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lundi 18 juillet 20225 min
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18/07/2022 12:08:18 1 1 3055 10 0 15940 2866 2953 Urssaf : « Pour éviter les redressements, l’entreprise doit être irréprochable sur le fond » - Entretien avec le juriste en droit social Gwénaël Froger

Les opérations de contrôle Urssaf devraient repartir à la hausse cette année après deux années de baisse relatives à la crise liée au Covid-19. L’occasion de faire le point avec Gwénaël Froger, juriste (département social), chez Oratio Avocats, sur la manière dont se déroulent les contrôles ainsi que les procédures à suivre pour les entreprises en cas de contestation.

 

 

 


Qu’est-ce qui peut déclencher un contrôle Urssaf ?

L’Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales) décide des actions à mener selon ses propres critères, les entreprises pouvant être contrôlées tous les trois ans, compte tenu des règles de prescription. Aussi, les déclaratifs produits par l’entreprise peuvent amener l’Urssaf à opérer un contrôle, en raison d’incohérences, de régularisations suspectes ou d’exonérations de cotisations spécifiques.

Il peut également faire suite à un contrôle fiscal ou être la résultante d’une dénonciation d’un client, d’un concurrent, d’un salarié ou ex-salarié.

 

 


Comment l’entreprise peut-elle s’y préparer au mieux ?

Elle doit tout d’abord, en amont de l’intervention de l’inspecteur, préparer les documents qui pourront être consultés.

Elle doit aussi anticiper les réponses et pièces à apporter concernant les sujets à risques.

Ensuite, l’entreprise a tout intérêt à mettre à disposition de l’inspecteur un interlocuteur averti. Ce dernier devra être disponible et à son écoute tout au long du contrôle afin de produire toutes pièces utiles.

 



« Le montant des régularisations atteint près de 1,2 milliard d’euros. »

 


 

Ceci est d’importance, car il a été jugé que « les pièces versées à hauteur d’appel par la société doivent être écartées dès lors que le contrôle est clos après la période contradictoire telle que définie à l’article R. 243-59 du Code de la Sécurité sociale (CSS) et que la société n’a pas, pendant cette période, apporté des éléments contraires aux constatations de l’inspecteur. »

L’entreprise peut aussi utilement se faire assister, dès la phase de contrôle, d’un conseil de son choix.

 


 

Comment se déroule le contrôle ?

Sauf en cas de lutte contre le travail dissimulé, il est obligatoirement précédé de l’envoi par l’Urssaf compétente d’un avis de contrôle au moins 30 jours avant la date de la première visite du contrôleur. Cet avis constitue une formalité substantielle dont l’omission entraîne la nullité des opérations de contrôle.

Le contrôle se fait dans les locaux de l’entreprise, sauf contrôle sur pièce pour les entreprises de moins de 11 salariés. Il repose sur des échanges entre l’inspecteur et l’entreprise afin de prendre en compte l’ensemble des informations nécessaires à la vérification.

 

 


Que peut demander l’Urssaf dans ce cadre, et que ne peut-elle pas demander ?

Pendant le contrôle, les inspecteurs peuvent exiger la présentation de tout document qu’ils jugent nécessaire et accéder à tout support d’information, notamment informatique, y compris après avoir quitté l’entreprise, et ce, jusqu’à l’envoi de la lettre d’observations.

Sauf autorisation de l’employeur, seules des copies des documents remis peuvent être emportées et exploitées en dehors des locaux.

Sur le lieu de travail, ils peuvent interroger toute personne rémunérée par l’entreprise, notamment pour recueillir leurs noms, adresse, nature des activités exercées, horaires de travail, rémunération et avantage en nature versés.

En revanche, les inspecteurs ne peuvent réclamer, communication de documents qui manifestement ne sont d’aucune utilité pour le contrôle.

En outre, sous peine de nullité du contrôle, ils ne peuvent pas rechercher eux-mêmes de documents en l’absence de l’employeur ou les demander à un tiers sans les avoir préalablement demandés à l’entreprise.

 

 


Quelle est la part de redressements sur le total des contrôles ? Dernièrement, quels étaient les chefs de redressement majoritaires ?

Selon l’Urssaf, sur l’année 2020, ses services ont réalisé 70 000 contrôles et actions de prévention dont 29 000 contrôles comptables d’assiette et 24 000 contrôles partiels d’assiette sur pièces.

Sachez que 7 contrôles comptables sur 10 ont donné lieu à régularisation de cotisations (redressement ou restitution). En chiffres, cela représente 571 millions d’euros régularisés dont 70 millions d’euros restitués aux entreprises. En tenant compte de l’activité de lutte contre le travail dissimulé, le montant des régularisations atteint près de 1,2 milliard d’euros.

Les chefs de redressement les plus importants portent sur les rémunérations non soumises à cotisations (29,5 % du total des régularisations), les exonérations de cotisations sociales (28,6 %), les frais professionnels (12,3 %) et les cotisations, contributions et versements annexes (10,6 %).

 

 


Dans quels cas la procédure de contrôle peut-elle être reconnue comme irrégulière et quels sont les recours possibles ?

La procédure de contrôle doit être contradictoire et garantir les droits de la défense.

L’entreprise s’attache bien souvent, et ce, à tort, aux seuls motifs de redressement. Or, elle a tout intérêt à vérifier que la procédure n’est pas émaillée d’irrégularités. Encore faut-il savoir les détecter, ce qui nécessite le plus souvent de recourir à un conseil avisé à ce type de procédure.

Par exemple, la Cour de cassation a rappelé que la lettre d’observations doit préciser, année par année, le montant des sommes dues, ou qu’elle doit mentionner de manière exhaustive les documents contrôlés par les agents, à peine de nullité. Même sanction en cas d’absence de mention des informations obtenues auprès de tiers.

Le contenu de la mise en demeure peut également être non conforme.

L’irrégularité peut porter sur l’avis de contrôle (mention manquante, erreur sur son destinataire) mais également sur les investigations des inspecteurs pendant le contrôle ou encore sur la durée du contrôle (maximum trois mois dans les entreprises de moins de 11 salariés).

En cas d’irrégularités de procédure, l’entreprise pourra contester la mise en demeure de l’Urssaf en saisissant la commission de recours amiable (CRA). Puis en cas de rejet de la contestation par la CRA, le pôle social du tribunal judiciaire pourra être saisi.

 

 


Quels sont vos conseils pour éviter les redressements ? Sur quoi faut-il être particulièrement vigilant ?

Pour éviter les redressements, l’entreprise doit être irréprochable sur le fond en faisant une application conforme de la législation et faire preuve d’une grande rigueur administrative.

Elle doit porter une attention particulière sur la forme exigée par la législation en conservant soigneusement les actes juridiques imposés et les justificatifs de la bonne pratique.

J’invite les entreprises à être vigilantes sur ces points, car dans de nombreux dossiers, les redressements résultent d’une telle irrégularité.

Enfin, l’entreprise doit être proactive en s’interrogeant sur la marche à suivre et en mettant en place des process de sécurisation de ses pratiques. Je ne peux que lui conseiller de prendre conseil en amont afin d’adapter sa conduite à l’aune de la législation.

 

Propos recueillis par Bérengère Margaritelli

 

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