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L’association UNIFAB lançait, le 5 juillet dernier, à Cannes, sa campagne d’été de lutte contre la contrefaçon, sous le slogan « Ne vous faites pas des vacances en toc ». Le but : sensibiliser vacanciers, locaux et consommateurs. Cette action se poursuivra jusqu’au 18 août sur le littoral du sud de la France. À cette occasion, le Journal Spécial des Sociétés a souhaité interroger Romain Soubeyran, directeur général de l’INPI, sur le poids de la contrefaçon en France et en Europe, et les mesures mises en place pour lutter contre ce fléau qui, avec l’amplification des ventes sur Internet, prend une dimension de plus en plus importante.
Pouvez-vous présenter l’INPI ?
L’INPI est un établissement public dont les principales missions sont de délivrer les titres de propriété industrielle (brevets, marques, dessins et modèles) et d’accompagner les entreprises dans leurs démarches d’innovation afin qu’elles transforment leurs projets en valeur. L’INPI assure également le secrétariat général du CNAC (Comité national anti-contrefaçon) qui rassemble l’ensemble des acteurs privés et publics, avec pour objectifs de renforcer l’échange d’informations et de bonnes pratiques, de coordonner des actions de terrain, et de lancer de nouvelles initiatives pour la lutte anti-contrefaçon.
Quels sont les différents types de contrefaçon ?
On peut contrefaire en reproduisant à l’identique ou en en imitant une marque, une forme, un produit ou un procédé technique. Dans tous les cas, il y a tromperie dès lors qu’il y a une confusion qui porte sur les éléments protégés, le contrefacteur cherchant ainsi à s’approprier le succès et les investissements d’un autre.
À combien est estimée la contrefaçon en France ? Et en Europe ?
Pour la France, on estime à plus de 35 000 emplois et près de 7 milliards d’euros par an les pertes dues à la contrefaçon. Au niveau de l’Union européenne (UE), les pertes de ventes annuelles dues à la contrefaçon sont estimées à 59 milliards d’euros et 435 000 emplois perdus (source : Observatoire EUIPO).
Quels sont les secteurs les plus touchés par la contrefaçon ? Et quels sont les pays les plus contrefacteurs ?
Le top 5 des secteurs les plus touchés est le suivant :
1 : vêtements ;
2 : médicaments ;
3 : cosmétiques ;
4 : smartphones ;
5 : vins et spiritueux.
Concernant l’origine, environ 80 % des marchandises soupçonnées de contrefaçons qui sont interceptées par les autorités douanières aux frontières de l’UE proviennent de Chine. Mais elles peuvent transiter par de nombreux pays intermédiaires avant d’arriver à destination.
L’accroissement des ventes sur internet rend-il la lutte contre la contrefaçon plus difficile ?
Effectivement, l’émergence du commerce en ligne a largement contribué à développer le phénomène de la contrefaçon et à bouleverser son mode de distribution. Le Web offre une très forte visibilité aux revendeurs. On propose de la contrefaçon sur un site de e-commerce, une page Facebook, une galerie sur une place de type eBay, un forum, sans parler de WhatsApp et autres wechat…
Il est impossible d’identifier et de poursuivre tous les revendeurs de contrefaçon, seuls les plus importants sont poursuivis par voie judicaire.
Pour lutter contre la diffusion sur Internet et rassurer les consommateurs, l’INPI a mis en place en 2009 et 2012 plusieurs chartes entre les acteurs liés à la vente en ligne et les titulaires de droits de propriété industrielle : la charte de lutte contre la contrefaçon sur Internet entre titulaires de droits de propriété industrielle et plateformes de commerce électronique (ouverte à la signature le 16 décembre 2009), la charte de lutte contre la contrefaçon sur Internet entre titulaires de droit et plateformes de petites annonces sur Internet (ouverte à la signature le 7 février 2012), et enfin, la charte de lutte contre la contrefaçon sur Internet entre titulaires de droit et opérateurs postaux (ouverte à la signature le 7 février 2012).
Ainsi, des mesures très concrètes sont appliquées en matière de lutte anti-contrefaçon : mesures de détection, échanges de coordonnées entre les titulaires de droits et les plateformes, procédures de notification par lesquelles les titulaires de droits signalent aux plateformes les annonces portant sur des contrefaçons, suppression de l’ensemble des annonces identifiées comme ayant été postées par un contrefacteur. Grâce aux informations d’identification dont elle dispose sur le contrefacteur, la plateforme prend toutes les mesures à sa disposition pour empêcher le dépôt ultérieur d’une annonce liée à ses données d’identification pendant une durée de cinq ans.
Les ventes de contrefaçons sur les sites les plus connus ont donc largement diminué depuis la mise en place de ces mesures. Mais il est plus difficile de lutter contre les sites de moindre envergure car ces derniers sont extrêmement nombreux, ont une durée de vie souvent éphémère, et représentent des volumes de ventes aléatoires.
Le lancement de la campagne anti-contrefaçon s’est déroulé à Cannes le 5 juillet dernier. En quoi cela consistait-il ?
Chaque année, l’Union des Fabricants (UNIFAB), qui regroupe les entreprises concernées par le problème, organise une vaste campagne de communication pendant la période estivale. Plus de 100 000 tracts sont distribués sur les plages et marchés du sud de la France afin de sensibiliser les vacanciers aux risques liés à l’achat et la consommation de contrefaçons. Parallèlement, la campagne se déploie sur les réseaux sociaux (via Facebook, Google, PriceMinister), et à travers un affichage parisien sur plus de 300 panneaux JCDecaux.
Sous le slogan « Ne vous faites pas des vacances en toc », la campagne vise à éclairer et sensibiliser les consommateurs au fléau qu’est la contrefaçon. Cette campagne est réalisée en partenariat avec l’INPI, le CNAC, les douanes françaises, la gendarmerie, JCDecaux et la ville de Cannes.
Il est fondamental que les différents acteurs publics et privés unissent leurs forces pour avancer dans cette lutte. Le 5 juillet dernier, l’ensemble des acteurs s’est retrouvé à Cannes afin de lancer officiellement cette campagne. Le public a pu assister à une destruction de contrefaçons saisies par les douanes françaises, une manière d’illustrer la réalité de la contrefaçon, ainsi que ses dangers pour la santé des consommateurs comme pour l’économie française en général.
Si une marque pense être victime de contrefaçon, quels sont ses moyens de défense existants, proposés par l’INPI ?
La contrefaçon est la violation d’un droit de propriété industrielle. Le premier moyen de défense que propose l’INPI, ce sont les titres de propriété industrielle. Grâce à eux, les titulaires de droits peuvent se défendre devant les tribunaux.
Ainsi, l’INPI intervient principalement en amont pour aider les créateurs à se prémunir des contrefacteurs en assimilant les bons réflexes de prévention et de protection. L’INPI les informe sur les moyens de défense et les accompagne dans leurs demandes de titres de propriété industrielle : marques, brevets, dessins et modèles.
Depuis 2015, grâce à la loi dite « consommation », l’INPI homologue également des indications géographiques (IG). Ces nouvelles IG s’adressent aux fabricants de produits manufacturés et permettent de valoriser les produits et savoir-faire français, et de lutter contre la concurrence déloyale et la contrefaçon. La porcelaine de Limoges, le granit de Bretagne, les sièges de Liffol ou encore la pierre de Bourgogne en bénéficient par exemple. Auparavant, seuls les produits agricoles et viticoles pouvaient en bénéficier.
Certains peuvent-ils devenir contrefacteurs sans même le savoir ? Comment éviter ce cas de figure ?
Il est parfois impossible d’éviter la contrefaçon lorsqu’elle porte sur un droit récent qui n’a pas encore été publié pour information des tiers. Ce cas de figure est relativement rare et la veille est, de manière générale, le meilleur moyen d’éviter de devenir contrefacteur. L’INPI met à disposition du public des millions de données en accès libre et gratuit sur les bases de données de propriété industrielle de son site internet. Cela permet aux entreprises qui souhaitent utiliser un signe distinctif ou une solution technique originale de vérifier qu’ils ne font pas déjà l’objet d’une protection.
L’INPI permet sous certaines conditions la protection d’une création technique (brevet), esthétique (dessin et modèle) ou encore d’un signe distinctif (marques et Indications géographiques non agricoles). Les créations, artistiques et littéraires, et les logiciels sont essentiellement protégés par le droit d’auteur.
Pour finir… quelle est l’actualité de l’INPI ?
Dans le cadre de notre contrat d’objectifs et de performance signé avec l’état pour la période 2017-2020, l’INPI déploie de nombreuses actions afin d’améliorer la sensibilisation aux enjeux de la propriété industrielle, particulièrement en direction des PME et des start-up pour lesquelles nous venons de lancer une offre dédiée. Parallèlement, nous finalisons actuellement la dématérialisation totale de nos procédures de délivrance de titres, afin de faciliter les démarches de nos clients et de fiabiliser les échanges. Enfin, l’INPI s’implique fortement dans plusieurs mesures importantes en matière de propriété industrielle, figurant dans le projet de loi PACTE, dont les parlementaires viennent de commencer l’examen.
Propos recueillis par Constance Périn
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