Carton rouge pour le racisme et l’homophobie dans le sport


vendredi 23 juillet 20219 min
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Le sport, un lieu de valeurs, de partage, de cohésion ? Pas toujours. Loin de cette idéologie, le terrain et ses tribunes sont aussi, et depuis longtemps, un espace où l’intolérance, les injures, le racisme et l’homophobie font rage. Folklore des supporters pour certains, simples dérapages pour d’autres. Pourtant, comme le rappelle le ministère chargé des Sports, « Il s’agit, selon les cas, d’une contravention pénale, d’un délit voire d’un crime ».

 

 

27 avril 2014. En plein match face au FC Barcelone, sur le terrain, le défenseur brésilien Dani Alves est victime d’un jet de banane d’un supporter. Le joueur, en réaction, prend le fruit, l’épluche et le mange. 3 novembre 2019. Lors du championnat d’Italie de football, durant le match Hellas Vérone- Brescia en Serie A, l’attaquant italien Mario Balotelli est la cible de cris de singe venant des tribunes et menace alors de quitter le match. 1er octobre 2020. Un joueur de San Diego Loyal (D2 américaine), Collin Martin – qui avait fait, quelques années plus tôt, son coming out –, est la cible d’insultes homophobes de la part d’un joueur de l’équipe adverse. En réaction, tous les joueurs de San Diego Loyal quitte le terrain à la mi-temps.

Bien que les données statistiques soient rares sur le sujet, dans le sport en général – et le milieu du football en particulier, les propos et violences racistes et homophobes, trop souvent banalisés, ne sont pas isolés.

 

 

 

Que dit la loi ? 

Cris de singe, jets de bananes, violences, banderoles insultantes, chants homophobes et même saluts nazis : plus que des dérapages, ces actes, sur le terrain comme dans les tribunes, sont assurément condamnables. De façon générale, tout comportement à caractère raciste peut être constitutif d’une discrimination, laquelle est sanctionnée pénalement, si les critères de la discrimination sont remplis. Il s’agit donc d’un délit sanctionné par l’article 225-2 du Code pénal, dont la peine maximale encourue est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 d’amende, rappelle le ministère chargé des Sports sur son site. Concrètement, « Si un entraîneur écarte un joueur d’une sélection en raison de sa nationalité, son origine, sa religion sa couleur de peau, cela constitue alors une discrimination à caractère raciste, qui doit être sanctionnée pénalement », précise-t-il. « De plus, les comportements à caractère raciste sont, en plus de leur caractère discriminatoire, une circonstance pénale aggravante d’une violence physique, d’une injure ou d’une diffamation voire d’une provocation à la haine, à la violence et à la discrimination ».

D’une part, la violence physique à caractère raciste est sanctionnée d’une peine à partir de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (selon la durée de l’incapacité total de travail-ITT). Par exemple, si un joueur reçoit des coups d’un autre joueur après que celui-ci a proféré des propos racistes mettant en cause son origine, sa religion ou encore sa couleur de peau (injure publique à caractère racial), illustre le ministère.

D’autre part, la violence à caractère raciste peut se manifester par des injures, de la diffamation ou des provocations à la haine ou à la violence qui sont encadrées par la loi sur la presse du 29 juillet 1881. La peine maximale encourue est d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Par exemple, si, dans un stade à l’occasion d’un événement sportif, des supporters insultent l’arbitre ou un joueur en raison de son origine, sa religion ou sa couleur de peau.

En outre, ces comportements peuvent être spécifiquement sanctionnés pénalement par le Code du sport dans le cas où les auteurs des faits sont des supporters.

 

 

 

Du poing levé au genou à terre : l’engagement des sportifs contre le racisme

Outre les lois, les sportifs, depuis longtemps, n’hésitent à faire entendre leur voix – parfois au détriment de leur carrière –, profitant de l’exposition médiatique qui leur est offerte pour défendre l’égalité et les droits d’homme. Certaines images sont même devenues historiques, car au-delà du sport, ces mouvements sont majoritairement lancés en réaction aux injustices sociétales.

On se souvient notamment de la célèbre photo prise lors les Jeux olympiques d'été de 1968 immortalisant deux athlètes afro-américains, Tommie Smith et John Carlos, debout, sur le podium, le poing ganté de noir levé. Ce poing levé, associé au mouvement du Black Power, serait en réalité davantage un « salut pour les droits de l'homme » qu’une mobilisation contre la ségrégation raciale, comme le prouve le badge « Olympic project for humans rights » de l’Australien Peter George Norman qui, sur la deuxième marche du podium, et de façon plus discrète, participe lui aussi à cet acte de contestation durant l'hymne américain (il serait même à l’origine de l’idée du gant noir).

Bien que cet engagement aurait coûté aux deux sprinteurs leur carrière – ils ont été bannis du village olympique par le président des jeux, et même interdits de compétition à vie – ces derniers comptent toutefois des héritiers dans la lutte pour l’égalité.

Pour exemple, le mouvement « Take a knee », pour « mettre à genou » le racisme né aux Etats-Unis en 2016, en référence au geste de Martin Luther King, qui s'est ainsi agenouillé à Selma (Alabama) en 1965 pour protester contre la ségrégation dont étaient victimes les Noirs. « C'est un geste d'humilité, de prière et de non-violence », analyse Simon Grivet, maître de conférences en histoire et civilisation des États-Unis à l'Université de Lille, interrogé par France Info. Avant un match, Colin Kaepernick, jeune métis de 28 ans joueur de football américain officiant chez les San Francisco 49er s’était ainsi agenouillé pendant l'hymne américain : « Je ne vais pas afficher de fierté pour le drapeau d'un pays qui opprime les Noirs et les gens de couleur », s’explique-t-il. Un geste considéré par certain comme une insulte à la nation, mais largement repris dans le sport et ailleurs, après la mort de George Floyd, comme soutien au mouvement « Black Lives Matter ». Sans parler du boycott de trois matchs par les joueurs de la NBA, en réaction aux tirs de policiers sur l’Afro-Américain de 29 ans, Jacob Blake, en signe de protestation contre l'injustice raciale, ayant provoqué de violentes émeutes en août 2020.

En parallèle de ces actions individuelles, les fédérations sportives se sont elles aussi emparées du sujet pour assurer la prévention et lutter contre ces insultes discriminatoires.

 

 

 

Les acteurs du sport engagés pour « faire bouger les lignes »

En Angleterre, le football est religion. Pour autant, la terre de David Beckham n’est pas épargnée quand il s’agit de discriminations. Dans son rapport sur la saison 2018-2019, « Kick It Out », l'organisation britannique qui lutte pour l'égalité et l'inclusion dans le football, enregistrait 422 actes discriminatoires tous niveaux confondus, dont 274 signalements racistes, constituant la forme de discrimination la plus courante dans le jeu – un chiffre en hausse de 43 % par rapport à la saison précédente.

En Italie aussi, où la culture du football n’est plus à démontrer, les compétitions sont particulièrement touchées par les violences discriminatoires et homophobes : une « peur de l’étranger », pour le journaliste italien Andréa Silliti, « un déni total », pour le journaliste Dominique Courdier, directeur associé de Newstank football, et ancien envoyé spécial de l’Équipe en Italie pendant 15 ans. « Il faut d’abord admettre qu’il y a un problème », estime-t-il, un propos largement partagé par le président italo-suisse de la FIFA, Gianni Infantino : « Je veux dire ça en Italie, dans mon pays. Hier encore, nous avons assisté dans le Championnat d'Italie à un épisode de racisme. Ce n'est plus acceptable », déclarait-il lors de la remise des trophées FIFA The Best à Milan, en septembre 2019.

« Basé sur le culte de la performance, de la virilité et du patriotisme, le monde du sport banalise les discriminations liées à l’homophobie, la lesbophobie la biphobie ou encore la transphobie » tente de son côté d’expliquer l’ANESTAPS, l’Association nationale des étudiants en STAPS, qui rappelle sur son site ce chiffre : seuls 11 cas de LBGTphobie ont été déclarés en 2018, cependant, « cela ne veut clairement pas dire qu’il n’en existe pas plus, ce nombre de cas reflète un monde qui ne prend que très peu en charge ce problème sociétal », soutient-elle. Elle nous apprend aussi que 33 % des supporteurs de foot admettent tenir des propos homophobes tels que « PD », « tarlouze » ou « tapette ». En 2018, le sondage IFOP commandé par la DILCRAH (Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Haine anti-LGBT) révélait que 19 à 22 % des personnes LGBTI interrogées ont été victimes d’actes anti-LGBTI de la part de membres d’un club sportif, rapporte le collectif Rouge Direct, un lanceur d’alerte ciblant l’homophobie dans le sport.

Dans le prolongement, en 2018-2019, « Kick It Out » comptabilisait 111 actes homophobes, « soit 9 % de plus que la saison précédente. 56 cas ont été relevés dans le football professionnel. (…) Au pays de Galles, “Football v Homophobia” relève que 63 % des supporters LGBT ont subi ou été témoins d'abus liés à leur sexualité pendant un match durant la même saison » rapporte l’Equipe.

Des chiffres éloquents qui poussent les sportifs les fédérations à prendre des mesures. Car ces violences « entachent » assurément les matchs, et gangrène l’univers du football. En réponse, en 2013, déjà, à l’occasion de son 63e congrès, la Fédération internationale de football (FIFA) publiait ses Résolutions sur la lutte contre le Racisme et la discrimination : « Pour une première infraction ou une infraction mineure, les sanctions que sont l’avertissement, l’amende et/ou le huis clos doivent être prononcées. Pour une récidive ou une infraction grave, les sanctions que sont la déduction de points, l’exclusion d’une compétition ou la relégation devraient être prononcées. En outre, toute personne (joueur, officiel, arbitre, etc.) commettant pareille infraction doit se voir infliger une suspension d’au moins cinq matchs assortie d’une interdiction de stade conformément au Code disciplinaire de la FIFA », formulait-elle.

De son côté, l'UEFA prône le respect et dit « Non au racisme », à travers une vidéo rassemblant des footballeurs professionnels. En cas d'incidents racistes, l’Union conseille aux arbitres d'arrêter tout bonnement les matchs. Si un joueur est reconnu coupable de comportement raciste, il sera sanctionné par l’Union et suspendu de dix matchs.

En avril dernier, la Ligue de football professionnelle (LFP) s’est elle aussi mobilisée. Derrière le slogan « Homos ou hétéros, on porte tous le même maillot », cette dernière a « lancé un programme ambitieux pour que le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie et le sexisme disparaissent totalement de l’univers du football professionnel ». Symboliquement, sur le terrain, les joueurs et arbitres ont arboré les couleurs du drapeau gay et LGBT, maillots revendus aux enchères « au profit des associations de lutte contre l'homophobie partenaires de la LFP, Foot Ensemble, PanamBoyz & Girlz United et SOS Homophobie, sur la plateforme internationale MatchWornShirt », précisait la ligue.

Bien que particulièrement touché par cette problématique, le football n’est pas le seul à se mobiliser. Alors que 87 % des rugbymans pensent qu’il n’est pas facile d’être joueur de rugby et homosexuel, et pour lutter contre les propos homophobes, la Ligue nationale du rugby (LNR), en parallèle de la Journée internationale de lutte contre l'homophobie et la transphobie (IDAHOT) du 17 mai 2020, a lancé de son côté son programme sociétal « Plaquons l’Homophobie Célébrons la diversité », un dispositif de sensibilisation « positif et fédérateur » qui s’étale sur quatre années. Symboliquement, la LNR a aussi choisi de dessiner une ligne arc-en-ciel de 75 mètres sur ses pelouses, représentant « le chemin à parcourir concernant le tabou de l'homosexualité ». « Aucune personne ne doit renoncer à sa passion ou à la pratique du rugby en raison de son orientation sexuelle », expliquait la Ligue nationale du rugby dans son communiqué, qui promet d’accompagner ces actions par « la mise place de 30 ateliers de sensibilisation dans les clubs ».

 


 

 

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