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Du 6 au 11 septembre 2016, le port cannois accueillait le 39e festival du yachting. Réunion incontournable pour les acteurs du secteur, les novices y découvrent un univers où gravite un marché rare. Les Français ont la chance de détenir tous les atouts propices au développement de cette activité restreinte. Néanmoins, l’hétérogénéité des régimes fiscaux d’un pays à l’autre autour du bassin méditerranéen entraîne une concurrence sévère entre les hôtes qui tous souhaitent drainer vers eux les devises associées à ce commerce. L’administration fiscale et les services des douanes ont animé un colloque d’informations sur les évolutions règlementaires en la matière à l’intention des professionnels.
Régime d’exonération de la TVA pour les navires de commerce maritime
Suite à la condamnation de la France (CJUE, aff. C- 197/12, 21 mars 2013), les critères d’exonération de TVA pour les navires de commerce maritime affectés à la navigation en haute mer ont fait l’objet d’une refonte. Pour être qualifié de navire de commerce maritime affecté à la navigation en haute mer, le bâtiment doit respecter 5 critères :
• Être d’une longueur hors tout supérieure ou égale à 15 mètres ;
• Être inscrit comme navire de commerce sur un registre commercial ;
• Être doté d’un équipage permanent ;
• Être affecté aux besoins d’une activité commerciale ;
• Effectuer au moins 70 % de l’ensemble de sa navigation en dehors des eaux territoriales nationales (d’où l’importance de connaître la définition d’un trajet et ses possibilités offertes à un navire).
L’idée sous-jacente de la réponse apportée par la France à la commission a pour ambition de pénaliser un minimum de navires. En plus des cinq critères, il importe de parler des contrats à quai. L’exonération de TVA découle directement de la Directive, art. 148 concernant les navires de haute mer. Elle a été transcrite en droit français à l’article 262 du Code général des impôts. La précision de navigation en haute mer est essentielle. Les contrats à quai sont impactés car les sorties en mer doivent constituer l’activité principale du navire. Un navire qui, dans le cadre de ses contrats de location, passe plus de la moitié de son temps à quai, n’est pas un navire de haute mer. Ce critère est bien précisé dans le cadre réglementaire.
Pour la haute mer, la notion de trajet, plus favorable, s’est imposée plutôt que celle de prorata temporis ou de distance parcourue. Il suffit en effet de sortir d’un mille au-delà de nos zones marines pour que le trajet soit valide. Selon la doctrine, le trajet s’entend de toute navigation commerciale effectuée entre deux ports où ont lieu notamment les opérations de chargement, déchargement de marchandise, embarquement, débarquement de passager. Pour les ports d’escale, les points de départ et d’arrivée peuvent être identiques. Le port d’escale peut éventuellement se résumer à un simple point d’ancrage. Pour le calcul du ratio, seuls sont pris en compte les trajets effectués pour des raisons commerciales, qu’ils aient lieu ou non dans les eaux territoriales. En dehors des eaux territoriales, un trajet qui ne passe pas par la France, est pris en compte.
Monaco est considérée comme faisant partie du territoire national français pour ce qui concerne la TVA. Dès lors, la navigation dans les eaux monégasques est assimilée à une navigation dans les eaux nationales françaises et dégrade le ratio. Ce cadre strict est imposé par la directive TVA.
Les 70 % de navigation en dehors des eaux territoriales nationales, estimés l’année N, s’appliquent à l’année N+1. On considère donc les trajets de l’année qui précède l’année où l’exonération s’applique. En cas de non-respect du critère l’année N, il n’y aura pas d’exonération sur le futur, et l’administration ne reviendra pas sur les exonérations passées.
En cas d’achat de navire, le nouvel exploitant, pour bénéficier de l’exonération, doit fournir une attestation. Il s’y engage, au vu du programme de navigation du navire, à faire le nécessaire pour bénéficier d’une exonération. Cette attestation sera valable pour la première année, avant d’entrer dans le régime de droit commun l’année suivante. S’il ne réalise pas ce qu’il a annoncé, l’exonération de l’année n’est pas justifiée, l’exploitant devra régulariser la TVA sur tous les services, toutes les acquisitions hors TVA.
Si un exploitant qui remplissait les critères pendant de nombreuses années, ne les remplit plus, il est possible qu’il perde la qualité de service de navire de haute mer. Le non-respect de la condition des 70 % de navigation en année N entraîne la taxation en année N+1 des opérations d’avitaillement et de prestation de service. Il ne remet pas en cause les exonérations précédentes en N si les conditions étaient remplies en N-1.
La taxation du corps du navire et des éléments incorporés en fondement de l’art. 257 du Code général des impôts est un fait générateur autonome. Le corps du navire et les éléments incorporés sont assujettis à la TVA. Lorsqu’un navire qui est exploité en France dans le cadre du régime fiscal des navires de commerce, change d’affectation, cela constitue un fait générateur de TVA.
La déductibilité de la taxe se passe dans les conditions de droit commun. Dans le cas du transport de personnes, il peut y avoir une exclusion du droit à déduction. Ce n’est pas le cas tant que le navire reste affecté à une activité commerciale. Si le navire qui n’a pas changé d’exploitant revient dans les conditions de l’exonération puis en ressort, il ne sera pas taxé sur la même base légale.
Le switch de pavillon
L’exonération de TVA s’adapte nécessairement à une activité commerciale effective, réalisée dans certaines conditions et qui ne peut pas être occasionnelle. Le switch de pavillon a donc été intégré dans la doctrine. Il est impossible de passer de commerce à plaisance et inversement sans perdre le bénéfice de l’exonération. Ceci est vrai en France. Cependant, un navire qui reste de commerce en France, quel que soit son statut à l’étranger ne perdra pas son exonération si les critères sont respectés. Un gestionnaire de navire peut faire toutes les opérations qu’il souhaite en dehors des eaux territoriales et rebasculer en commerce quand il rentre en France. L’administration n’a rien à y redire.
Le cadre réglementaire est le même pour tous les pays membres, c’est la directive TVA. Mais chaque pays essaie de tirer au maximum les règles de la directive afin d’en avoir l’interprétation nationale la plus favorable pour ses ressortissants.
Taxe sur les carburants
Depuis le 1er octobre 2016, les contrats de location ou les contrats d’affrètement ne permettent plus de s’approvisionner en carburant exonéré de Taxe Intérieure pour la Consommation des Produits énergétiques (TICPE). Cette décision et cette nouvelle règlementation ont été élaborées avec les principales fédérations maritimes. Cela fait suite à une jurisprudence européenne de 2011 qui a imposé à la France de mettre en conformité sa législation. Ce qui a été fait dès 2014? our le Code des douanes. Nos textes règlementaires ont finalement été adaptés fin d’année 2015 dans un arrêté du 17 décembre et par une circulaire en avril 2016 à la rédaction de laquelle les professionnels du secteur ont été associés.
Fiscalité des produits pétroliers pour la filière du yachting
Le Code des douanes fixe la fiscalité applicable pour les produits énergétiques livrés à la navigation maritime. Il précise le cadre d’exonération en vigueur et les activités menées par les utilisateurs de navire qui ouvrent droit à exonération d’assise, donc de TICPE, anciennement TIPP. Ce cadre législatif est une transposition de la directive communautaire 2003/96. Les conditions qui permettent de bénéficier de l’exonération TICPE sont plus simples que celles demandées pour la TVA, puisque la notion de navigation en haute mer n’existe pas ici. Le régime de droit d’accise ne prend pas en compte les eaux territoriales.
Pour bénéficier du régime d’exonération, le navire doit être enregistré sur le registre du commerce, naviguer avec un rôle d’équipage et être affecté à une activité commerciale. Ces critères sont déjà en vigueur depuis de nombreuses années. Avant la modification réglementaire, l’activité commerciale était reconnue matérialisée par la production du contrat d’affrètement. Tous les navires, tous les yachts qui remplissaient ces trois conditions bénéficiaient de l’exonération de TICPE. Puis, la Cour de justice européenne a rendu deux arrêts dans lesquels elle a interprété l’article de la directive européenne qui fixe les critères d’exonération de la navigation.
La Cour de justice y a notamment précisé l’interprétation de la notion d’activité commerciale : pour reconnaître que le navire se trouve bien dans ce cadre commercial qui lui permet de bénéficier des exonérations d’assise, il faut que cette activité puisse se matérialiser comme une prestation de service à titre onéreux. C’est ce que stipule le premier arrêt.
Le second arrêt précise ce qu’est une prestation de service à titre onéreux. Elle indique clairement que la location et l’affrètement ne sont pas des prestations de service à titre onéreux. En conséquence, les contrats avec lesquels les professionnels avaient l’habitude qu’une activité commerciale soit reconnue et entraîne une exonération ne répondent plus aux demandes de la Cour.
Pour que le critère de l’activité commerciale que l’utilisateur du navire doit effectuer soit reconnu, le contrat qui va matérialiser cette activité commerciale doit prendre très explicitement la forme d’une prestation de service à titre onéreux. Il doit aussi être effectué par l’utilisateur final. Il ne faut pas que l’activité puisse être assimilée à une activité de location, d’affrètement.
Dans sa présentation, le contrat ne doit en aucun cas ressembler à un contrat de charter. La notion d’utilisateur final compte. Dans un contrat de location, l’utilisateur final est nécessairement le locataire (affréteur/fréteur). Pour la Cour européenne de justice, la location n’est pas l’utilisation. Si on considère la finalité exercée par le locataire : le client qui monte sur un yacht ne souhaite pas normalement effectuer une activité commerciale.
Le loueur, fréteur, armateur, doit être reconnu comme celui effectuant l’activité commerciale qui permet d’accéder au régime d’exonération. Ce qui sous-entend une révision des termes juridiques des contrats actuellement utilisés par les professionnels du secteur pour être en accord avec la nouvelle règlementation. Les instructions douanières pratiques, entrées en vigueur au 1er octobre ont été publiées le 26 avril 2016. Dans les modifications juridiques, il est maintenant nécessaire de faire en sorte que l’utilisateur final qui bénéficie de l’exonération soit considéré comme celui qui était au départ le loueur du navire, à savoir l’appointeur. Le client final étant quelqu’un qui disparaît du champ de préoccupation. Il n’est qu’un client, quelqu’un qui paie la prestation, il apporte la matérialité de la réalité de l’activité commerciale. (…)
C2M
Retrouvez la suite de cet article dans le Journal Spécial
des Sociétés n° 83 du 5 novembre 2016
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