Impact et régulation des réseaux sociaux : le Conseil d’État nourrit le débat


lundi 29 novembre 20213 min
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Si les réseaux sociaux amplifient et catalysent l’exercice de certains droits et libertés, érigeant la parole des utilisateurs comme « extériorité à la démocratie représentative », les entreprises qui détiennent ces plateformes s’avèrent insaisissables et particulièrement opaques, constatent les spécialistes invités fin octobre à nourrir les réflexions du Conseil d’État. Alors, faut-il réguler ? Et comment ?

 




C’est un sujet brûlant d’actualité dont s’est emparé le Conseil d'État, en lançant son nouveau cycle de conférences, le 27 octobre 2021. Au (vaste) programme : les réseaux sociaux – et, plus précisément, lors de cette première session, leur rôle dans la transformation de la vie en société et du débat public. Car comme le souligne très vite le vice-président Bruno Lasserre, leur place « considérable », « au croisement de problématiques sociales, politiques, économiques, culturelles, en fait un sujet autonome suffisamment actuel et complexe qui justifie une étude propre ».

Actuel, car en l’espace de quinze ans, « ces outils, qui se sont imposés au cœur de nos vies, semblent destinés à y rester » (aujourd’hui, 70 % des personnes disposant d’une connexion à Internet dans le monde utilisent un ou plusieurs réseaux sociaux au moins une fois par jour) ; mais aussi parce que des campagnes de désinformation menées par la Russie à l’assassinat de Samuel Paty en passant par les printemps arabes, la crise des gilets jaunes et le mouvement #metoo, « les réseaux sociaux jouent toujours un rôle moteur dans les mouvements qui bousculent en profondeur notre société », observe Bruno Lasserre, lequel s’interroge : dans quelle mesure en sont-ils « la cause ou de simples révélateurs » ?

Complexe, ensuite, parce qu’il est difficile d’appréhender le développement des réseaux sociaux, admet le vice-président du Conseil d’État, d’autant que deux « camps » semblent s’affronter sur ce sujet. « Pour certains, la tentation est grande de n’y voir que les accessoires d’un capitalisme planétaire se nourrissant de notre narcissisme et accompagnant la montée de l’individualisme (...) À l’opposé, d’autres croient y déceler les outils d’un approfondissement de la démocratie », résume-t-il. Cependant, les cyber optimistes et cyber pessimistes s’entendent « au moins sur une chose » : le potentiel de transformation de ces réseaux. Pour Bruno Lasserre, reconnaître et mesurer ce potentiel est une « étape indispensable » pour relever les défis en jeu.

 


 

Nos activités bouleversées

C’est un fait : les réseaux modifient la manière dont nous exerçons nos activités. Que l’on soit chef d’entreprise, journaliste, chercheur, artiste, professionnels de santé… « il est difficile de se passer d’eux », rapporte le vice-président, qui confie que même le Conseil d’État s’y est mis. Le monde politique n’y échappe pas : « la manière dont on fait campagne et la manière dont on gouverne » sont en train de muter. Par ailleurs, de nouveaux métiers sont apparus : community managers, influenceurs... 

Bruno Lasserre voit les réseaux sociaux comme un « gisement d’innovations ». Ils sont notamment des « mines d’information inépuisables » pour les besoins des enquêtes de police, de répression pénale et à des fins préventives, affirme-t-il, et s’avèrent de véritables opportunités pour « rénover les processus décisionnels en les rendant plus inclusifs et participatifs ». Par ce biais, les administrations et leurs responsables peuvent davantage donner à voir ce qu’ils font et « mieux prendre le pouls de leurs administrés », voire communiquer directement avec eux – ce que font beaucoup de préfectures et de communes en France –, mais aussi la police espagnole, qui utilise depuis plusieurs années des comptes Twitter, Facebook, et Youtube pour accroître sa proximité avec les citoyens. « Leur grand succès vient du style, du ton des contenus, parfois plein d’humour, qui témoigne de son choix de sortir du cadre traditionnel », constate Bruno Lasserre. Dans les autres domaines aussi, poursuit-il, les administrations sont de plus en plus amenées à composer avec le rôle central que remplissent les réseaux sociaux – notamment en matière de recherche d’emploi. Les agences nationales chargées de l’emploi se trouvent ainsi concurrencées, et sont amenées à imaginer des moyens pour « mieux articuler leurs actions » avec celles des réseaux sociaux. Comme sur le modèle du département du travail américain qui, en concertation avec des syndicats, a signé un partenariat avec Facebook, débouchant sur le lancement de l’application « Social Job » : cette dernière permet désormais de consulter sur une même page des offres d’emploi issues de plusieurs sites spécialisés dans le recrutement. 

 

 


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