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Une femme d’une cinquantaine d’années a été tabassée dans le bus par un homme de 47 ans, qui n’explique pas son passage à l’acte et se rebelle face au tribunal, qui l’a jugé le 23 septembre. La victime, elle, relate son traumatisme.
Claudine
prend souvent ce bus. Jamais à cette heure-ci, mais ce 19 septembre, à
Juvisy-sur-Orge, elle avait rendez-vous pour une prise de sang. Elle y est
allée à jeun, bien sûr, puis elle a pris son bus et s’est assise au fond. Il y
avait du monde, elle était serrée. Elle a remarqué que l’homme à sa gauche
s’étalait un peu trop et parlait trop fort, alors elle lui a demandé s’il
pouvait décaler ses jambes un peu trop écartées pour laisser de la place, et
parler moins fort, car on est dans un bus, merci.
L’homme l’a
regardée, et, d’un ton farouche, lui a dit qu’il allait « l’enculer »
avant de lui asséner un coup de poing sur la tête. Claudine n’a rien vu venir
et a juste eu le temps de mettre ses mains sur sa tête pour se protéger de la
pluie de coups qui lui tombaient dessus. Il lui secouait la tête et tapait en
même temps. Plusieurs témoins sont intervenus et ont pris des coups. Le
chauffeur s’est retourné, a regardé la scène et a continué à conduire son bus.
L’homme a été
interpellé. Il s’agit de Mamadou, 47 ans, qui se tient raide dans le box, les
bras croisés et l’air renfrogné. Il s’assoit. La présidente lui demande de se
lever, il refuse. Il ne la regarde pas dans les yeux et marmonne. On dirait
qu’il boude ou qu’il est sur le point d’exploser, seulement aujourd’hui ce
n’est pas une frêle quinquagénaire assise à côté d’elle, mais deux solides
policiers qui l’ont à l’œil. Mamadou marmonne tandis que la présidente parle.
« Va falloir arrêter, Monsieur, sinon le procès va se dérouler mais
vous serez de l’autre côté de la porte », menace la juge.
Expulsion du
prévenu
La présidente
déroule les faits. Le prévenu l’interrompt : « Où sont les témoins
? » Puis il se rassoit. « Levez-vous, Monsieur ! »
Elle regarde l’avocate du prévenu. « Ça a été, au dépôt, avec votre
client ? » L’avocate, dépitée, secoue la tête. « Non. »
La présidente poursuit son récit des faits et doit augmenter le volume pour
couvrir les bruits de bouche produits par Mamadou qui tente de parasiter
l’audience, avant de se lasser, puis de reprendre de plus belle. La présidente
craque : « Monsieur ! Sortez-le, Messieurs », demande-t-elle
aux policiers. Le prévenu est expulsé.
Quand elle a
fini de rapporter les faits, en prenant soin de préciser qu’ils avaient été
filmés par la vidéo surveillance, la présidente devrait interroger le prévenu,
mais comme elle vient de le faire évacuer, elle retourne dans son dossier. Elle
lit alors ses déclarations de garde à vue. D’abord : « Je ne veux
rien dire, vous pouvez me mettre un an, faites ce que vous voulez. »
Au début, dit-elle, « il est agressif et insultant, l’insultant de
‘pétasse de merde’ et la qualifiant de raciste, puis il s’excuse quand il voit
les photos des blessures de la plaignante, avant de carrément se jeter par
terre, à genoux. »
« Je
vous jure, il m’a tabassée »
Elle lâche la
main de son mari et encore tremblante, le cou dans une minerve, Claudine vient
raconter son agression, qui lui a valu 5 jours d’ITT, mais compte tenu des
répercussions, elle demande un renvoi sur intérêts civils afin d’évaluer dans
le temps le retentissement de l’agression sur son psychisme. Claudine est très
ébranlée. « Il me touche avec sa jambe, et moi on me touche pas. Il
m’insulte, et moi on m’insulte pas, c’est pas parce que je suis une femme que
je dois m’écraser, alors je l’insulte, mais après il me frappe et je ne peux
rien faire. » Elle se met à pleurer. « Je vous jure, il m’a
tabassée (…) Je peux vous jurer que j’ai rien fait et je méritais pas
ça, je méritais pas d’être fracassée. Vous imaginez une noix de coco et vous
enfoncez un clou dedans ? Ben la noix de coco, c’était ma tête. Je suis pas près
de remonter dans un bus. »
Claudine
reste assez longtemps à la barre. Parler semble la soulager, mais elle ne
comprend pas comment un tel déversement de haine a pu lui tomber dessus, de
manière si injuste. La personnalité de Mamadou ? On n’en saura pas plus que :
« intolérant à la frustration et instabilité comportementale »,
c’est ce qu’a écrit le psychiatre lorsqu’il l’a examiné en garde à vue. On
connait aussi son casier, pourvu de six mentions, qui font dire à la présidente
qu’il est « très irrespectueux dans l’espace public ».
« Je
crois qu’il faut lui mettre un coup derrière les oreilles »
Comme s’il prenait
au mot ses déclarations de garde à vue, le procureur décide de proposer une
peine d’un an avec mandat de dépôt contre le prévenu. Il analyse : « Je
crois qu’il a un problème avec les femmes. C’est un passage à l’acte violent et
impulsif, et pour ça, je crois qu’il faut lui mettre un coup derrière les
oreilles, d’un point de vue institutionnel. »
L’avocate n’a
pas la tâche facile. Elle fait remarquer qu’il est intolérant à la frustration
et c’est pour cela qu’il se comporte ainsi devant le tribunal. « C’est
quelqu’un de fruste qui aurait bien besoin d’une obligation de soins. Je ne
suis pas psy, mais ça se voit », plaide-t-elle.
Le tribunal
donne raison aux deux parties : 18 mois de prison dont 6 mois avec sursis
probatoire (obligation de soins), maintien en détention pour les douze mois
restants.
Julien Mucchielli
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