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Conseil d’État - Intelligence artificielle : de nouvelles frontières pour le juge administratif

IA, droit souple, environnement, santé... Confronté aux évolutions de la société, le juge administratif a considérablement approfondi son contrôle, appelant à tracer de nouvelles frontières. Un constat qui a fait l’objet d’une série de tables rondes au Conseil d’état, en décembre dernier. Le JSS a notamment fait le choix, dans cette édition en date du 18 décembre, de s’intéresser au sujet de l’intelligence artificielle. Car face à la révolution technologique, le juge est aujourd’hui simultanément juge augmenté et juge bouclier.
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Pour traiter ce premier sujet, Louis Boré, président de l’Ordre des avocats au Conseil d’état et à la Cour de cassation était entouré d’Antoine Louvaris, professeur à l’Université Paris-Dauphine, Carine Soulay, conseillère d’État, assesseure à la section du contentieux, et Henri Verdier, ambassadeur pour le numérique du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
En introduction, Louis Boré a dressé un parallèle entre notre civilisation et celle de l’ancienne Égypte. Les pharaons d’aujourd’hui sont, selon lui, les GAFA, richissimes, détentrices des données et fortes des pouvoirs qu’elles recèlent. Les scribes sont les informaticiens, la caste qui maîtrise le support universel, incontournable. Enfin, restent les manants, c’est-à-dire les consommateurs qui utilisent les outils numériques, mais qui en ignorent les rouages. Ils se trouvent donc sous leur dépendance. Se sentant parfois pris au piège, asservi, le citoyen s’en remet à la puissance publique et au juge. Or, l’administration et le juge administratif occupent une position ambivalente vis-à-vis de cette technologie. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) régule l’utilisation qu’en font les opérateurs privés, mais lorsque c’est l’administration qui s’en sert, il revient au juge administratif de veiller à faire respecter les droits fondamentaux des individus. Le Conseil d’état encadre donc l’utilisation des moyens digitaux par les juridictions administratives.
Dans l’expression « intelligence artificielle », artificielle qualifie ce qui émane d’une machine et non d’un être humain. Quant à l’intelligence, une machine n’a pas, à ce jour, celle du cœur. Notre société devrait donc spécifier en matière de jugement la part à allouer à la rigueur de l’ordinateur, constant, impartial, et celle à allouer aux sentiments éprouvés par l’Homme ainsi qu’à son inventivité. Un système auto-apprenant contemporain construit sa propre logique interne, bornée par les contraintes que lui impose son programmeur. Les résultats délivrés sont certes statistiquement justes, mais le programmeur ignore comment ils sont calculés dans le détail. La technologie toujours plus précise et rapide joue un rôle central pour nombre d’activités. Sa valeur stratégique en fait une cible, et sa croissante sophistication multiplie ses fragilités. Sommes-nous prêts à nous soumettre aux injonctions d’un automate incompréhensible, vulnérable, poïkilotherme ? Comment contrôler son administrateur ?
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