Numérique

Bilan 2024 de l'ANSSI : recrudescence de la menace dans le cyberespace


vendredi 25 avril10 min
Écouter l'article
25/04/2025 07:00:00 1 16 6330 13 0 11118 5620 5817 La Cour des comptes analyse la « surreprésentation des jeunes dans la population carcérale »

Alors que les 15-25 ans représentaient 35 % des condamnés en 2023, dans son rapport public annuel, la juridiction financière estime l’évolution de la délinquance juvénile « difficile à caractériser » en raison des évolutions législatives et d’outils d’analyse « insuffisants ». Elle en profite pour souligner les conditions de détention des jeunes majeurs, souvent propices à la récidive.

Une « surreprésentation des jeunes dans la population pénale ». Voilà le constat que dresse la Cour des comptes, dans le chapitre « les jeunes et la justice pénale » de son rapport public annuel, dédié cette année aux politiques publiques mises en œuvre à l’égard des jeunes Français et rendu public le 19 mars.

Les chiffres que la juridiction financière égrène parlent d’eux-mêmes : alors que les 8,2 millions de jeunes de 15 à 25 ans constituent 12 % de la population française, ils représentaient 26 % des mis en cause, 34 % des poursuivis et 35 % des condamnés en 2023. Une année marquée par les émeutes de l’été 2023, déclenchées par la mort de Nahel Merzouk, cet adolescent tué par un policier après un refus d’obtempérer.

A la suite de cet épisode de violences urbaines, un rapport conjoint de l’inspection générale de la justice et de l’inspection générale de l’administration avait mis en lumière que 70 % des atteintes aux biens publics avaient été commises par les 18 - 22 ans et que plus d’un quart des mis en cause étaient mineurs ; proportion jugée « inhabituelle ».  

En réponse, et tandis que « la délinquance des jeunes de 15 à 25 ans occupe une place importante dans le débat public », une proposition de loi de Gabriel Attal visant à « restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents » a été déposée en octobre dernier et adoptée en première lecture au Sénat le 26 mars.

Le nombre de jeunes mis en cause tributaire de l’évolution de la loi

C’est dans ce contexte que la Cour des comptes apporte son analyse sur la délinquance des jeunes, d’abord au sujet de l’évolution de cette délinquance sur les 30 dernières années, qu’elle estime « difficile à caractériser ».

En effet, si le ministère de la Justice se base notamment sur le nombre d’affaires transmises aux parquets, cet indicateur est « contesté », selon le rapport, car sa courbe est liée à plusieurs facteurs. « Outre l’activité des forces de sécurité, la facilité avec laquelle les victimes déposent plainte et les orientations données localement par les parquets influent sur le nombre de jeunes mis en cause ».

L’évolution de la loi pénale vient elle aussi brouiller les pistes. Première observation, « les dernières décennies ont été marquées par une augmentation de la criminalisation », c’est-à-dire du nombre des qualifications pénales contenues dans la loi. Les faits passibles de poursuites sont ainsi passés de 10 100 en 1994 à 13 350 en 2014. Par ailleurs, 42 % des condamnations prononcées en 2018 par les tribunaux correctionnels et les juridictions pour mineurs portaient sur des infractions routières, faits qui, quinze ans auparavant, « ne relevaient pas de la sphère correctionnelle ».

Ces évolutions ont donc contribué au doublement du nombre de mineurs mis en cause de 1992 à 2010. En revanche, relève la Cour des comptes, le nombre de jeunes de 15 à 25 ans mis en cause a quant à lui chuté de 18 % entre 2014 (630 629) et 2023 (515 517) ; baisse qui a surtout concerné les infractions à la législation sur les stupéfiants. En cause, la mise en place d’une amende forfaitaire délictuelle en cas d’usage illicite de produits stupéfiants, via la loi du 24 décembre 2019, qui éteint l’action publique en cas de paiement immédiat. En 2022, 143 000 amendes pour consommation de stupéfiants ont été délivrées, soit 11 900 par mois en moyenne.

Beaucoup d’infractions liées aux stupéfiants mais peu de faits très violents

De l’avis de la Cour, les jeunes de 15 à 25 ans restent néanmoins « surreprésentés » pour les infractions liées aux stupéfiants, puisqu’ils représentent 61 % de la population condamnée, « avec une augmentation significative » dès 14 ans. Ils s’illustrent également tout particulièrement en matière d’infractions liées à la circulation routière, lesquelles « se multiplient et plafonnent à 22 ans ».

Quant aux faits très violents (viols, homicides et violences volontaires, vols criminels…), si ces derniers font souvent l’objet d’une forte médiatisation, et semblent pointer vers une explosion de ce phénomène, le nombre de mineurs âgés de 15 à 17 ans condamnés dans ces affaires est en réalité passé de 146 en 2012 à 57 en 2022. De quoi largement relativiser, bien que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ait fait état récemment « d’une tendance à la hausse du nombre et des durées d’incarcération ».

Mi-mars, le tribunal pour enfants de Bourgoin-Jailleu a prononcé une peine de 12 ans d’emprisonnement, assortie de sept ans de suivi socio-judiciaire, contre Valentin, 17 ans aujourd’hui, qui avait tué ses parents en novembre 2023, et dont le discernement a été reconnu comme « altéré » au moment des faits. A compter du 26 mai, c’est le tribunal pour enfants de Châteauroux qui statuera sur le meurtre de Matisse, 15 ans, tué de coups de plusieurs coups de couteau en avril dernier. Détenu depuis un an, le principal suspect était âgé de 15 ans au moment des faits.

Rupture dans la procédure après 18 ans

Dans son rapport, la Cour des comptes s’attache à démontrer la « rupture brutale » qui s’opère à la majorité en termes de procédures de jugement, et les conséquences que cela peut avoir. Elle le rappelle : pour les mineurs, la justice pénale respecte des principes et des droits spécifiques (jugement des mineurs par un tribunal spécialisé, primauté de l’éducatif, atténuation de responsabilité…), qui émanent en partie du droit international.

Stage de sensibilisation, rappel à la loi ou travail non rémunéré au lieu d’une inscription au casier judiciaire : la réponse pénale privilégie ainsi davantage les alternatives aux poursuites pour les mineurs que pour les jeunes majeurs (55,5 % en 2023 contre 29,8 % ; des chiffres en baisse dans les deux cas).

Par ailleurs, en 2022, sur la totalité des peines prononcées par les juridictions pénales, 22,5 % de personnes majeures ont été condamnées à des peines d’emprisonnement ferme, et seulement 6,6 % de mineurs. « Moins nombreux à être incarcérés, les mineurs le sont généralement pour des peines ne pouvant être aménagées, en particulier en raison du niveau élevé de gravité des crimes commis », souligne la juridiction financière.

Elle ajoute que cette différence reflète aussi la typologie des infractions commises. Par exemple, les 18-25 ans font, logiquement, beaucoup plus souvent l’objet de poursuites pour les infractions routières (61,7 % en 2023) que les 15-18 ans (22,5 %). C’est aussi une question de « progressivité de la réponse pénale et d’aggravation de la récidive », qui contribue à ce que « la probabilité d’incarcération progresse avec l’âge », explique-t-elle. Une étude de l’Insee parue en 2016 a montré qu’après 18 ans, la probabilité d’être condamné à de la prison ferme est multipliée par 2,4 à 24 ans par rapport à 17 ans.

Les jeunes majeurs face au « choc carcéral »

S’ajoute à cela un suivi « moins individualisé » pour les jeunes majeurs, constate la Cour des comptes. Jusqu’à 18 ans, les jeunes sont pris en charge par les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), sous le contrôle d’un juge pour enfants. À partir de 18 ans, la prise en charge est assurée par les agents des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), sous l’autorité du juge d’application des peines (JAP).

Un changement qui peut s’avérer « boulevers[ant] », estime la juridiction. D’autant qu’un éducateur a en charge entre 25 et 30 mineurs, soit deux fois moins d’individus que les personnels des SPIP, lesquels suivent en moyenne 66 condamnés majeurs. Ce, avec « des écarts parfois importants », en conséquence de quoi « certaines situations peuvent être plus dégradées, notamment en milieu fermé ».

Par ailleurs, alors qu’en détention, les mineurs bénéficient d’un cadre jugé « protecteur » - encellulement individuel, enseignement encadré, accès aux parloirs fréquent, promenades plus longues… -, pour les jeunes majeurs, les modalités de détention s’avèrent « très différentes », « a fortiori pour ceux qui sont incarcérés dans des maisons d’arrêt dont le taux d’occupation est élevé ». Ces modalités se répercutent sur les conditions de vie au quotidien, marquées par l’inactivité et la « grande promiscuité ».

Pour toutes ces raisons, en prison, le passage à la majorité constitue un véritable « choc carcéral », pointe la Cour des comptes, qui reprend la terminologie employée par les professionnels du secteur. Ce cap est également mal vécu par les jeunes car ces derniers ont également peur d’être victimes de violences, révèle aussi une enquête de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire.

Afin de limiter cet impact, des mesures ont été prises. Par exemple, les jeunes condamnés peuvent continuer à bénéficier d’un suivi de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse jusqu’à 21 ans, comme c’est le cas à Marseille. À Bourg-en-Bresse et à Villepinte, un « quartier jeunes majeurs » a été aménagé. Toutefois, la Cour des comptes déplore que ces mesures « restent peu nombreuses ». « Dans un contexte d’aggravation de la suroccupation dans les maisons d’arrêt, la direction de l’administration pénitentiaire n’envisage pas de les promouvoir ».

Pas assez d’outils d’évaluation

La Cour des comptes opère aussi un focus intéressant sur la récidive des jeunes. Sur la période 2010 à 2022, le taux de 15 - 25 ans condamnés en état de récidive ou de réitération légales est resté stable, autour de 45 % ; taux plus élevé que dans le reste de la population condamnée.

Selon une étude de 2022, 54 % des personnes condamnées une première fois quand elles étaient mineures ont été de nouveau condamnées dans les cinq années suivantes. Pour celles condamnées plus d’une fois, le taux de récidive atteint 79 %. « Le niveau élevé se retrouve quelles que soient les formes de condamnation », ajoute la juridiction financière, qui constate : « La prévention de la récidive est inscrite dans la loi comme l’un des objectifs de la peine, [mais celui-ci] peut difficilement être considéré comme atteint. »

Au terme de son analyse, la Cour des comptes conclut son rapport en mettant en exergue les moyens lacunaires à l’œuvre.  « Alors que la justice pénale ne parvient pas à endiguer le parcours délinquant des jeunes de 15 à 25 ans, majoritairement multirécidivistes, (…) le ministère [de la Justice] manque d’outils d’évaluation qui permettraient de comprendre les ressorts de ce phénomène ».

Ledit ministère a certes tenté d’y remédier en structurant son service statistique ministériel et en créant des pôles spécialisés au sein des directions de l’administration pénitentiaire et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Mais « les défaillances de ses applicatifs « métiers » et les aléas budgétaires freinent la mise en place des outils », regrette la juridiction financière.

Pour l’heure, et parce que les statistiques disponibles ne « reflètent qu’imparfaitement » la réalité de la délinquance des jeunes, elle l’appelle à se doter d’un « appareillage statistique ». Objectif, notamment : « mieux comprendre qui sont les récidivistes, comment et quand ils repassent à l’acte », le tout via des techniques économétriques « pour limiter les biais d’analyse liés à l’hétérogénéité des profils ».

Le souhait d’une action publique « plus partenariale » 

Autre axe d’amélioration identifié par la Cour : la prise en charge judiciaire doit être « mieux articulée » avec les autres politiques publiques, affirme-t-elle. Face aux difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes délinquants (scolarité, santé, logement, travail, etc.), le ministère de la Justice noue de nombreux partenariats avec les acteurs qui interviennent en la matière. Pourtant, « en dépit de ces efforts, des insuffisances subsistent », remarque-t-elle.

En effet, les jeunes incarcérés restent particulièrement touchés par les troubles cognitifs, l’illettrisme et le décrochage scolaire. Parmi les mineurs, seulement 36,8 % suivent des cours de remise à niveau, 7,1 % d’alphabétisation et 15,5 % des cours de français langue étrangère. Une étude de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) indique que « près de la moitié des jeunes rencontrés ont arrêté leur scolarité avant 15 ans ».

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté constate de son côté que le temps d’enseignement hebdomadaire théorique est de 12 heures dans les quartiers pour mineurs et de 20 heures dans les établissements pénitentiaires pour mineurs, alors que la durée d’enseignement hebdomadaire pour un collégien français est de 26 heures. Ces durées seraient, en pratique, « très variables » et « toujours inférieures à celles théoriquement prévues ».

Par ailleurs, bien que la préparation à l’insertion professionnelle revête un enjeu majeur pour les jeunes condamnés, l’accès à un emploi stable « contribuant à limiter les risques de récidive », rappelle la Cour des comptes, et malgré l’obligation de formation après 16 ans, les données du ministère de la Justice suggèrent que peu de mineurs en détention bénéficient d’une formation professionnelle. Par ailleurs, d’après la direction de l’administration pénitentiaire, l’accès à la formation est très hétérogène selon les régions, le taux de bénéficiaires variant 18 %.... à 0,6 %.

Pourtant, une étude de la direction de l’administration pénitentiaire de 2011, « seule référence disponible », a montré que les sortants de prison sans emploi sont recondamnés dans les cinq ans après leur libération pour 61 % d’entre eux (dont 49 % à de la prison ferme), contre 55 % pour les sortants avec emploi (dont 39 % à de la prison ferme).

La juridiction financière appelle donc de ses vœux une action publique « plus partenariale » afin d’apporter « une réponse plus précoce et plus complète, dès les premiers signes d’alerte ».

Bérengère Margaritelli

Partager l'article


0 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à la Newsletter !

Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.