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Florence Émilien, notaire à Paris chez « Haussmann Notaires » spécialisée dans le financement structuré, les fiducies, et par là-même le corporate, décrypte le rôle du notaire dans la constitution de la société coopérative européenne.
Le rôle du notaire est encadré par la loi numéro 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération complétée par la loi numéro 2008-649 du 3 juillet 2008 et le décret numéro 2009-767 du 22 juin 2009 relatif à la société coopérative européenne (SEC). Nous l’avons rencontrée.
Depuis quelques années, force est de constater que le législateur fait rentrer le notaire dans les textes. La preuve en est donnée par la loi numéro 2016-1547 du 18 novembre 2016 qui substitue le notaire dans le rôle anciennement attribué au juge de l’envoi en possession. Un autre exemple est donné par le propos qui suit. Ce qui conforte le rôle très particulier du notaire en France par rapport au rôle du notaire en Europe. Ainsi, à ce titre, le notaire est le magistrat de l’amiable, exerçant une justice préventive et une force de certification.
En France, la légalité de l’opération de fusion et celle de la constitution de la société européenne est contrôlée par le notaire ou, depuis la loi 2009-526 du 12 mai 2009, par le greffier du tribunal de commerce du lieu de son immatriculation. (article L. 229-3 du Code de commerce).
En Allemagne, dans le cadre de la création d’une GmbH (Gesellschaft mit beschränkter Haftung), en français « société à responsabilité limitée », le notaire procède à la certification (die notarielle Beurkundung). Il s’assure du consentement des associés fondateurs, et contrôle la légalité de l’acte, dont il procède à la lecture à haute voix.
Ce rôle du notaire que nous vous exposons marque incontestablement l’insertion du notaire dans le droit européen. Le notaire s’affirme comme un acteur majeur pour la sécurité juridique de certains actes. Cette considération vient d’ailleurs d’être reconnue par la Cour de justice de l’Union européenne qui protège l’attribution de compétences exclusives aux notaires. (CJUE, 9 mars 2017 Léopoldine Gertraud Piringer).
Une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour des besoins et aspirations économiques, sociaux et culturels communs grâce à une entreprise contrôlée démocratiquement.
En contribuant à apporter des nouvelles formes de travail et de consommation, les coopératives ont toujours été innovantes.
En France, le statut coopératif a été adopté par la loi numéro 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. L’article 1er de la loi définit la coopérative comme « une société constituée par plusieurs personnes volontairement réunies en vue de satisfaire à leurs besoins économiques ou sociaux par leur effort commun et la mise en place des moyens nécessaires. Elle exerce son activité dans toutes les branches de l’activité humaine et respecte les principes suivants : une adhésion volontaire et ouverte à tous, une gouvernance démocratique, la participation économique de ses membres, la formation desdits membres et la coopération avec les autres coopératives. »
Cette loi constitue le droit commun de la coopération en France et la « matrice » de toute société coopérative française.
À ce jour, il n’est toujours pas possible de mettre en œuvre une uniformisation du droit des sociétés dans l’Union européenne car chaque état membre souhaite conserver ses propres règles. Le règlement de la société coopérative européenne (SEC) permet d’avoir une base commune à chaque État membre tout en leur permettant de conserver les règles de leur droit national.
Le statut de société coopérative européenne (SEC) est né d’un règlement et d’une directive européens le 22 juillet 2003. (règlement (CE) numéro 1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC), (d’après la dénomination latine « Societas Cooperativa Europaea »). Le règlement numéro 1435/2003 est complété par la directive 2003/72/CE du Conseil, qui établit les règles relatives à l’implication des travailleurs dans la SEC, reconnaissant ainsi leur place et leur rôle dans l’entreprise.
L’article 1er al. 2 du règlement (CE) numéro 1435/2003 définit la SEC comme une « société dont le capital souscrit est divisé en parts ».
Le statut SEC permet aux coopératives d’exercer leur activité sur tout le territoire européen mais également à faire face à la concurrence internationale.
La SEC est parfaitement mobile. C’est l’un des avantages de cette société. La SEC peut déplacer son siège statutaire au sein de l’espace européen (sauf le cas de dissolution, liquidation, insolvabilité ou procédure analogue). Le règlement a laissé aux États membres la faculté de prévoir, pour les SEC immatriculées sur leur territoire, l’opposition d’une autorité compétente pour raison d’intérêt public dans le délai de deux mois après la publication du projet de transfert, et de l’autorité nationale de surveillance financière.
Les coopératives comprennent une grande variété d’entreprises, telles que les entreprises individuelles, les PME ainsi que les grandes entreprises et groupes, qui contribuent au dynamisme économique et social et à la diversité de l’Union européenne. Ce sont des acteurs compétitifs dans de nombreux secteurs économiques. Leur rôle économique et social en Europe est devenu important.
Ainsi, en 2008, il a été recensé plus de 2,3 millions de salariés des sociétés coopératives dans l’espace européen. En 2014, et selon un rapport du groupe de travail et d’évaluation des besoins spécifiques des sociétés coopératives, les coopératives représentent plus de 160 000 entreprises en Europe, détenues par 123 millions de membres individuels et fournissant des emplois à 5,8 millions de citoyens. En 2009-2010, les coopératives affichaient un niveau d’emploi supérieur de 31,5 % à celui de 2002/2003.
En France, selon les chiffres clés diffusés par http://www.entreprises.coop, les 23 000 entreprises coopératives emploient plus d’un million de salariés dans tous les secteurs d’activité. En 2014, elles représentent 307 milliards d’euros de chiffres d’affaires cumulés, filiales comprises, en hausse constante depuis dix ans. Plus de 26 millions de sociétaires font vivre la gouvernance des entreprises coopératives. Elles participent à la construction et à la vitalité des territoires. 73 % des sièges sociaux des grandes coopératives sont implantés en région.
La SEC est régie :
a) par le règlement (CE) numéro 1435/2003 ;
b) lorsque le règlement (CE) numéro 1435/2003 l’autorise expressément, par les dispositions des statuts de la SEC ;
c) pour les matières non réglées par ledit règlement ou, lorsqu’une matière l’est partiellement, pour les aspects non couverts par le règlement par :
i) les lois adoptées par les États membres en application de mesures communautaires visant spécifiquement les SEC ;
ii) les lois des États membres qui s’appliqueraient à une société coopérative constituée selon le droit de l’État membre dans lequel la SEC a son siège statutaire ;
iii) les dispositions des statuts de la SEC, dans les mêmes conditions que pour une coopérative constituée selon le droit de l’État membre dans lequel la SEC a son siège statutaire.
La SEC a la personnalité juridique (règlement (CE) numéro 1435/2003, articles 1 et 5).
Sauf dispositions contraires des statuts de la SEC, au moment de sa constitution, chaque membre ne s’engage qu’à concurrence du capital qu’il a souscrit. Lorsque les membres de la SEC ont une responsabilité limitée, la dénomination sociale de la SEC est suivie des termes « à responsabilité limitée ».
En France, la société à responsabilité limitée a été introduite en droit français par une loi du 7 mars 1925 en référence à loi allemande de 1893 instituant pour la première fois cette société dénommée GMBH.
Une SEC peut être constituée :
• par au moins cinq personnes et sociétés qui résident dans au moins deux pays de l’Espace économique européen (EEE ; c’est-à-dire l’UE, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège) ;
• selon le droit d’un pays de l’UE.
Elle est constituée selon le droit d’un pays de l’UE ;
La SEC a son siège statutaire dans ce pays de l’UE ; (le siège statutaire de la SEC est situé à l’intérieur de la Communauté, dans le même État membre que son administration centrale. Un État membre peut, en outre, imposer aux SEC immatriculées sur son territoire l’obligation d’avoir leur administration centrale et leur siège statutaire au même endroit (règlement (CE) numéro 1435/2003, article 6).
Le transfert du siège statutaire de la SEC dans un autre État membre est régi par les articles 7, 12, 67 du règlement.
En France, le procureur de la République peut s’opposer au transfert. Il peut se saisir d’office ou être saisi par toute personne ou autorité qui estime une telle opération contraire à un intérêt public. Sa décision est susceptible de recours devant la cour d’appel de Paris (loi numéro 47-1775 du 10 septembre 1947, article 26-6).
Le transfert de siège et le changement de la loi applicable en découlant sont de nature à modifier les droits reconnus aux créanciers obligataires de la société coopérative européenne. Aussi l’article 26-12 de la loi, reprenant en substance le dispositif actuel de l’article L. 236-13 du Code de commerce en matière de fusion de sociétés anonymes, prévoit-il que le projet de transfert de siège est soumis à l’assemblée des obligataires de la société.
L’article 26-13 de la loi numéro 47-1775 du 10 septembre 1947 instaure, en application du 7 de l’article 7 du règlement (CE) numéro 1435/2003 du 22 juillet 2003, une protection au profit des créanciers non obligataires de la société coopérative européenne qui envisage de transférer son siège. Celle-ci s’appliquera en l’absence de conventions spécifiques ayant pour objet d’autoriser les créanciers non obligataires à exiger le remboursement immédiat de leur créance.
La SEC a un lien effectif et continu avec l’économie du pays de l’UE.
La SEC doit avoir un capital social minimum de 30 000 euros. Le capital de la SEC est exprimé dans la monnaie nationale. Une SEC dont le siège statutaire est situé hors de la zone euro peut également exprimer son capital en euros. Le capital ne peut être constitué que par des éléments d’actifs susceptibles d’évaluation économique.
Les parts des membres ne peuvent être émises en contrepartie d’engagements concernant l’exécution de travaux ou la prestation de services, et les parts sont obligatoirement nominatives. Les parts peuvent être cédées par un membre de la SEC à un autre membre sous réserve d’obtenir l’accord soit de l’assemblée générale soit de l’organe de direction ou d’administration.
Concernant sa gouvernance, la SEC comporte (règlement (CE) numéro 1435/2003, article 36) :
« a) une assemblée générale, et
b) soit un organe de surveillance et un organe de direction (système dualiste), soit un organe d’administration (système moniste) selon l’option retenue par les statuts. »
En ce qui concerne la dissolution, la liquidation, l’insolvabilité, la cessation des paiements et les procédures analogues, la SEC est soumise aux dispositions légales qui s’appliqueraient à une coopérative constituée selon le droit de l’État membre dans lequel la SEC a son siège statutaire, y compris celles relatives à la prise de décision par l’assemblée générale. (règlement (CE) numéro?1435/2003, article 72).
Dans une SEC relevant du droit français, les statuts peuvent prévoir que la direction générale est assurée soit par le président du conseil d’administration soit par une autre personne physique nommée par le conseil d’administration et portant le titre de directeur général. Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la SEC et représente la SEC vis-à-vis des tiers (loi numéro 47-1775 du 10 septembre 1947, article 26-16).
Une SEC est régie par le même régime fiscal que toute autre société multinationale et doit donc s’acquitter de l’impôt dans les pays où elle est établie de façon permanente.
La constitution et l’immatriculation de la SEC dans un État membre est régie par le règlement dont les dispositions sont impératives, la loi nationale sur les SEC, ainsi que les dispositions des lois particulières applicables à chaque catégorie de société coopérative, dans la mesure où elles sont compatibles avec celles du règlement.
La SEC est constituée :
• Par fusion de coopératives constituées selon le droit d’un pays de l’UE et ayant leur siège statutaire et leur administration centrale dans ce pays, si deux d’entre elles au moins relèvent du droit de pays de l’UE différents.
• Par transformation d’une coopérative constituée selon le droit d’un pays de l’UE et ayant son siège statutaire et son administration centrale dans l’EEE, si elle a depuis au moins deux ans un établissement ou une filiale relevant du droit d’un autre pays de l’UE.
Selon l’article 29 du règlement (CE) numéro 1435/2003, le contrôle de la légalité de la fusion est effectué, pour la partie de la procédure relative à chaque coopérative qui fusionne, conformément à la loi applicable dans l’État dont elle relève en cas de fusion de coopératives et, à défaut, aux dispositions applicables aux fusions internes des sociétés anonymes aux termes de la loi de cet État. L’article 34 al. 2 du règlement dispose que « l’absence de contrôle de la légalité de la fusion conformément aux articles 29 et 30 constitue l’une des causes de dissolution de la SEC, conformément à l’article 74 ».
En France, la loi numéro 2008-649 du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit des sociétés au droit communautaire et le décret numéro 2009-767 du 22 juin 2009 relatif à la société coopérative européenne sont venus compléter les dispositions de la loi du 10 septembre 1947 sur la constitution des coopératives. Ces dispositions sont applicables aux sociétés coopératives européennes immatriculées en France.
C’est au stade de la constitution de la SEC par fusion, que le notaire interviendra et tout particulièrement en ce qui concerne le contrôle de la légalité de la fusion à l’issue des vérifications du greffe prescrites par l’alinéa I de l’article 26-4 de la loi numéro 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.
L’article 26-4 détermine les conditions d’exercice du contrôle de la fusion donnant lieu à la création de la société coopérative européenne. Il tend à assurer l’application des dispositions des articles 29 et 30 du règlement (CE) numéro 1435/2003. « II.-Un notaire ou le greffier du tribunal dans le ressort duquel la société coopérative européenne issue de la fusion sera immatriculée contrôle, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, la légalité de la fusion, pour la partie relative à la réalisation de la fusion et à la constitution de la société coopérative européenne.
Il contrôle en particulier que les sociétés qui fusionnent ont approuvé un projet de fusion dans les mêmes termes et que les modalités relatives à la participation des salariés ont été fixées conformément au titre VI du livre III de la deuxième partie du Code du travail.
Le notaire ou le greffier du tribunal contrôle en outre que la constitution de la société coopérative européenne formée par fusion remplit les conditions fixées par les dispositions législatives et réglementaires applicables. »
En outre, le notaire a pour mission dans l’article 26-14 de la loi du 10 septembre 1947, de délivrer « un certificat attestant l’accomplissement des actes et formalités préalables au transfert. ».
D’autre part, l’article 2 du décret numéro 2009-767 du 22 juin 2009 relatif à la société coopérative européenne dispose « Le notaire, qui procède aux contrôles prévus au II de l’article 26-4 et à l’article 26-14 de la loi du 10 septembre 1947, ne peut avoir ni instrumenté, ni rédigé d’actes sous seing privé, ni donné des consultations juridiques à l’occasion de l’opération pour laquelle le contrôle est effectué. Il ne doit pas exercer dans une société ou dans un office qui aurait instrumenté, rédigé des actes sous seing privé ou donné des consultations juridiques à l’occasion de cette opération. »
Ce contrôle s’exercera dans des conditions analogues à celles prévues pour les fusions transfrontalières. (article R. 236-18 du Code de commerce).
Les dispositions relatives à l’implication des travailleurs (information, consultation et participation) doivent être définies au niveau de chaque SEC. À cet effet, le droit national du pays où est situé le siège statutaire s’applique aux SEC constituées : exclusivement par des personnes physiques ou par une seule entité juridique et des personnes physiques ; et qui emploient au total moins de cinquante travailleurs, ou cinquante travailleurs ou plus dans un seul pays de l’UE.
Une SEC peut être dissoute par :
• Décision de l’assemblée générale, notamment lorsque le délai prévu dans le règlement a expiré ou lorsque le capital est inférieur au montant minimal ;
• Décision du tribunal, par exemple dans le cas où le siège statutaire a été transféré hors de l’EEE ;
• En cas de liquidation, d’insolvabilité ou de cessation des paiements, la SEC est soumise au droit du pays où est situé son siège statutaire.
L’article 72 du règlement (CE) numéro 1435/2003 prévoit l’application à la société coopérative européenne de procédures de dissolution analogues à celles prévues par le droit de l’État du siège à l’égard des coopératives régies par le droit de cet État.
Les dispositions prévues aux articles 26-31 à 26-36 de la loi du 10 septembre 1947, qui transcrivent cette règle, s’inspirent fortement des règles applicables à la société européenne qui figurent actuellement à l’article L. 229-3 du Code de commerce.
Notons que le règlement (CE) numéro 1435/2003 prévoit, dans son article 76, la possibilité pour la société coopérative européenne de se transformer en société coopérative « nationale », soumise en tant que telle à l’ensemble des règles prévues par la législation de l’État membre dans lequel elle a son siège.
Les sanctions pénales applicables au fonctionnement des sociétés coopératives européennes figurent à l’article 26 de la loi numéro 47-1775 du 10 septembre 1947 comprenant l’énumération des agissements sanctionnés. Les peines applicables à l’ensemble des actes incriminés sont celles prévues par le Code pénal (articles 313-1, 313-7, et 313-8 du Code pénal).
Florence Émilien,
notaire à Paris chez « Haussmann Notaires »
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