Brexit : get ready ! Préparer les entreprises françaises à un no deal


lundi 28 octobre 20198 min
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À quelques semaines de l’échéance du 31 octobre, l’inquiétude se fait sentir de part et d’autre de la Manche. C’est pourquoi le MEDEF a organisé, le 26 septembre 2019, un colloque sur le Brexit, afin de préparer les entreprises à un no deal, ou, en tout cas, à un hard Brexit. À cette occasion, experts, économistes, autorités françaises et britanniques ont livré leurs conseils et bonnes pratiques. Une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord étant toujours possible malgré le compromis négocié entre Londres et Bruxelles le 17 octobre dernier, ces recommandations sont donc toujours d’actualité.




Début septembre, le Premier ministre britannique, Boris Johnson l’a assuré : le Royaume-Uni sortira de l’Union européenne le 31 octobre à minuit, accord ou pas accord. Mais cela sera-t-il possible ?


 


UN DIVORCE SANS FIN


Le 17 octobre dernier, après moult négociations, ce dernier a enfin trouvé un accord avec les représentants de l’Union européenne, lequel a pour ambition de rendre le divorce moins pénible.


« Là où il y a une volonté, il y a un deal – on en a un ! C’est un accord juste et équilibré pour l’UE et le Royaume-Uni, et il témoigne de notre engagement à trouver des solutions. Je recommande au Conseil européen d’approuver cet accord », s’était alors réjoui le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans un tweet. Un accord qui a demandé de nombreuses concessions, d’un côté comme de l’autre, et qui pour l’essentiel ne diffère guère de celui négocié avec Teresa May l’an dernier, à l’exception des dispositions concernant l’Irlande du Nord.


Le soulagement aura pourtant été de courte durée, puisque le 19 octobre, au lieu de voter sur l’accord trouvé entre Londres et l’Union européenne deux jours auparavant, les députés anglais ont adopté un amendement (amendement Letwin), à l’initiative du député Olivier Letwin, ancien-conservateur, qui suspend l’accord du Premier ministre tant que la législation nécessaire à son application n’a pas été votée au Parlement.


L’amendement Letwin a ainsi déclenché une loi, le Benn Act, qui oblige le Premier ministre à demander un report du Brexit de trois mois. Boris Johnson a donc été contraint de réclamer un report de la sortie du pays de l’Union européenne 12 jours avant la date butoir.


Bref, après ce nouveau décalage du Brexit, les deux parties replongent dans l’incertitude. À ce stade, un no deal n’est donc pas complètement à exclure. En effet, le Premier ministre britannique a fait savoir dans un courrier adressé à Jean-Claude Junker, envoyé en même temps qu’un courrier demandant le report, que c’était contraint par la loi qu’il réclamait ce report, mais qu’il n’en voulait pas.


À l’heure actuelle, l’Europe attend donc toujours que les députés britanniques ratifient l’accord négocié le 17 octobre.


Pour l’Europe en effet, et par conséquent pour les entreprises françaises, un no deal serait lourd de conséquences, a prévenu le MEDEF le 26 septembre dernier, lors d’un colloque intitulé « Brexit : get ready ! », animé par Philippe Méchet, président du Groupe de travail Brexit du MEDEF. 


En effet, selon un sondage réalisé par le ministère de l’Économie et des Finances dévoilé le 20 octobre dernier par le Journal du Dimanche, environ 54 % des 3 000 PME françaises commerçant avec la Grande-Bretagne, et ayant répondu à l’enquête, ne sont pas suffisamment préparées au Brexit, et donc encore moins à un no deal : « Je ne peux me satisfaire de ce que 54 % des entreprises interrogées déclarent ne pas avoir examiné les conséquences d'un Brexit pour elles, leurs clients et leurs fournisseurs », a déclaré Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministère de l’Économie et des Finances dans le JDD.


En outre, selon le MEDEF, une sortie sans accord du Royaume-Uni pourrait coûter à l’économie française 0,2 point de PIB dès 2020, et une perte de 3 milliards d’euros pour les 30 000 entreprises françaises qui exportent vers la Grande-Bretagne.


C’est pourquoi le colloque organisé le 26 septembre dernier avait pour objectif d’avertir et de préparer ces dernières à un hard Brexit. Quel sera le sort des Français et des Britanniques de chaque côté de la Manche ? Comment passera-t-on la douane le 1er novembre ? Quelles exigences en termes de certification, de marquage, d’étiquetage, d’emballage ? Quels droits de douane ? Autant de questions auxquelles ont répondu en anglais et en français les nombreux intervenants.


La matinée était organisée en six parties. Jeremy Stubbs, président des conservateurs britanniques en France, a d’abord fait part des dernières nouvelles de Londres ; puis Marianne Estève, WW Trade compliance director chez Essilor et présidente CT Douanes au MEDEF, Violaine Colent, adjointe au chef de bureau de la politique de dédouanement à la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et Margaret Whitby, HM Revenue & Customs (UK) ont répondu aux questions sur les douanes (droits, contrôles et impacts sur la chaine logistique) ; Marc Jamet, chef du bureau de la coordination des politiques européennes à la Direction générale des entreprises (DGE), Tanguy Lahrer, chef du bureau de la réglementation des produits à la DGE, Paul Gaskell, directeur adjoint en charge de la négociation sur les données au Département du numérique, de la culture, des médias et du sport (DCMS) (UK) et Danny Langley, directeur réglementation des produits du Département des affaires, de l’énergie et des stratégies industrielles  (BEIS) (UK) ont fait part de leur expertise concernant les règles techniques à mettre en place (quelles exigences et quelles protections).


Le sujet des infrastructures (quel niveau de préparation dans les territoires ?) a lui été évoqué en détail par Jean-Paul Mulot, représentant permanent de la région Haut-de-France.


 


INFRASTRUCTURES : QUEL NIVEAU DE PRÉPARATION ?


La région Hauts-de-France est actionnaire du port de Boulogne-Calais sur lequel un investissement majeur de 600 millions d’euros a été consenti quelques années avant le Brexit, a d’abord rappelé l’intervenant. Objectif de cet investissement : accueillir une nouvelle génération de navires qui puisse augmenter les volumes et améliorer la fluidité des marchandises entre la France et l’Angleterre.


Tout a été fait de concert, a ajouté Jean-Paul Mulot, avec le tunnel Getlink (Eurotunnel) et le port d’État de Dunkerque.


« La manière dont on a agi dans les Hauts-de-France a consisté à travailler avec la chambre de commerce et l’ensemble des institutions et des entreprises implantées dans la région », a-t-il poursuivi.


En outre, le port de Calais travaille à 100 % avec le port de Douvres, les problématiques sont donc les mêmes de part et d’autre de la Manche.


C’est pourquoi, a affirmé Jean-Paul Mulot, « la stratégie n’est pas du tout de faire en sorte que le Brexit soit une opportunité pour amener des entreprises britanniques à quitter le Royaume-Uni et à s’implanter dans les Hauts-de-France, mais d’essayer de défendre le business existant, et notamment les 400 milliards de marchandises qui transitent sur la Manche tous les ans. »


Le représentant permanent des Hauts-de-France a regretté, à ce propos, que la collaboration franco-britannique fasse souvent défaut.


C’est ainsi le cas des contrôles juxtaposés lors du passage des douanes. Selon le représentant, il faudrait améliorer leur rapidité et le niveau des infrastructures.


Certes, le président du port de Calais, Jean-Marc Puissesseau, ainsi que le président du port de Douvres affirment tous les deux « être prêts à 100 % », a rapporté Jean-Paul Mulot. Cependant, « le Brexit ne doit pas nous faire oublier le pragmatisme. Et celui-ci voudrait que soient organisées des réunions de travail beaucoup plus importantes entre les services sanitaires et douaniers britanniques et français », a-t-il insisté.


Pour lui, l’enjeu est de parvenir rapidement à monter un consortium global avec des industriels spécialistes des technologies de contrôle et des représentants des différents États concernés.


Il reste que pour Jean-Paul Mulot, cette question de l’optimisation des contrôles juxtaposés ce serait posée, Brexit ou pas Brexit. En effet, « l’augmentation du trafic sous le tunnel, la manière dont les entreprises travaillent en matière de supply chain impliquent que des investissements importants doivent être faits sur l’ensemble des points de passage entre le Royaume-Uni et la France » a-t-il expliqué.


Selon ce dernier, la France devrait aussi adopter cette stratégie de consortium global dans le domaine du tourisme. En effet, les stations de ski dans la région Rhône-Alpes accueillent beaucoup de Britanniques durant l’ouverture des stations. Or, ces vacanciers ne veulent pas être retardés à la frontière pour s’y rendre. Il faudrait donc trouver des solutions bilatérales pour que ce problème ne se pose pas.


Quoi qu’il en soit, pour le représentant permanent de la région Hauts-de-France, le Brexit n’est pas une opportunité. À part celle qui consiste à élaborer une frontière intelligente (smart border), « le Brexit n’est pas bon pour le Calesis, pour le littoral et pour l’ensemble de la France » a-t-il affirmé.


 


TRAVAILLER ET SE DÉPLACER ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE


Pour ce qui est de Tom Nickalls, directeur adjoint services professionnels et entreprises du BEIS (UK), et Noami Munro-Lott, directrice mobilité du BEIS (UK), ces derniers ont répondu à toutes les questions concernant les expatriés et ceux dont le travail nécessite de se déplacer régulièrement entre le Royaume-Uni et la France.


Pour les entreprises qui ont recruté des salariés britanniques avant la date du Brexit, des dispositions généreuses vont pouvoir s’appliquer, a expliqué Tom Nickalls.


Tout citoyen britannique travaillant et résidant depuis plus de cinq ans sur le territoire français aura automatiquement une carte de résident valable pendant dix ans renouvelables. Ceux qui sont là depuis moins de cinq ans devront produire un contrat de travail et des bulletins de paie pour obtenir ce sésame qui sera valable moins longtemps. Heureusement, a ajouté l’intervenant, la majorité des Britanniques sont en France depuis au moins dix ans, les démarches seront donc facilitées.


Autre précision : avant le Brexit, ces individus n’étaient pas soumis à des autorisations de travail puisqu’ils étaient considérés comme des citoyens européens. Cependant, après le Brexit, ces derniers devront en obtenir un, comme tous les travailleurs étrangers.


De même, si la relation de travail se noue après le Brexit, cela se fera dans les mêmes conditions que pour les travailleurs étrangers, a expliqué Tom Nickalls.


Ce travailleur étranger devra par conséquent obtenir un passeport de long séjour. Cependant, des dispositifs seront également mis en place pour faciliter la venue de talents sur le territoire : passeport talents, salariés qualifiés pour ne pas rendre l’autorisation de travail obligatoire.


Toutefois, le Brexit n’étant pas acté, toutes ces questions n’ont pas encore été entièrement discutées.


En outre, après le Brexit, il y aura de toute façon une période de transition assez longue avant que les nouvelles règles puissent s’appliquer, a conclu l’intervenant pour rassurer son auditoire.


Au terme de ces nombreux échanges, peut-on dire que la France est prête à un hard Brexit ? Patrick Martin, président délégué du MEDEF, a répondu à cette épineuse question.


 


HARD BREXIT : LE PAYS EST-IL PRÊT ?


« La règle d’or, c’est qu’il n’y a pas de règle d’or » a commencé ce dernier, citant ainsi Winston Churchill.


Il n’y a donc pas, selon lui, de véritable réponse à apporter à cette question, en tout cas pas à ce stade.

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