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Gérard Sousi, président fondateur de l’Institut
Art & Droit, a invité Jean Faucheur, président de la Fédération
de l’Art urbain, à tenir une conférence devant le Cercle de l’union interalliée,
en novembre dernier. Son propos évoque l’intérêt de préserver un témoignage de
l’art de la rue, à la durée d’exposition nécessairement incertaine.
« Parler
n'est pas le propre de l'artiste visuel, son domaine est celui de l'atelier,
pour ceux qui ont choisi cette voie, ou de la rue, si cela est plus à son goût.
C'est dans le silence qu’il élabore son discours au monde, et si l'on dit de
son œuvre qu'elle est “bavarde”, nous devrons la prendre comme étant de peu de
qualité ! », énonce le président de la fédération de l'art urbain
et artiste plasticien Jean Faucheur, invité par l’Institut Art & Droit, qui
peut se voir comme un artiste-président ou un président-artiste... curieux
couple. Sorti de ses domaines de compétence (dessin et peinture), il est entré
dans le monde des collectifs d'artistes, d'association d'artistes et de
fédérations, « comme un contrepoids à la solitude de l'atelier ».
Depuis les années 80, il s’est plus précisément plongé dans l'énergie
dégagée par la rue. Cet espace, tout le monde le côtoie, mais chacun y porte sa
propre attention. En ouvrant l’œil, le passant découvre la richesse de détails
incongrus, d’accidents artistiques. La rue crie et gesticule. Elle est sale,
bruyante, colorée et terne à la fois. Des choses y apparaissent et
disparaissent, d'un jour à l’autre. Une trace surgit, se transforme puis
s’efface. Déambulant, le piéton s'immobilise devant un signe sur un mur, un trait
improbable, une énergie sourde qu’il ressent. « Quand la rue vous prend
aux tripes, quand ses détails insignifiants vous happent, vous devenez
dépendants, observateurs précis d'un monde qui s'ouvre sur un autre univers
fait d'humanité, de rejets, de tensions et de jouissance. L'art urbain est la
collection de ces sensations inscrites sur la peau des maisons. Ceci est à mon
sens le cadre de l'art urbain... »
« L'art naît de
contraintes, vit de luttes et meurt de liberté »
L'art dans la rue,
pour Jean Faucheur, se distingue de l'art dans l'espace public en ce qu'il est
sa version non policée, rude et incivile. Il répond bien à cette formule
d'André Gide : « C'est un art du défi à l'autorité, et qui bien
sûr s'en défit, de cette autorité. C'est un art qui a ses règles, ses
hiérarchies opaques, ses contournements. »
L’artiste risque
littéralement sa peau et au mieux quelques heures de garde à vue. La pratique
demande d’être vigilant, méfiant et de courir vite. Le secret est de mise. La
transmission du savoir, surtout dans le graffiti, se fait par des figures
tutélaires, des anciens, des historiques.
Cet art ne connaît
ni musée, ni conservateur et termine gommé de la surface qu’il occupe. Au
mieux, on le garde dans sa mémoire. Aucune archive officielle n’existe, hormis
peut-être celles de ses destructeurs : la police, la RATP ou la SNCF.
Paradoxalement, cet art perpétuellement recouvert doit beaucoup aux
politiques publiques, véloces à nettoyer les façades. Sa renaissance continue,
sa longévité et sa vivacité résultent étrangement du fait d’être pourchassé.
Les œuvres demeurent fraîches, juvéniles quand la population de ses auteurs
vieillit.
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