De la TV au web : les habitudes des Français à l'heure du numérique


jeudi 18 janvier 20247 min
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À l'heure où la télévision résiste face à l'essor numérique, une étude du ministère de la Culture, publiée en novembre 2023, dresse un tableau des pratiques informationnelles en France. L’influence de la génération et du niveau d'éducation sur la fréquence d'information, la politique comme sujet incontesté de l'attention publique, ou encore les disparités relevées avec les Outre-mer, nous vous proposons un état des lieux de la situation nationale.

Dans une ère où l'information est un bien précieux, l'Hexagone se dévoile comme un théâtre dynamique où les citoyens naviguent au gré des courants médiatiques. Les chiffres de l’étude « S’informer à l’ère du numérique » du service statistique ministériel de la Culture (DEPS), sont parlants. Et ils nous dévoilent un portrait captivant des pratiques informationnelles en France. Tel un miroir reflétant les choix et les préoccupations d'une nation, ces données mettent en lumière l'évolution rapide des habitudes de consommation d'information dans un pays profondément connecté.

Entre la télévision qui résiste vaillamment, le numérique qui trace son chemin, et les thèmes tels que la politique qui se hissent au sommet, le paysage médiatique français est en pleine mutation. Décryptons ensemble les tendances, les contrastes, et les nuances qui émergent de ce kaléidoscope informationnel, nous invitant à réfléchir sur la façon dont la société française façonne sa compréhension du monde dans notre ère numérique en perpétuelle effervescence.

Un tableau générationnel contrasté

Une tendance générationnelle se dessine nettement en France. Les chiffres issus du rapport offrent un aperçu de la fréquence à laquelle les Français de 15 ans et plus se tiennent informés au quotidien. Les statistiques révèlent un décalage saisissant entre les générations, établissant un véritable fossé dans la façon dont les différentes tranches d'âge absorbent les nouvelles. Alors que la moyenne nationale se situe à un solide 73 % de la population s'informant quotidiennement, les jeunes de 15 à 24 ans affichent un taux relativement modeste de 44 %. Un écart que certains pourraient interpréter comme le signe d'une désaffection ou d'une approche plus sélective de l'information chez les jeunes générations.

En revanche, la génération des 60 ans et plus se distingue avec un étonnant 87 % de citoyens s'informant quotidiennement. Cette propension accrue à rester connecté à l'actualité chez les seniors soulève des questions sur les mécanismes qui alimentent ce désir d'information continue. Est-ce une recherche perpétuelle de connaissances, un attachement à des sources d'information traditionnelles, ou peut-être une combinaison des deux ? La fracture générationnelle, illustrée par ces chiffres, est également liée à la diffusion inégale des technologies. Les jeunes, souvent natifs du « tout numérique », privilégient des plateformes en ligne plus interactives, tandis que les seniors, plus familiers avec les médias traditionnels, conservent des habitudes plus établies.

Quoi qu'il en soit, les observations témoignent d'un paysage informationnel dynamique, où la fréquence d'information ne se limite pas à une tendance uniforme, mais tient plutôt à un mélange complexe d'influences générationnelles, technologiques et culturelles. Ce tableau nuancé souligne l'importance cruciale de comprendre en détail les subtilités démographiques pour appréhender la manière dont une société évolue dans l'ère numérique en constante mutation.

L’impact de l’érudition

Mais au cœur des pratiques informationnelles en France, une corrélation frappante émerge entre le niveau d'éducation et la fréquence à laquelle les individus se tiennent informés. Les données révèlent un écart significatif, dessinant un portrait de la façon dont l'accès à l'éducation influence directement les habitudes d'information dans le pays.

Parmi les non diplômés, 67 % de la population consultent quotidiennement les actualités, témoignant d'une volonté constante de rester connectés au monde qui les entoure.

Cependant, cette proportion grimpe jusqu’à 78 % chez les diplômés de l'enseignement supérieur. Un chiffre qui souligne le pouvoir amplificateur de l'éducation sur l'appétit pour l’information. Cette corrélation ne se limite pas simplement à la fréquence d'information. Elle s'étend également à la diversité des sources utilisées et à la capacité de discernement dans l'évaluation des informations. Les individus éduqués tendent à être plus critiques dans leur approche, cherchant des sources fiables et adoptant une perspective analytique plus affinée.

En tout cas, ces résultats soulèvent des questions d'équité en matière d'accès à l'information. Les écarts observés pourraient refléter des inégalités structurelles dans l'accès à une éducation de qualité, et par extension, à une information de qualité.

Les individus moins éduqués peuvent être confrontés à des barrières supplémentaires dans leur quête d'informations pertinentes et fiables. Alors que la technologie offre une pléthore de sources d'information, l'éducation demeure un fil conducteur qui guide la façon dont les citoyens naviguent dans cet océan. La corrélation entre niveau d'éducation et engagement informationnel met en lumière l'importance de l'éducation comme catalyseur fondamental dans la construction d'une société informée et participative.

La télévision résiste, le numérique gagne du terrain

Néanmoins, l'analyse des médias utilisés pour s'informer offre une perspective intrigante sur les préférences des citoyens. La télévision trône en maître avec une part impressionnante de 78 %, restant le canal de choix pour une grande majorité de la population française. Cependant, le vent du changement souffle, et le numérique s’affirme comme une force croissante, bien que la radio s'inscrive en deuxième position, captivant 49 % de l'audience informationnelle. Du côté de la presse, qu'elle soit sous forme papier ou numérique, et qui se positionne en troisième place à 29 %, son déclin apparent s'aligne avec l'essor des plateformes en ligne.

L'évolution de la consommation d'information soulève des questions sur les dynamiques sous-jacentes. La prédominance persistante de la télévision pourrait refléter la confiance durable du public dans ce médium, perçu souvent comme une source stable et vérifiée. Cependant, la montée en puissance du numérique suggère un changement de paradigme, avec une audience de plus en plus diversifiée cherchant des informations instantanées, personnalisées et souvent participatives (YouTube, Twitch, réseaux sociaux…). Cette transition vers le numérique peut également être interprétée comme une réponse à la nature interactive des nouvelles technologies. Les plateformes en ligne permettent une participation active, encourageant les utilisateurs à réagir, commenter et partager instantanément les informations.

En opposition avec la passivité implicite du téléspectateur, cette évolution a un impact évident sur les médias. Désormais, les médias classiques doivent s'adapter à un environnement privilégiant la rapidité, l'interactivité et la diversité des sources. Cela soulève des défis, mais offre également des opportunités pour une information plus démocratique et accessible. Ainsi, l'analyse de l'usage des médias en France révèle un équilibre délicat entre la tradition et l'innovation, entre les médias établis et les nouvelles formes de diffusion de l'information. Un paysage complexe où chaque médium tente de trouver sa place dans le cœur et l'esprit des citoyens avides d'une information crédible et pertinente.

La politique en tête de liste

Dans la danse effrénée des sujets qui captivent l'attention du public français, les chiffres dévoilent de manière éloquente les préoccupations majeures qui animent la société. Au sommet de la pyramide thématique se dresse la politique, tenant le devant de la scène avec une part imposante de 67 % de l'audience informationnelle. Cette prédominance de la politique dans l'éventail des centres d'intérêt suggère un engagement civique robuste, mais elle soulève également des questions sur la manière dont la sphère politique influence le quotidien des citoyens. La complexité des enjeux politiques peut être à la fois un moteur d'informations incessantes et un défi pour ceux qui cherchent à comprendre les rouages du pouvoir.

En deuxième position, les sujets sociétaux captivent 59 % du public. Ils illustrent une sensibilité prononcée aux questions touchant la société dans son ensemble. Ces préoccupations englobent un spectre large, allant des questions de justice sociale aux débats culturels qui marquent l'époque. Une tendance qui suggère une volonté de comprendre et de participer aux évolutions en cours. Le sport, souvent considéré comme un élément unificateur dans la société, et largement plébiscité par un public masculin, prend la troisième position avec 48 % de l’audience.

Cette hiérarchie des thèmes d'information témoigne de la richesse des centres d'intérêt des citoyens français. Cependant, elle met également en lumière les réalités auxquels sont confrontés les médias dans le maintien d'un équilibre informatif, d'autant plus que des sujets complexes comme la politique peuvent nécessiter une approche pédagogique pour garantir une compréhension accrue. En fin de compte, ces statistiques offrent une fenêtre intrigante sur les préoccupations et les passions qui animent la population française, révélant une société qui aspire à être informée, associée et connectée aux décisions qui sculptent son avenir.

Disparités avec les territoires ultramarins

La nouveauté de l’étude « S’informer à l’ère du numérique » a été d’inclure les territoires d’Outre-mer pour la première fois, qui se distinguent par des comportements informationnels singuliers, façonnés par des facteurs concrets et des habitudes profondément enracinées. Une des principales disparités réside dans l'offre de presse papier, nettement moins abondante qu'en France métropolitaine. La difficulté d'importation des journaux internationaux ou nationaux accroît les coûts, ce qui impacte directement la population, majoritairement confrontée à un niveau de vie plus modeste. À titre d’exemple, seuls 3 % des habitants de Mayotte ont déclaré s’informer avec la presse papier en raison d’un arrêt de la distribution des journaux et des magazines depuis 2018.

Par ailleurs, le paysage audiovisuel outre-mer se caractérise par une offre télévisuelle réduite, bien que les abonnements internet demeurent une option viable. Cependant, c'est l'usage de la radio qui se démarque, bénéficiant d'une plus grande diversité d’émissions. En Guadeloupe, près de huit habitants sur dix l’écoutent assidument.

Enfin, une tendance notable émerge dans les territoires ultramarins français, où les réseaux sociaux s’affirment comme le deuxième canal d'information le plus plébiscité, captant par exemple en Guyane l'attention de 49 % des Guyanais. En comparaison avec la Métropole (28 %), cette préférence pour les plateformes est également remarquable en Guadeloupe (41 %), en Martinique (39 %) et à La Réunion (33 %). Et bien que les pratiques numériques puissent être plus marquées dans les territoires ultramarins, une partie de la population reste touchée par l’illectronisme. Les compétences numériques inégales, associées à des obstacles économiques et matériels, résultent du coût de la vie élevé. L'accès limité aux réseaux sociaux, souvent tributaire de la possession d'un smartphone, souligne une fracture numérique persistante dans ces territoires.

Hugo Bouqueau

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