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A la Suite d'une
plainte déposée pour agression sexuelle contre le président de la fédération
espagnole de football par une joueuse, le mettant hors-jeu, une remise en
question des statuts de gouvernance des fédérations sportives s'impose.
L'association Droit et Commerce a organisé sur ce thème un colloque le lundi 16 octobre au tribunal de commerce de Paris, présidé par Jean-Jacques Ansault, professeur à l'université Panthéon-Assas, le constat d'un cadre encore insuffisant a été
opéré.
Depuis la
publication de la loi visant à démocratiser le sport du 2 mars 2022, des
améliorations de ce cadre ont été constatées, mais la réforme est insuffisante
selon les participants au colloque.
Que sont les fédérations sportives ? Ce sont des groupements de clubs au niveau national. Par exemple, un club de rugby est affilié à la Fédération française de rugby (FFR), un club de ski est affilié à la Fédération française de ski (FFS). La gestion du sport professionnel peut être interne aux fédérations, ou être externalisée par subdélégation à une ligue (ex : Ligue du handball). La gouvernance des fédérations sportives dépend de leurs statuts, mais ces derniers sont limités par la loi et par l'intervention de l'exécutif en matière de délégation de service public.
Des instances
de gouvernance plus représentatives
La loi pour la
démocratie dans le sport dispose d'un nouveau collège électoral plus
représentatif selon Joëlle Monlouis, avocate au barreau de Paris, mais aussi vice-présidente
de la ligue de football d'Île-de-France. Tandis qu'auparavant, les clubs
n'étaient pas représentés à la FFF, ils le sont
désormais à un tiers des voix. Lors d'une table ronde au Sénat le 12 avril
dernier, Philippe Diallo, président de la fédération française de foot (FFF), se félicitait justement de
voir la fédération gagner en démocratie. « Notre comité exécutif, qui est de 12 membres
élus, a 25% de femmes au sein de son comité exécutif. » Le
législateur s'est incarné en sélectionneur dans les instances fédérales en
imposant une meilleure représentativité pour éviter un entre-soi dans la
gestion de la vie associative.
Les membres
votent à l'assemblée générale de la fédération pour être représentés au comité
directeur. Ce comité délègue une partie de la gouvernance au président. Ce sont
les statuts, c'est-à-dire le contrat associatif décidé par les membres à la
création de la fédération, qui prévoient ces différents rôles. Jean-Jacques
Ansault explique que, pour la fédération de foot, comme pour celle du rugby, le
président a un pouvoir minoré par le comité selon les statuts. Certaines
fédérations optent pour le contraire en décidant d'attribuer plus de pouvoir au
président, car le collectif, c'est-à-dire le comité exécutif, ne peut pas se
réunir rapidement et aussi souvent que nécessaire.
Il faut donc
jouer collectif, mais pas trop, en trouvant un point d'équilibre dans les
statuts des fédérations agréées, pour que tout ne repose pas sur le président,
mais qu'il puisse prendre des décisions d'urgence. C'est le Code du sport qui
prévoit ces statuts-types. Les changer ne signifie pas pour autant n'en
proposer qu'un modèle uniforme et inadapté à certaines fédérations. Ces
dernières rencontrent des problématiques différentes en fonction de leurs
tailles et de leurs budgets notamment. Il n'est donc pas pertinent de réformer
par voie de loi, par des textes trop généraux et imprécis, mais il est possible
de le faire plus subtilement par voie décrétale.
Des pouvoirs
publics limités par l'autonomie du sport
Les
fédérations, comme leurs membres, sont des associations régies par la loi de
1901. Elles sont donc à but non lucratif, ce qui les distingue des entreprises
et des sociétés. Pour les fédérations sportives agréées, celles-ci ont une
mission de service public, par délégation du ministère des Sports, en
contrepartie de subventions, explique Benjamin Peyrelevade, avocat au barreau de Paris. Les
petites fédérations qui bénéficient d'un fort soutien par les pouvoirs publics
sont donc plus dépendantes de l'État que les grandes qui ont plus de finances
propres. Les fédérations agréées ont l'obligation d'avoir un règlement
financier, de justifier de l'emploi des subventions auprès de l'État, et de
laisser au ministre l'accès à leurs documents administratifs.
Un contrôle,
même indirect, des fédérations par les pouvoirs publics existe donc déjà. Ces
moyens d'encadrement ne pourraient être élargis au risque d'une atteinte au
principe de l'autonomie du sport. Joëlle Monlouis évoque le règlement de la
Fédération internationale du football (la FIFA), qui énonce la neutralité
politique de son organisation au même titre que pour ce qui concerne le Comité
international olympique. Le sport est un instrument de soft power. Hitler en
avait fait usage lors des jeux de Berlin en 1936. Si l'État ne doit pas
interférer dans les décisions de la vie associative et donc de la gouvernance
fédérale, quel est son rôle, au-delà de la suppression de sa délégation ?
Demande une intervenante.
« Non-immixtion de l'État ne signifie pas
non-immixtion du juge ». Jean-Jacques Ansault propose la possibilité
d'une révocation judiciaire des dirigeants. Serait-il opportun de donner des
moyens au ministre de saisir l'autorité judiciaire à cette fin ? Le ministre, tout autant que l'assemblée générale, le comité directeur ou le
bureau, serait légitime à une telle action, puisque l'État joue un rôle
financier dans la fédération.
L'avocat Benjamin Peyrelevade soulève le fait que les bénévoles n'ont pas toujours connaissance
de la définition des infractions pénales telles que la corruption, le
détournement de bien public ou la prise illégale d'intérêt pour pouvoir les
dénoncer. Il faut donc en plus former ces bénévoles pour qu'ils les
reconnaissent et qu'ils puissent saisir les organes d'enquête et de sanction
idoines. Les dénonciations au titre de l'article 40 du Code de procédure pénale
selon lequel toute autorité doit signaler au parquet les infractions dont il a
connaissance, sont déjà récurrentes selon l'avocat, notamment en matière
d'agression sexuelle et de discrimination. Il n'existe donc pas de règles
propres aux fédérations sportives, c'est le droit commun qui s'applique. Les
mécanismes classiques de signalement au parquet et de sanction par la Cour des
comptes pour les malversations sont déjà actionnés.
« On doit aller vers une
professionnalisation et une indépendance »
Il faut aussi
créer une commission indépendante par un organe extérieur selon le Professeur
Ansault. Il y a déjà des cabinets d'audit, mais la création d'un comité central
semble opportune pour que les fédérations à faible budget puissent le saisir
sans avoir à créer le leur. La seule réponse acceptable en matière d'enquête,
c'est celle d'une autorité qui n'est ni contrôlée par l'État, ni en lien avec
les fédérations sportives. Le Professeur poursuit son propos ainsi :
« On doit aller vers une professionnalisation et une indépendance ».
L'avocate Joëlle Monlouis ajoute que trop de responsabilités pointées vers les bénévoles
pourraient aussi mener à un désengagement de leurs parts. « Il y a un certain nombre de choses qu'il
faudrait changer mais pas forcément des choses structurelles. Cela permet
d'arriver sur une problématique de professionnalisation du sport mais aussi de
formation. »
Philippe
Peyramaure, président d'honneur de l'association organisatrice de ce colloque,
se demande si à ce stade, il est opportun de refonder le droit des associations
pour celles qui sont délégataires du service public plutôt que de n'intervenir
qu'à la marge par des « retouches successives
». Joëlle Monlouis conclut que la loi du 2 mars 2022 est incomplète, mais que
des travaux sont actuellement menés au Ministère des Sports pour transformer
l'essai.
Antonio
Desserre
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