seulement 32 % des biens saisis par la justice sont confisqués définitivement

Ce besoin de mieux sanctionner les auteurs de crimes s’illustre par les chiffres. Selon Crim’HALT, une association de lutte contre la grande criminalité, seulement 32 % des biens saisis par la justice sont définitivement confisqués, en France. « A contrario, en Italie, les confiscations définitives représentent 63,6?% des saisies provisoires », précise l’association. Un autre chiffre préoccupant : 80 % des réseaux criminels européens utilisent « des structures légales en appui de leurs activités criminelles », d'après Europol, l’agence européenne de police criminelle. 

Pour ce qui est du montant global des saisies françaises, ce dernier dépasse 1,4 milliard d’euros en 2023, soit une hausse de 87% en un an. À titre comparatif, en 2011 (année de la création de l’Agrasc, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués), le premier bilan ne concernait que 109 millions d’euros. Le total des saisies a donc fortement progressé, mais « reste modeste au regard des revenus générés par la délinquance », précise le gouvernement sur son site internet. En effet, à lui seul, le « chiffre d’affaires » annuel du narcotrafic français est estimé à au moins 3,5 milliards d’euros.

Ce que prévoit la récente loi sur les saisies et les confiscations de biens criminels

La disposition majeure de cette récente loi réside dans la confiscation automatique de certains biens saisis, notamment ceux qui sont « l’objet, le produit ou l’instrument de l’infraction ». Des infractions pouvant s’étendre du trafic de drogues, à la traite d’êtres humains, à l’extorsion ou encore au blanchiment. La confiscation, qui est à l’origine une peine complémentaire, est donc rendue obligatoire afin de rendre la réponse judiciaire plus dissuasive. L’objectif est d’envoyer le message que le crime ne paie pas. « Les mafieux ont moins peur de la prison que de la confiscation. Si les enquêteurs n’avaient pas réalisé d’enquête de patrimoine, une partie de celui-ci échappait à la justice, car la personne incriminée avait la possibilité de le vendre. Là, ce n’est plus possible, elle devient obligatoire, sauf motivation. Tout sera bloqué dès la mise en examen », détaille Jean-Toussaint Plasenzotti, le porte-parole du collectif antimafia « Massimu Susini », lors du vote de la loi en première lecture.

L’autre volet prévu par ce texte est l’extension de l’affection gratuite de biens saisis et confisqués. Auparavant, le procureur de la République ou le juge d’instruction étaient autorisés à confier gratuitement des biens mobiliers saisis, en se référant à une liste limitée de bénéficiaires. Les services judiciaires, de police, de gendarmerie, l’Office français de la biodiversité et les services du budget effectuant des missions de polices judiciaires pouvaient bénéficier de ce type de dons, issus de confiscations et saisies. Avec l’extension de l’affection gratuite, la liste des bénéficiaires s’allonge et intègre l’administration pénitentiaire, l’Agrasc, les parcs naturels régionaux et nationaux, les fondations ou associations d'utilité publique et les fédérations sportives. De ce fait, si des motos sont confisquées, elles pourront désormais être mises à la disposition de la Fédération Française de Motocyclisme, par exemple. 

Les associations antimafias se félicitent d’une « grande victoire » 

À l’issue de l’adoption définitive du texte, les associations antimafias, qui ont activement participé aux discussions durant le processus législatif, se sont félicitées de cette « grande victoire ». Et pour cause, l’association Crim’HALT et le collectif « Massimu Susini » étaient à l’origine de l’amendement adopté, rendant obligatoire les confiscations des biens issus de trafics criminels. Dans un communiqué de presse publié le 30 avril dernier, les deux collectifs saluaient « une avancée majeure dans la lutte contre la criminalité organisée en France ».

Les deux organisations ajoutent que ce texte valorisera « le travail des enquêteurs, des policiers et des magistrats instructeurs, menant des enquêtes patrimoniales qui demandent un important travail en plus des enquêtes classiques ». Ainsi, ces confiscations désormais automatiques, « permettront de réduire le pouvoir économique des groupes criminels en luttant plus efficacement contre le blanchiment », poursuivent-ils, dans le même communiqué de presse.

Un alinéa qui ne passe finalement pas chez certains députés 

L’alinéa 8 du texte n’a pas su faire l’unanimité dans l’hémicycle. Cette partie du texte stipule que la confiscation d’un bien immobilier issu de trafics criminels vaut expulsion de la personne condamnée et des « occupants de son chef », notamment sa famille. L’objectif de cette disposition étant de « libérer le bien », comme l’avait défendu Jean-Luc Warsmann, en novembre 2023, lors de la présentation du texte en commission des lois. Le Sénat précisera ensuite, au cours de la lecture du texte, que la confiscation vaudra effectivement titre d’expulsion « à l'exception des titulaires d'une convention d'habitation conclue à titre onéreux dès lors que cette convention est antérieure à la confiscation et que le locataire s'est acquitté de ses obligations contractuelles ». 

Mais cette clarification ne suffit pas pour une soixantaine de députés, qui ont décidé de renvoyer le texte en déféré, le 22 mai dernier, au Conseil constitutionnel. La députée Mathilde Panot (LFI-NUPES), en charge de la rédaction de la saisine, y développe : « Cette proposition de loi est manifestement contraire a` plusieurs principes a` valeur constitutionnelle et plusieurs droits et libertés constitutionnellement garantis », tels que le droit à la vie privée, de mener une vie familiale normale et le principe de l’inviolabilité du domicile. De plus, pour les députés signataires de la saisine, ce volet de la loi autoriserait « une décision arbitraire » en permettant l’expulsion de personnes qui ne sont pas responsables des actes criminels du condamné.

Une censure partielle du Conseil constitutionnel, avant une entrée en vigueur de la loi

Le 20 juin dernier, soit un mois après la saisine des députés, le Conseil constitutionnel rendait sa décision, globalement favorable à la loi initialement proposée. Le Conseil des sages a tout d’abord clarifié les questionnements rédigés par Mathilde Panot, s’agissant des « occupants de son chef ». Les Sages ont répondu qu’il « appartiendra au juge qui prononce la peine de confiscation de prendre en compte, au regard des éléments dont il dispose, la situation personnelle et familiale de la personne condamnée », faisant référence au cas des familles des condamnés, occupant les lieux confisqués. Le Conseil constitutionnel précise, en revanche, que les « occupants du chef de la personne condamnée », telle que sa famille, ne peuvent être expulsés qu’à l’expiration d’un délai de deux mois, après en avoir été informés. Ces occupants peuvent saisir le juge pour obtenir des délais renouvelables si le relogement ne peut avoir lieu dans « des conditions normales ».

Néanmoins, le Conseil constitutionnel a jugé « partiellement conforme à la Constitution » le texte car « il peut conduire à expulser des occupants de bonne foi ayant conclu une convention d’occupation après la décision de saisie » par méconnaissance de cette même décision. Afin de trancher la question, le Conseil constitutionnel déclare qu’il reviendra au juge d’interpréter la situation et de définir si les occupants signataires après une décision de saisie, avaient eu connaissance ou non de ladite décision. Cette « réserve d’interprétation » permet aux Sages de valider une disposition qui, sans cette réserve, aurait pu être censurée.

Enfin, le Conseil constitutionnel clarifie toute ambiguïté en affirmant que le texte renforce « l’efficacité de la peine de confiscation en facilitant l’expulsion des occupants du bien concerné » et participe ainsi à la « sauvegarde de l’ordre public ». La loi du 24 juin 2024 « améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels » a donc été publiée au Journal officiel du 25 juin 2024 et est finalement entrée en vigueur.

Inès Guiza

 

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