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En comparution immédiate au tribunal judiciaire de Créteil, un homme est
jugé pour violences sur sa conjointe, mais malgré les preuves, celle-ci nie.
Devant la 12e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Créteil, le
prévenu comparaît pour avoir volontairement exercé des violences sur sa
conjointe, sur une période de plusieurs mois. Notamment « en lui
portant des coups sur l'ensemble du corps, des gifles, en lui tordant le doigt,
en lui brûlant la cuisse ». Mais en ce mois d'août, c'est une
altercation dans leur voiture qui a amené Amadou (les prénoms ont été
changés) à être jugé en comparution immédiate. Il se trouve qu’Amadou a
déjà été condamné pour des faits similaires en 2022.
Après le rappel des faits, la victime est appelée à la barre. Le président
du tribunal veut savoir si elle va « rester sur sa position dans le
dossier ». Celle-ci répond qu’il « ne s’est rien passé ».
Elle ne compte visiblement toujours pas porter plainte. Le juge lui demande: « Est-ce
à dire que vous n’avez pas d’avocat ?
-
Non, parce que je ne suis pas victime.
-
Mais alors, qu'est-ce que vous faites là ?
-
Je suis venue ici pour un jugement.
-
Je vais vous demander de vous retirer dans la salle. Puisque, si j'en crois
ce que vous avez dit, vous n'êtes pas victime.
-
Non.
- Même si tous les membres de
votre famille le disent. »
Inès quitte la barre, le bruit de ses talons résonnant dans cette étroite
salle d’audience. La voyant sur le point de quitter les lieux, le juge lui
précise qu’elle peut « rester dans
la salle ». Inès se rassoit.
Des violences quasi quotidiennes
Le juge s’adresse alors au prévenu : s’il s’en tient à son audition,
il n’a « rien à voir avec les faits reprochés ». Amadou tique.
Il rétorque qu’il a changé de version et qu’il va « dire la vérité » : « Il s’est passé quelque chose dans la voiture », reconnaît-il. Il
a été interpellé par la police à la suite du signalement d’un passant, qui a
surpris une bagarre entre Inès et lui. Le juge lit le procès-verbal. Après
avoir arrêté le véhicule, les policiers se retrouvent face à « une conductrice en pleurs et un passager
paniqué, le souffle court ».
Le récit des policiers évoque une femme qui « présente des
abrasions sur le bras gauche », et dont le « sang coule le
long de sa joue droite ». Si elle refuse que l’on constate ses
blessures, elle déclare subir des « violences
quasi quotidiennes ». Emmenée au poste de police avec son conjoint,
elle y consent à présenter sa blessure, tout en maintenant son refus de porter
plainte et de se rendre à l’unité de consultation médico-judiciaire. Il y a
bien une photographie de ses blessures dans le dossier, mais celle-ci a été
fournie par ses enfants.
Amadou reconnaît les faits qui ont eu lieu le jour où il a été interpellé,
mais pas ceux dénoncés sur une période de plusieurs mois. Il raconte avoir
porté des gifles à Inès, lorsqu’ils ont « haussé le ton ». Le juge s’étonne que les gifles aient été
jusqu’à faire saigner sa conjointe.
Là où le dossier s’alourdit considérablement pour le prévenu, c’est avec la
dénonciation de violences sur une longue période. Pour Amadou, il s’agit là d’ « affabulations », formulées par les
enfants d’Inès. Son fils et sa fille ont tous les deux été entendus par la
police, et font état de diverses violences subies par leur mère.
Le juge lit un extrait de l’audition d’Inès où elle nie tout acte de
violence. Elle reconnaît néanmoins qu’il a déjà été condamné pour violences
conjugales, il y a quelques années. Elle explique qu’Amadou et les enfants se
détestent mutuellement. Que s’ils dénoncent les violences d’Amadou sur elle,
c’est dans le but de s’en débarrasser.
« Elle a jamais eu mal au bras »
Lors de l'audition, les enquêteurs de police ont également présenté une
photo fournie par la fille, représentant une brûlure qui aurait été faite au
chalumeau, sur la cuisse de sa mère. Inès a répondu qu’elle s’était brûlée en
cuisinant. Sa fille a aussi évoqué un « bras
cassé », pour lequel elle a emmené sa mère à l'hôpital, après avoir entendu
le couple se disputer dans sa chambre. Elle a ajouté avoir été témoin des
violences, une fois. Elle avait vu par la fenêtre Amadou tordre les doigts
d’Inès, pour lui arracher son téléphone.
Pour se défendre, le prévenu évoque sa mauvaise relation avec les enfants
de sa conjointe. Il se réfugie derrière un élément signalé par le juge : aucune
vérification n’a été faite auprès de l’hôpital ayant soigné le bras cassé
d'Inès. Amadou assure que les enfants sont prêts à mentir pour qu’il parte du
logement. Selon lui, Inès « n’a
jamais eu mal au bras », et les dénonciations de ses enfants sont de
la « désinformation ».
En fait, les enfants chercheraient à nuire à leur beau-père, qui n’est « pas prêt à les laisser faire n’importe quoi,
pour leur bien-être ». Amadou dit qu’il « veille plus ou moins au grain, et ça, ils ne le supportent pas ».
Il évoque un jour où le fils d’Inès avait appelé la police, en 2023.
L’infraction avait été classée par le ministère public, comme « insuffisamment caractérisée ». S’il
commettait régulièrement des violences, insiste-t-il, les enfants auraient « appelé la police depuis bien longtemps ».
Non, ils cherchent juste à « le
faire passer pour un monstre ».
En quête d’une seconde chance
Le couple semble en tout cas englué dans une situation pas très saine, si
l’on en croit le récit du fils d’Inès aux enquêteurs, que lit le juge. Aux
policiers, le fils a indiqué que sa mère et Amadou étaient séparés depuis
quelques années, mais que ce dernier refusait de quitter le domicile.
Interrogé par son avocate sur le sujet, Amadou affirme envisager une
séparation. Amadou a un fils avec Inès, avec qui tout se passe bien, affirme
t-il. Revenant sur son parcours dans la délinquance, il souligne que ses
condamnations passées relèvent essentiellement d’affaires de trafic de
stupéfiants, et non de violences. Il rappelle que dès sa sortie de prison - quinze
mois fermes pour des faits comparables -, Inès est venue le chercher. Il demande
à ce qu’on lui laisse une « seconde chance », avec une obligation de
soins, et une « ordonnance de
restriction ». Son fils ? Il souhaiterait obtenir une garde
partagée.
La procureure prend la parole. Elle insiste sur les « violences habituelles », avec une
période de prévention s’étalant sur cinq mois. Elle rappelle que malgré les
nombreuses dénégations d’Inès, c’est elle qui indique la première aux services
de police « que ces violences ne
sont pas isolées, et qu'elles s'inscrivent dans des violences qui sont commises
habituellement », évoquant entre autres un pneumothorax provoqué par
son conjoint.
Au sujet des auditions des enfants d’Inès, la procureure considère qu’elles
sont « mesurées ». Elle
fait part de l’inquiétude de la famille, alors qu’Amadou a déjà été condamné à
un an et trois mois de prison pour des faits semblables, et qu’il revient au
domicile, commettant à nouveau des violences. Famille impuissante, quand le
parquet ne parvient pas à « établir
les faits », lors d’une procédure sans suite.
Pour la procureure, il n’y a aucun doute : le prévenu représente une « mise en danger permanente » pour sa
compagne. C’est donc sans hésitation qu’elle demande au tribunal d’entrer en
voie de condamnation, malgré les « limites de la procédure ». Elle
épingle au passage le « cynisme
absolu » du prévenu qui demande de l’aide, quand la victime dit ne pas
savoir comment se défaire de lui.
Elle demande une peine de trois ans d’emprisonnement, dont un an assorti
d’un sursis probatoire, avec obligation de justifier d’un travail et de soins,
interdiction d’entrer en contact avec la victime et ses enfants. Avec pour la
peine ferme, un mandat de dépôt.
30 mois d'emprisonnement dont 15 avec sursis
L’avocate intervient : en reconnaissant les faits passés, Amadou « commence
à prendre ses responsabilités ». Sur les violences habituelles, « si
on peut se dire que c’est regrettable, on n’a pas d’éléments suffisants ».
Elle avance que rien ne prouve que la brûlure photographiée et le bras cassé
aient été causés par Amadou. Elle comprend la « frustration », mais demande à analyser le dossier « dans la réalité de ce qu’il est ». Certes,
admet-elle, les violences du jour de l’interpellation appellent une
condamnation, mais cela ne règlera pas la question du couple à plus long terme.
Invoquant le risque d’une « rupture
brutale » pour le couple, l’avocate d’Amadou estime possible que la
victime aille « récupérer »
Amadou à sa sortie de prison. Elle appelle le tribunal à « permettre à ce couple de se séparer de la
manière la plus sereine, même si on imagine que ça n'est pas possible ». Elle
évoque la future sortie de prison, et l’intérêt d’un éloignement ou du port
d’un bracelet électronique. Et conclut en appelant le tribunal à « permettre au couple des lendemains plus
heureux, en évitant l'incarcération ».
Après une
quarantaine de minutes de délibération, le tribunal rend son verdict. S’agissant
des « violences habituelles », Amadou est relaxé. Mais pour
les faits de violences à l’origine de la comparution immédiate, il est condamné
à 30 mois d'emprisonnement, dont 15 assortis d'un sursis probatoire, avec une
obligation de soins psychologiques. Sans oublier une interdiction de contact
avec sa conjointe – comme il l’avait suggéré… - et leurs enfants, ainsi que le
retrait de son autorité parentale.
Etienne Antelme
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