Grands procès et risques judiciaires - Les cas Patrick Henry et Dieter Krombach


lundi 3 mai 20216 min
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Le Centre de recherche sur les relations entre le risque et le droit (C3RD) de la Faculté de droit de l’Université catholique de Lille a présenté, le 31 mars dernier, les travaux de recherche des étudiants du master II Professions Juridiques et Judiciaires réalisés dans le cadre du séminaire de recherche « Grands Procès et risques judiciaires ». À cette occasion, les élèves sont revenus sur quatre affaires judiciaires qui ont défrayé la chronique à la fin du 20e et au début du 21e siècle. Nous revenons ci-dessous sur la présentation des deux premiers groupes de travail qui ont respectivement analysé les procès des criminels Patrick Henry et Dieter Krombach.

 


L’article préliminaire du Code de procédure pénale détermine les règles générales d’un procès pénal : impartialité des juridictions pénales, présomption d’innocence, principe du contradictoire, droit à être jugé dans un délai raisonnable, caractère limité et proportionné des mesures de contrainte, droit à exercer des voies de recours, garantie des droits des victimes… Tout cela en vue d’assurer un procès le plus équitable possible.

Malgré tout, les procès pénaux, plus que les autres formes de règlement des litiges, sont exposés aux risques judiciaires, car les magistrats y jugent des affaires souvent sordides, fortement médiatisées.

Si les juges, en tant que professionnels, sont préparés à garder la tête froide même devant les pires des hommes, la population se trouve, elle, totalement démunie face à un criminel qui s’en prend à l’un de ses membres. Difficile en effet de rester objectif et impartial devant un tueur d’enfants, deux qualités que l’on attend de la part des juges.

Le problème, c’est qu’il arrive fréquemment que l’opinion publique et les médias - et même certaines instances politiques - se mêlent aux délibérations judiciaires qui devraient pourtant être menées strictement, par les magistrats, dans le cadre d’une cour d’assises.

Or, l’opinion publique peut-elle être un juge à part entière ? Quand le tribunal médiatique et populaire se substitue au tribunal judiciaire, quid de la légitimité de la justice pénale et du respect des principes fondamentaux qui irriguent la matière pénale ? En même temps, quand la justice tarde ou refuse de faire son office, alerter l’opinion publique n’est-elle pas la seule voie de recours pour les victimes ?

À la fin du 20e et au début du 21e siècle, les procès de Patrick Henry et de Dieter Krombach (présentés par les élèves de la factulté de droit de l’université catholique de Lille) font partie de ces procès qui ont enflammé l’opinion et ont exposé la procédure pénale à de nombreux risques judiciaires. Ces affaires, et les remous qu’elles ont engendrés dans l’opinion, ont cependant eu le mérite d’interroger la société sur ses propres fonctionnements, les États sur leur système judiciaire et leur coopération, et même d’annoncer des bouleversements sociétaux de grande ampleur.

 

L’AFFAIRE PATRICK HENRY OU LE PROCÈS DE LA PEINE DE MORT

Comme l’ont rappelé en préambule les deux étudiantes du master, ce procès a été appelé plus tard « le procès de la peine de mort », car ce dernier a favorisé l’abolition de la peine de mort en France en 1981.

Le criminel Patrick Henry a d’ailleurs été défendu par deux avocats, Maître Robert Bocquillon assisté par Maître Robert Badinter qui, comme chacun le sait, a porté le projet de loi portant abolition de la peine de mort à l’Assemblée nationale en 1981.

Dans cette affaire, Maître Bocquillon a fait appel à Maître Badinter parce que ce dernier était déjà un fervent abolitionniste :

« Tout accusé qui risquerait sa tête et qui me demanderait de le défendre, quel que soit le crime, je le défendrai » affirmait Maître Badinter.

 

Un crime odieux

Les étudiantes ont commencé par relater les faits.

Le 30 janvier 1976, Philippe Bertrand, un petit garçon âgé de 7 ans, est enlevé, et une rançon d’un million de francs est réclamée à sa famille.

À cette époque, il y avait beaucoup d’enlèvements d’enfants contre rançon, mais c’était la première fois qu’une famille modeste était touchée.

Durant l’enquête, les policiers parviennent à géolocaliser le ravisseur et à l’identifier. Ils décident de ne pas alerter la presse, mais le ravisseur en profite pour disparaître.

Les parents s’expriment alors à la télévision pour demander à celui-ci de se faire connaître. Le kidnappeur se manifeste quelques jours plus tard par un message déposé dans la boîte aux lettres d’un curé de Troyes, proche de la famille Bertrand. Il y donne les instructions pour le dépôt de la rançon.

La police soupçonne Patrick Henry, un proche de la famille, déjà connu des forces de l’ordre, qui devient alors le suspect n°1. Arrêté, celui-ci nie les faits avec véhémence. Faute de preuves et d’aveux,  il est relâché. Celui-ci va alors clamer son innocence dans de multiples médias.

Cependant, un aubergiste le reconnaît à la télévision, car Patrick Henry loue une chambre chez lui. Les policiers se rendent donc sur les lieux, et c’est là qu’ils découvrent le corps du petit garçon sous le lit, enroulé dans un tapis.

Patrick Henry est de nouveau arrêté, le  17 février 1976.

 

La peine de mort remise en question

Le procès de Patrick Henry a lieu le 18 janvier 1977 à la cour d’assises de Troyes. Pendant deux jours, 40 témoins et une dizaine d’experts sont entendus.

L’avocat général, Maître Émile Fraisse, requiert la peine de mort. Une grande partie de l’opinion publique s’exprime également en faveur de la condamnation à mort du meurtrier.

Durant le procès, et alors que les deux familles sont présentes, Patrick Henry garde un visage fermé, méprisant, san

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