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En décembre 2018, le duo Oliver Cousi/Nathalie Roret a été élu pour représenter les avocats parisiens pour la période 2020-2022. Succédant à Marie-Aimée Peyron et Basile Ader, tous deux assurent aussi, depuis le 1er janvier 2020, la discipline et la promotion des activés de l’Ordre. Alors que la profession est aujourd’hui profondément bousculée, notamment par la réforme des retraites, quelles priorités le nouveau bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, souhaite-t-il donner à son mandat ? Entretien.
Pouvez-vous tout d’abord vous présenter ?
Avocat depuis 30 ans, je suis associé du cabinet Gide depuis 1993. J’exerce principalement dans les domaines du droit de la presse et de la propriété littéraire et conseille, par ailleurs, de grands groupes de communication en France et à l'étranger.
Pourquoi avez-vous souhaité soumettre votre candidature au bâtonnat ?
Natahlie Roret, vice-bâtonnière, et moi avons des expériences professionnelles et ordinales qui nous ont donné envie de nous investir plus encore pour l’avenir des avocats, pour un barreau de Paris fort, pour des avocats épanouis, respectés, protégés. Nous avons voulu mettre notre connaissance des institutions et de leur fonctionnement au service de notre barreau et de l’intérêt général. Les avocats nous ont fait confiance, à nous d’en être dignes en mettant l’Ordre au plus près de leurs besoins.
Aux côtés de la vice-bâtonnière Nathalie Roret, vous avez été élu, en décembre 2018, bâtonnier de Paris avec 58,74 % des voix. Sur quelles priorités souhaitez-vous fonder votre mandat ?
Nous voulons répondre à plusieurs défis.
D’abord, la collaboration. C’est le mode d’exercice le plus répandu, mais aussi celui qui soulève de nombreuses difficultés. Nous souhaitons agir dans trois directions. La première est celle de notre organisation interne pour répondre aux questions que posent la collaboration et les collaborateurs dans nos cabinets. Pour cela, il est utile de regrouper les forces de l’Ordre dans un Pôle unique de la collaboration. La deuxième est celle d’une collaboration responsable et digne avec des idées comme la participation aux bénéfices, l’intéressement aux résultats, ou encore l’incitation à apporter des clients. La dernière est la mise en place d’une garantie de perte de collaboration qui démontrera que la solidarité n’est pas un vain mot au sein de notre barreau.
Ensuite, nous allons lancer un grand plan de mise à niveau numérique pour tous les avocats qui le souhaitent. Des confrères inventifs ont créé des legaltech, mais la majorité des avocats n’a pas encore franchi ce pas décisif vers l’appropriation des outils numériques désormais indispensables à notre activité et à notre réponse aux demandes du public. Nous allons donc accompagner et aider les avocats à accomplir cette transition numérique en mobilisant les services de l’Ordre.
Avec Nathalie Roret, nous allons créer l’Observatoire de l’égalité et de lutte contre les discriminations du barreau de Paris. Il aura pour objet de faire un état des lieux et fera remonter les bonnes pratiques pour mieux les diffuser dans nos cabinets afin de continuer à lutter efficacement contre les discriminations.
Nous entendons également lancer une réflexion sur la modernisation de nos règles déontologiques et professionnelles qui doivent être adaptées à nos exercices, aux besoins de nos clients, aux évolutions du marché du droit et des services juridiques.
La défense de la défense et du secret professionnel, consubstantiels à notre État de droit, sera au cœur de notre action, y compris à l’étranger. A cet égard, nous poursuivrons dans la voie du rayonnement international de notre barreau et de la promotion de Paris place de droit ainsi que de son rôle éminent dans la défense des droits de l’homme.
Il nous reviendra aussi de finaliser l’emménagement au sein de la nouvelle Maison des Avocats située en face du tribunal des Batignolles.
« Le projet de réforme des retraites, tel qu’il nous est présenté, aura pour effet de mettre en danger économiquement un grand nombre d’avocats et de structures, voire de les tuer ».
Quelles actions menées par vos prédécesseurs, Marie-Aimée Peyron et Basile Ader, retenez-vous principalement ?
Le bâtonnier Marie-Aimée Peyron et le vice-bâtonnier Basile Ader ont travaillé de manière engagée et déterminée. De leurs actions, je retiens notamment la lutte contre le harcèlement et les discriminations et la promotion de l’égalité hommes-femmes. Ils ont également mis l’accent sur les modes alternatifs de règlement des différends. Avec la mise en place des chambres commerciales internationales, ils ont contribué au rayonnement international de notre barreau et à l’attractivité de notre droit et de Paris place de droit. La défense de la défense a été au cœur de leur travail avec la protection qui doit être apportée à nos confrères, en France, en Europe et partout ailleurs dans le monde, qui sont persécutés, poursuivis, arrêtés pour le simple fait d’exercer leur métier en conscience et de manière indépendante.
La profession d’avocat est aujourd’hui mobilisée contre la réforme des retraites. Quel regard portez-vous sur cette réforme ?
La réforme des retraites est un sujet essentiel, très mal abordé par le gouvernement en ce qui concerne la profession d’avocat. Sous prétexte d’universalité, on veut nous faire perdre nos acquis fortement liés à l’indépendance de la profession d’avocat. Ce n’est pas acceptable. La mobilisation extraordinaire des avocats et des barreaux est à la hauteur des enjeux.
Notre régime de retraite est particulier en ce qu’il est autonome, autogéré, bénéficiaire, il ne coûte rien à l'Etat et est solidaire de la collectivité puisque nous reversons chaque année au régime général entre 80 et 100 millions d’euros. Qu’y a-t-il de mieux et de plus simple ?
Le projet de réforme des retraites, tel qu’il nous est présenté, aura pour effet de mettre en danger économiquement un grand nombre d’avocats et de structures, voire de les tuer. Les cabinets ne pourront pas supporter l’augmentation des charges. Ce projet porte ainsi atteinte à notre capacité entrepreneuriale, à notre développement et aux emplois que nos cabinets créent.
Enfin, la méthode est incompréhensible : nous n’avons aucun élément précis et concret sur lequel nous pourrions travailler avec les pouvoirs publics quant à l’impact de la réforme prévue sur notre régime de retraite et sur notre activité professionnelle. Il est plus que temps que le gouvernement réponde à nos demandes afin qu’un dialogue ouvert s’installe.
La profession connaît un fort taux de féminisation. Toutefois, les femmes quittent plus prématurément l’avocature. De plus, elles accèdent moins facilement au statut d’associé, ont des salaires moins élevés et sont plus facilement soumises aux discriminations. Quelles actions souhaitez-vous mettre en place en faveur des femmes avocates ?
Nous sommes un barreau jeune et majoritairement féminin qui aspire légitimement à ce que le principe d’égalité soit respecté concrètement. Il n’y a pas de raison que les carrières et les rémunérations des femmes soient différentes de celles des hommes. Nous devons intégrer le fait que les femmes n’ont pas à choisir entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle : les deux doivent et peuvent être menées de front. Il nous appartient de le faire comprendre aux cabinets et de créer les conditions de cette égalité.
Il n’est pas non plus concevable que les femmes subissent des harcèlements ou des propos sexistes du fait d’être femmes. Si les bonnes pratiques ne fonctionnent pas, l’autorité de poursuite interviendra en cas de comportements contraires à nos principes essentiels et à nos règles déontologiques en cette matière.
La profession est aujourd’hui rassemblée autour du barreau de Paris, du CNB et de la Conférence des bâtonniers, et parvient à s’exprimer d’une seule voix. Cette unité vous apparaît-elle importante ?
L’unité est indispensable pour que notre profession pèse dans ses relations avec les pouvoirs publics, soit entendue et respectée. C’est pour cela que le Conseil national des barreaux a été créé : pour que l’unité des 164 barreaux français et des différentes composantes syndicales se fasse en son sein et que notre profession parle d’une seule voix, forte.
L’unité implique que nous soyons capables de nous écouter et de nous entendre, au sens de nous accorder, afin de définir l’intérêt général de la profession. Evidemment, ce processus nécessite des ajustements, des discussions, du travail. Nous continuerons à faire des propositions, à nourrir les débats avec la doctrine du barreau de Paris que nous porterons au sein du Conseil national des barreaux. Car nous voulons que les meilleures décisions soient prises dans le respect de chacun et dans l’intérêt du barreau français, de l’unité et de la force de notre profession.
Le digital fait aujourd’hui parti de notre quotidien. Open data, legaltech, blockchain…, il est aussi présent au sein des professions du droit. Quel regard portez-vous sur ce virage numérique ?
Les usages numériques en matière d’accès au droit et à la justice ainsi que l’intelligence artificielle bouleversent notre activité. Cette révolution numérique est une chance pour notre profession qui doit s’en approprier les outils et répondre à ses enjeux en matière d’accès au droit afin de répondre aux besoins de droit du public, de sécurité juridique et de confiance avec les instruments juridiques dématérialisés que nous utilisons tels que l’e-acte d’avocat, d’efficacité et d’optimisation de nos méthodes de travail sur les tâches où nous n’apportons pas de valeur ajoutée, et de communication sur nos offres de services.
À nous d’exploiter les nouveaux outils pour améliorer la qualité de nos services et leur coût. Nous pouvons mutualiser des solutions techniques, partager avec les champions de la legaltech les expériences innovantes et transformer nos cabinets pour répondre aux exigences d’une nouvelle ère.
À ce titre, comment imaginez-vous l’avocat du futur ?
L’avocat qui vient est né avec les outils numériques. Il saura répondre à la demande de droit en ligne et sur les réseaux, présenter son savoir-faire et son offre de services, sécuriser la situation de ses clients, particuliers et entreprises, grâce aux actes dématérialisés, coder pour créer des programmes utiles à son activité juridique, utiliser les données recueillies dans le respect des règles RGPD, rationaliser le recours au papier dans son cabinet. Et sa déontologie ne le quittera jamais, surtout dans un monde et une économie numérique. Avec la révolution numérique, la profession ne disparaîtra pas. Elle s’orientera vers de nouvelles formes d’exercice.
Enfin, quel regard portez-vous sur la formation des futurs avocats ?
La formation des futurs avocats peut être améliorée. Que voulons-nous pour nos clients et pour notre profession ? Des têtes bien faites, de l’esprit critique, une ouverture sur le monde, la conscience que la déontologie est notre colonne vertébrale. Ces exigences plurielles imprègnent la mission de conseil et de défense que nous remplissons pour le public. Nous voulons aussi que la formation, orientée vers l’esprit d’entrepreneuriat, permette d’entrer de manière adaptée et opérationnelle dans la profession et sur le marché du droit et des services juridiques.
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