Droit et cinéma : des liaisons heureuses ou dangereuses ?


samedi 28 avril 20183 min
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Alors que l’on se rapproche du mois de mai, tous les regards de la planète cinématographique, mais également du grand public, se tournent vers Cannes et son festival, ses stars internationales, sa sélection officielle et ses films underground, qu’ils viennent de Paris ou du fin fond du Texas. Le caractère hyper médiatique de cet événement, si représentatif de l’idée que l’on peut se faire du monde du cinéma, son côté festif, sa pléiade de people, peuvent donner l’impression, vu de l’extérieur, d’une activité uniquement empreinte de légèreté, purement ludique, et bien éloignée du monde juridique.  Pourtant, comme toute activité humaine, le cinéma a lui aussi vocation à être régi par le droit. Le festival de Cannes en est d’ailleurs l’illustration même puisqu’au-delà des œuvres, des projections et des soirées, s’y tient le Marché du Film à l’occasion duquel les professionnels se rencontrent, négocient et contractualisent la production et la distribution de leurs films, discutent de leurs conditions de diffusion ou d’exploitation, ou encore échangent sur les modalités de leur financement, soit autant d’opérations pour lesquelles le droit est omniprésent.

 

De manière plus originale, la question se pose de savoir si certains films peuvent ou non être diffusés, en raison de leur caractère parfois attentatoire à la vie privée. On lira à cet égard avec intérêt la contribution de Cédric Monnerie et Vidal Serfaty sur les fictions du réel qui traite avec brio de l’articulation entre le principe de liberté d’expression qu’implique la création audiovisuelle et la nécessaire protection de la vie privée.

 

Toutefois, avant d’en arriver à la diffusion des films, encore faut-il être en mesure de les financer, et ce, à une époque où les budgets nécessaires à la production des films ne cessent d’augmenter. Sur ce point, en dépit de l’exception culturelle, le rôle des acteurs économiques étrangers est de plus en plus prégnant. Il suffit, pour juger à quel point le vent se lève, de mesurer la montée en puissance d’Amazon Prime ou de Netflix – la présence ou l’absence de cette dernière en compétition à Cannes suffisant à déclencher polémiques et controverses. Frédéric Guy nous rappelle cependant avec à-propos que même avec les meilleures intentions, les investissements opérés par les entreprises extra-européennes, en ce qu’ils peuvent remettre en cause les aides publiques octroyées par le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), doivent faire l’objet, préalablement à leur réalisation, d’une analyse poussée.

 

La mondialisation de l’industrie cinématographique se mesure également, de manière plus prosaïque, en matière fiscale. À l’heure des Panama Papers,  à une époque où les fraudes fiscale et sociale, et parfois même leur simple optimisation, sont sous les feux des projecteurs, Frédéric Gorce et Véra Dotseva nous alertent opportunément sur l’attention particulière qui doit être portée sur le traitement des rémunérations des comédiens étrangers lors d’une réalisation en France, à la fois compte tenu des

enjeux financiers en matière de cotisations sociales mais également en raison des subtilités liées aux implications fiscales de ces tournages. De fiscalité, il en est encore question lorsque les marques tirent parti de la notoriété des acteurs pour assurer la promotion de leurs produits dans des films publicitaires. Lorsqu’ils sont étrangers, la question du régime fiscal des sommes qu’ils perçoivent, notamment en contrepartie de leur droit à l’image, se pose avec acuité, ce que Véra Dotseva, de nouveau, et Laurence Bois, nous exposent avec

beaucoup de finesse.

 

Droit et cinéma, si loin, si proches…

 

Stéphane Sylvestre,

Avocat à la Cour, Associé,

Intervista,

Docteur en droit

Stéphane Sylvestre

 

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