Article précédent

Le docteur Aymeric Le Goff et Isabelle Le Coq, tous deux associés chez BMH AVOCATS, ainsi que Marie-Pascale Witte, avocate chez PB AVOCATS, ont présenté le 30 mai dernier aux entrepreneurs et cabinets de recrutement les contraintes européennes et les risques liés à la sous-traitance et au détachement.
Si la législation paraît tatillonne, il faut bien prendre conscience que le nombre de salariés étrangers détachés, qui exécutent leur prestation en France, augmente de façon vertigineuse.
Ce dumping social international est devenu dans le discours politique une des causes du chômage national. D’où la volonté, pour l’administration, d’augmenter les contrôles, et pour le législateur de multiplier les obligations pesant sur les groupes qui souhaitent embaucher des étrangers. L’objet de ces lois consiste donc, un peu, à faire en sorte qu’il soit plus simple d’employer un Français en France.
Ainsi, le décret de lutte contre les fraudes au détachement du 30 mars 2015, la loi du 10 juillet 2014 sur la concurrence sociale déloyale et la loi du 6 août 2015 comportent elles de nouvelles obligations et renforcent elles les sanctions.
I. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU DÉTACHEMENT
A. DÉTACHEMENT AU SENS DU DROIT DU TRAVAIL
Il n’existe aucune définition. Dans les faits, le détachement désigne une situation où le salarié exerce une prestation dans un État autre que celui dans lequel il exerce habituellement son activité. Par exemple, un salarié issu d’un pays de l’Est exécute une prestation de travail en France.
Le Code du travail a prévu des garde-fous contre cette situation, ni définie ni réglementée, pour éviter le dumping social. Elle est donc tolérée par le droit du travail, sous réserve que le salarié détaché bénéficie de certaines dispositions obligatoires issues du droit du travail français. Un socle de protections français doit s’appliquer (relatives à la rémunération minimale, à la durée du travail, aux repos compensateurs, aux jours fériés, aux congés annuels payés, à la protection, à la sécurité et à la santé des salariés, à la discrimination, etc.) En revanche, la protection caractéristique du droit du travail français contre le licenciement ne peut pas être imposée à une entreprise étrangère qui enverrait un salarié sur le territoire.
B. DÉTACHEMENT AU SENS DU DROIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Défini dans le Code de la Sécurité sociale, il signifie que le salarié conserve son affiliation aux caisses de Sécurité sociale de son État d’origine, bien que n’y exerçant plus d’activité. C’est une dérogation au principe simple qui veut que chaque salarié paie des charges sociales aux caisses du pays dans lequel il exerce son travail. Les charges sociales seront donc ici acquittées dans l’État d’origine et aux taux qui y est en vigueur.
Un travailleur en France devrait payer des charges sociales en France ; un travailleur polonais, en Pologne. Mais attendu que certains salariés dans leur métier changent de pays régulièrement, on tolère qu’ils cotisent aux caisses de Sécurité sociale de leur paysd’origine. On admet un équilibre selon lequel : si actuellement beaucoup de travailleurs étrangers sont détachés sur le territoire national sans cotiser à ses caisses, autant de travailleurs français détachés à l’étranger cotisent en France. Cependant les charges sociales sont beaucoup plus élevées en France que dans les autres pays. On compte plus de travailleurs étrangers détachés qui ne cotisent pas en France que de travailleurs français détachés qui cotisent en France. Le système désavantage les caisses de Sécurité sociale françaises. En conséquence, les problématiques de détachement sont particulièrement sensibles dans l’Hexagone parce qu’elles prennent une dimension économique.
Normalement, les charges sociales sont acquittées dans l’État dans lequel la prestation est effectuée ou sinon, en cas de dérogation, dans le pays d’origine. Cela exige de respecter un certain formalisme. L’URSSAF est fondée à demander le règlement de charges sociales si toutes les formalités n’ont pas été établies pour un travailleur détaché étranger.
II. LES OBLIGATIONS LIÉES AU DÉTACHEMENT DE SALARIÉS
A. LA DÉCLARATION DE DÉTACHEMENT
Elle est obligatoire et préalable à l’opération de détachement. L’entreprise étrangère l’adresse à l’inspection du travail via le site dédié www.sipsi.travail.gouv.fr. Le site propose en français et en anglais l’équivalent des formulaires CERFA antérieurs.
La déclaration de détachement que l’entreprise doit adresser à l’inspection du travail avant le détachement doit comporter certaines informations, notamment relatives :
• à l’entreprise ;
• à l’organisme auquel elle verse des cotisations de Sécurité sociale ;
• aux lieux où s’exerce le détachement ;
• au représentant de l’entreprise en France ;
• à l’identité des salariés détachés et à leurs lieux d’hébergement ainsi qu’à la prise en charge des frais de voyage, de nourriture ou d’hébergement des salariés détachés.
En outre, les déclarations de détachement de tous les salariés détachés doivent être annexées au registre unique du personnel, tenu à la disposition des délégués du personnel et des contrôleurs de l’inspection du travail dans l’établissement ou sur chaque chantier ou lieu de travail distinct de l’établissement. Tout manquement à cette obligation est sanctionné d’une contravention pouvant aller jusqu’à 3 750 euros par salarié détaché.
Le gouvernement mène une lutte intense dans le secteur du bâtiment où le plus grand nombre de fraudes est constaté. Ainsi, il est prévu (article L. 1263-4 du Code du travail) l’obligation pour les salariés du bâtiment et des travaux publics (hors architectes, coordinateurs SPS, chauffeurs, commerciaux, etc.) de porter en permanence une carte d’identification professionnelle BTP. Munie d’une photo, la carte d’identification professionnelle BTP contient des informations relatives au salarié, à son employeur, le cas échéant à l’entreprise utilisatrice, ainsi qu’à l’organisme ayant délivré la carte (Caisse des congés intempéries du BTP).
(…)
C2M
THÉMATIQUES ASSOCIÉES
Infos locales, analyses et enquêtes : restez informé(e) sans limite.
Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.
0 Commentaire
Laisser un commentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *