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La
banque centrale émet et garantit la monnaie de banque centrale, qui existe sous
deux formes. Tout d’abord la monnaie fiduciaire (pièces et billets pour les
paiements de détail), pour laquelle il existe un lien direct entre la banque
centrale et le public. Elle émet et garantit également la monnaie de banques
centrales détenue dans ses livres par les banques commerciales pour les
règlements interbancaires. Les banques commerciales émettent et garantissent
pour leur part la monnaie scripturale sur les comptes de leurs clients
(utilisables par carte, chèques, virements etc.).
Les
banques centrales face à la numérisation de la finance
Le monde des paiements a été traversé par de profondes mutations
Les
nouvelles habitudes de paiement ont été amplifiées par la crise sanitaire. De
surcroît, on assiste à l’émergence de nouveaux acteurs, de nouvelles
technologies et de nouveaux actifs financiers. Il s’agit pour les banques
centrales de préserver la souveraineté monétaire et la stabilité financière et
de promouvoir l’innovation dans un contexte de confiance.
Les cryptoactifs sont avant tout des actifs spéculatifs
Les cryptoactifs sont des actifs numériques créés par des acteurs privés au moyen de la technologie de la blockchain et imaginés pour être des moyens de paiement utilisables partout dans le monde. Les actifs créés ne reflètent pas l’activité économique. Ce ne sont pas des monnaies mais des instruments spéculatifs d’une énorme volatilité. Il n’y a pas d’autorité publique pour protéger les utilisateurs. Ils sont utilisés comme moyen de blanchiment dans les affaires de criminalité financière.
Après la première génération (Bitcoin), de nouveaux cryptoactifs sont apparus tels que les stablecoins. Ce sont aussi des actifs numériques créés par des acteurs privés mais adossés à d’autres actifs « plus stables » comme des monnaies, ou des paniers de monnaies ou d’actifs. Leur stabilité n’est pas non plus garantie et les consommateurs et les investisseurs ne sont pas davantage protégés.
Parmi
les cryptoactifs, le bitcoin, bien qu’encore dominant (39 % des cryptoactifs) est de plus en plus
concurrencé. Depuis janvier 2021, la part des stablecoins a quintuplé pour
atteindre aujourd’hui 19 %.
L’effondrement du marché des cryptoactifs a provoqué une contraction du bilan des
plateformes d’échanges et une forte concentration autour de Coinbase et Binance
(environ 50 %
du stock).
Il convient de fournir un cadre sécurisé à l’innovation financière
Une
stratégie européenne se met en place avec le règlement MiCA destiné à encadrer
les prestataires de services et les émetteurs de cryptoactifs, et le règlement
DORA afin d’adapter les exigences de résilience opérationnelle aux nouvelles
technologies. Une coordination internationale est nécessaire afin de développer
et promouvoir des standards communs pour la règlementation et la supervision.
La monnaie de banques centrales à l’ère numérique
La
question est de développer un euro numérique de détail (projet Eurosystème)
pour les paiements du quotidien. Il s’agit de mettre en place un billet
dématérialisé en complément des espèces, de fournir un accès numérique simple
aux citoyens dans un cadre protecteur des données personnelles, de favoriser l’émergence
d’un écosystème des paiements innovant. S’agissant d’une monnaie numérique
interbancaire ou de gros, l’objectif poursuivi est de préserver la place de la
monnaie centrale comme actif de règlement sur les marchés financiers tokenisés.
C’est un enjeu de stabilité financière. Il s’agit aussi de faciliter et
accompagner l’innovation dans l’industrie financière avec la tokenisation des
actifs financiers.
Quelle
trajectoire vers un euro numérique de détail ?
En octobre 2020, l’Eurosystème a publié son rapport sur l’euro numérique. Ce rapport expose de nombreux scénarios dans lesquels un euro numérique serait nécessaire. Il identifie les exigences auxquelles il devrait répondre et propose plusieurs architectures possibles permettant de satisfaire ces besoins.
Si l’enjeu d’un euro numérique de détail est d’apporter une valeur ajoutée dans l’écosystème des paiements, il doit également préserver la stabilité financière. Les banques commerciales jouent aujourd’hui un rôle clé dans le financement de l’économie, en particulier en Europe. Elles portent dans leurs livres les dépôts bancaires des particuliers et des entreprises. Ces derniers s’appuient sur ces dépôts pour leurs paiements et leur épargne. Les banques s’appuient sur ces dépôts pour connaître leurs clients, interagir avec eux (fournir des services bancaires) et se financer. La numérisation de l’économie et des paiements ne doit pas disrupter ce rôle des banques, y compris en période de crise.
Après
les travaux préparatoires entamés en janvier 2020 et la phase d’investigation
actuellement en cours pour un euro numérique de détail, le Conseil des
gouverneurs de la Banque centrale européenne doit se prononcer sur le lancement
d’une phase de réalisation au quatrième trimestre 2023.
La
monnaie numérique de banque centrale interbancaire au cœur des réflexions
Une technologie prometteuse qui intéresse les acteurs de marché
La
tokenisation consiste à émettre des titres financiers sous forme de jetons sur
des registres distribués (DLT), par exemple des blockchains.
La tokenisation des titres suscite un intérêt croissant de la part des
investisseurs et des émetteurs traditionnels, mais aussi de la part des
nouveaux acteurs. À partir de 2023, le régime pilote européen offrira un cadre
règlementaire pour expérimenter en conditions réelles l’échange de titres
tokenisés sur DLT.
Cette tendance soulève la question de l’actif utilisé
La
monnaie centrale constitue l’actif de règlement le plus sûr et le plus liquide.
La monnaie centrale n’est à ce
jour pas
disponible sous forme tokenisée. Les investisseurs pourraient recourir à des
actifs privés échangeables directement sur DLT, tels que les stablecoins.
L’utilisation de tels actifs privés sur des marchés systémiques est porteuse de
risques et d’inefficacité. Les banques centrales étudient la possibilité
d’émettre de la monnaie centrale directement sur DLT. Neuf expérimentations de
MNBC interbancaire ont été conduites en 2021 par la Banque de France. Trois
nouvelles expérimentations ont été lancées en 2022.
Claudine Hurman,
directrice des infrastructures, de l’innovation et des
paiements,
Banque de France
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