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Des policiers perquisitionnent chez Mohamed et trouvent dans un coffre une grosse somme en espèces et une arme de poing. L’intéressé tombe de sa chaise et nie savoir qui a mis cela chez lui. Il comparaît le 23 septembre devant le tribunal correctionnel d’Évry.
Le 18
septembre, dans le cadre d’une commission rogatoire délivrée par un juge
d’instruction contre son frère Omar, les policiers de l’office anti-stupéfiants
(OFAST) sont intervenus au matin chez Mohamed, à Athis-Mons. Ils lui ont
demandé la combinaison d’un coffre qui trônait sur un meuble, et après s’être
trompé plusieurs fois, Mohamed a finalement donné le code (composé à partir de
la date de naissance du père). Les policiers l’ont ouvert et y ont trouvé 91
050 euros en espèces ainsi qu’un Signal Sauer « Mosquito » calibre
22. Mohamed a été interpellé.
« Pourquoi
avoir refusé de donner votre code ? »
En garde à
vue, il a refusé de s’exprimer. Les policiers lui ont demandé le code de
déverrouillage de son téléphone, et il a refusé de le donner. Cinq jours plus
tard, comparaissant libre pour « blanchiment : concours à une opération de
placement, dissimulation ou conversion du produit d’un délit »,
« détention non autorisée d’armes de catégorie B », et « refus
de remettre aux autorités judiciaires la convention secrète de déchiffrement
d’un moyen de cryptologie », il est disert et fort poli devant les
juges du tribunal correctionnel d’Évry, mais sincèrement, il n’a aucune idée de
qui a bien pu mettre cet argent et cette arme dans son coffre, en tout cas
sincèrement pas lui. « Je sais que ça ne tombe pas du ciel et que c’est
forcément quelqu’un de mon entourage, mais je ne saurai vous dire qui.
- Vous
vivez comment ?
- Modestement,
je ne dépense pas beaucoup.
- Vous
voyez votre frère ?
-
Occasionnellement.
-
Et
l’appartement est à qui ?
-
À mon
oncle, je vis avec lui et je l’aide au quotidien. Aujourd’hui il est rentré au
pays, en Égypte, donc de fait je vis seul.
-
Et le
coffre-fort ?
-
Je
l’avais acheté avec mon père simplement pour stocker mon passeport. D’habitude
je l’ouvre avec la clef, c’est pour ça que j’ai mis du temps à me souvenir du
code.
-
Qui a
les clefs de l’appartement ?
-
Mon
oncle, moi et mon frère.
-
Votre
frère Omar. Et pourquoi ?
-
Parce
que c’est mon frère.
- Pourquoi
avoir refusé de donner votre code ?
- C’est
parce que je n’y arrive pas, c’est plus fort que moi. Ils ont craqué le code de
mon premier téléphone et il m’ont dit : t’es idiot, y’a rien dedans. Ils n’ont
pas réussi à craquer le code du second.
-
Vous
avez récemment fait un tour en Belgique.
- Oui, pour aller déposer un ami à l’aéroport,
et on en a profité pour faire un tour. »
Un procès étrange
Pendant les minutes qui suivent, la présidente et Mohamed cherchent ensemble qui aurait bien pu dissimuler l’argent et l’arme chez lui. Elle l'interroge : les virements sur son compte émanant de son frère ? Quelques centaines d’euros, pour des achats. Les feuilles ressemblant à des feuilles de compte retrouvées dans le tiroir ? « Je n’y comprends rien ». Mohamed a quelques condamnations et une incarcération qu’il décrit comme « un cauchemar ».
C’est un
procès étrange. On ne sait pas si Mohamed est un honnête homme trahi par un
frère trafiquant, ou son complice, auquel cas il joue à la perfection le
clampin dupé, le naïf intégral qui prétend être l’incarnation de la vie
modeste.
Le procureur
estime qu’il n’a pas besoin de se poser toutes ces questions. « Le
texte de l’infraction renverse la charge de la preuve. Dès l’instant qu’on a
l’élément matériel, c’est le mis en cause qui doit prouver l’origine légale des
fonds. » Il relève « beaucoup d’incohérences », une
quantité importante de drogue sur les billets et un décalage, dit-il, entre son
mode de vie et ses revenus (le RSA, ndlr). Il demande 8 mois de prison avec
sursis.
« Je
demande qu’il y ait de la rigueur »
L’avocat de
Mohmard vient rappeler que tout cela commence par une affaire « JIRS du Havre »
(juridiction inter régionale spécialisée) contre son frère Omar et finit en
comparution immédiate avec Mohamed, un trentenaire modeste et de bonne volonté
qui collabore immédiatement. Il rappelle que tous les billets comportent des
traces de drogue, évoque ce test a couté 6 000 euros au contribuable et n’a
apporté aucun élément utile à l’affaire. « Il n’y a pas d’opération de
blanchiment, car il n’y a pas d’opération du tout ». « Je
demande qu’il y ait de la rigueur, pas seulement dans la répression, mais aussi
dans la démonstration », et plaide la relaxe pour les faits de
blanchiment.
Après en
avoir délibéré, le tribunal, avec rigueur, condamne Omar pour le tout à la
peine demandée par le procureur.
Julien Mucchielli
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