Archives

Institut national de la consommation - Demain : un consommateur augmenté ou diminué ?


samedi 7 avril 20187 min
Écouter l'article
07/04/2018 09:00:15 1 1 1231 10 0 2065 1185 1226 Commissaire de justice : « respecter l’ADN » des huissiers et des commissaires-priseurs judiciaires

Nicolas Moretton et Ghislaine Kapandji, respectivement président de la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires (CNCPJ), et présidente de la Compagnie des Commissaires-Priseurs Judiciaires de Paris (CPJP), ont présenté le 21 mars dernier les contours du futur commissaire de justice. À la veille de la première étape vers la création de cette nouvelle profession issue d’un rapprochement entre huissiers et commissaires-priseurs judiciaires, les deux professionnels ont fait le souhait de voir émerger un « véritable spécialiste » de l’exécution, à la fois transversal et très spécialisé.





Nicolas Moretton l’a assuré : « Nous sommes à l’aube de la naissance d’une grande profession du droit, comme cela avait été prophétisé par le rapport Darrois ». Le président de la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires (CNCPJ) présentait le 21 mars dernier, aux côtés de Ghislaine Kapandji, présidente de la CCPJP, les contours du futur commissaire de justice, fruit du rapprochement entre commissaires-priseurs judiciaires et huissiers de justice.


La profession de commissaire-priseur se prépare donc à un nouveau chamboulement. En effet, la réforme de juillet 2000 était déjà venue séparer les activités volontaires (du ressort des opérateurs de ventes volontaires et des autres professions réglementées habilitées) des ventes et prisées judiciaires, créant un corps distinct de commissaires-priseurs judiciaires appelés pour expertiser, inventorier ou vendre des biens lorsque la loi ou une décision de justice le prévoit.


15 ans après, la loi Macron du 6 août 2015, « véritable big bang pour les différentes professions du droit », selon les termes de Nicolas Moretton, a notamment doté les commissaires-priseurs judiciaires de la compétence statutaire pour valoriser, expertiser, inventorier des biens incorporels, tels que des logiciels, marques ou fonds de commerce.


Et c’est justement en application de cette même loi, et après consultation de la CNCPJ et de la CNHJ (Chambre Nationale des Huissiers de Justice), que l’ordonnance du 2 juin 2016 a fixé le cadre juridique du nouveau statut de commissaire de justice.


Pour Nicolas Moretton, l’avènement de cette nouvelle profession est à l’image d’une addition, « 1+1 = 3 », a-t-il illustré. « Ce n’est pas une absorption-fusion, ce sont deux professions qui s’additionneront pour créer une troisième profession », a nuancé le président de la CNCPJ. L’objectif mis en avant par le législateur : la simplification pour les justiciables du service public de la justice, par la « mise en commun des professions dites “de l’exécution” », a expliqué Nicolas Moretton. « Il faut avoir une vision assez large de l’exécution, car même si nous, commissaires-priseurs judiciaires, ne faisons pas de recouvrement, nous agissons bien suite à une décision de justice, une mesure de protection », a-t-il développé.


 


Trois étapes vers la création du commissaire de justice


Alors, comment s’opérera cette révolution ?  La création du métier de commissaire de justice se fera en trois étapes, a détaillé Nicolas Moretton. Une mise en place tripartite plaidée devant la Chancellerie par les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers, qui ne « souhaitaient pas que le changement soit trop brutal », a avancé le président de la CNCPJ, qui a par ailleurs précisé : « On avait regardé la pyramides des âges : cela correspondait au pic de départ à la retraite de nos confrères ».


Ainsi, la première étape, en janvier 2019, consistera en la création de la Chambre nationale des commissaires de justice, en remplacement, à terme, des deux chambres actuelles – chambres qui subsisteront néanmoins pendant une période transitoire, à l’instar des deux professions. Par ailleurs, toujours pendant sa période transitoire, cette Chambre nationale des commissaires de justice aura une composition paritaire, soit un nombre de délégués identiques pour représenter les huissiers et les commissaires-priseurs judiciaires. « Le rôle de cette chambre est capital, car c’est elle qui va créer la matrice du commissaire de justice et qui veillera à ce que l’ADN de chaque profession soit respecté, une de nos priorités », a souligné Nicolas Moretton.


Ce n’est qu’en juillet 2022 qu’un rapprochement définitif sera effectué, qui verra naître à ce moment les premiers commissaires de justice. Enfin, juillet 2026 marquera l’aboutissement du processus, puisque les officiers ministériels n’ayant pas suivi la formation spécifique de commissaire de justice ne pourront plus exercer.


Dans l’intervalle, les deux professions suivront une formation adaptée à leurs nouvelles compétences, encadrée par un décret du 23 février 2018. Durant 80 heures, les commissaires-priseurs judiciaires seront ainsi formés à la signification des actes, aux procédures civiles d’exécution, la pratique des constats, au recouvrement amiable de créances, mais aussi aux activités accessoires des huissiers de justice (administration  d’immeubles, activité d’assurance, médiation). Parallèlement, les huissiers de justice devront suivre une formation de 60 heures qui portera sur le droit et la pratique de la vente de meubles aux enchères publiques, les arts et techniques, etc.


De telles formations peuvent cependant sembler relativement courte, eu égard aux spécificités requises par chacune des deux professions. « Il ne fallait pas que ce soit une formation qui dure 500 heures et que les professionnels découragés qui ne la suivaient pas ne puissent plus exercer leur métier », a justifié Nicolas Moretton.


« C’est surtout sur la formation initiale, pour les “prochains”, que l’accent sera mis », a assuré Ghislaine Kapandji. Une formation dont la forme et le contenu n’ont pas encore été fixés, a ajouté la présidente de la Compagnie des Commissaires-Priseurs Judiciaires de Paris, mais que les commissaires-priseurs souhaitent hautement qualitative, « que les machines ne pourront pas remplacer ». « La formation aura toute ma vigilance. Je ne veux pas que le justiciable en pâtisse, je ne veux pas de profession au rabais. Je souhaite que l’on ait des compétences cumulatives, et pas le plus petit dénominateur commun », a garanti Nicolas Moretton.


 


« Une profession transversale avec de grandes spécialisations »


L’article 1 de l’ordonnance du 2 juin 2016 précise que les commissaires de justice exerceront notamment à titre exclusif les compétences jusque-là réservées aux huissiers de justice, soit la signification et la mise à exécution des décisions de justice, l’accomplissement des mesures conservatoires dans le cadre d’une succession, la mise en œuvre de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, la réalisation des états des lieux en cas de conflits dans le cadre des rapports locatifs, mais aussi les missions des huissiers audienciers, ainsi que les attributions des commissaires-priseurs : estimations et ventes aux enchères publiques. Outre ses compétences exclusives, le commissaire de justice pourra également réaliser des constats, procéder au recouvrement de créances et être désigné en qualité de liquidateur ou de séquestre conventionnel. Pour autant, le commissaire de justice reste encore une notion relativement floue quant à son application. « Pour l’instant, ce qui m’inquiète, c’est la mise en place pratique, qui s’annonce lourde et complexe. Il va falloir se pencher sur les problèmes de conventions collectives, d’assurances, de personnels… », a reconnu Ghislaine Kapandji. « Le commissaire de justice est un véritable bouleversement pour les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice : cela ne va pas être simple pour nous », a opiné Nicolas Moretton, qui a également fait part des craintes de ses confrères de voir leur profession changer au point qu’elle ne ressemblera plus à celle qu’ils ont connue et voulu exercer, « une profession de passion », a déclaré le président de la CNCPJ. Ce dernier a toutefois volontiers admis qu’huissiers et commissaires-priseurs judiciaires étaient liés par leur statut d’officiers ministériels et de juristes, et cherchaient déjà à œuvrer ensemble pour « devancer la réforme » : « En Province, certains confrères se sont rapprochés d’huissiers de justice, et vice-versa, pour créer des structures interprofessionnelles ». Nicolas Moretton a par ailleurs fait état d’une « vision positive et optimiste » : « il y aura des perspectives intéressantes, et ce n’est pas la méthode Coué ! », a-t-il lancé. « Même si les contours ne sont pas encore bien définis, notre message est qu’il ne faut pas être dans un débat corporatiste, a-t-il encore indiqué. Le but, ce n’est pas qu’une profession prenne le dessus sur l’autre, mais d’avoir le même point de fuite : une profession qui réponde aux attentes du justiciable ». Nicolas Moretton a ainsi fait le souhait d’une profession aux multiples facettes, transversale, qui aura en son sein plusieurs grandes spécialisations, en fonction des formations supplémentaires qui seront suivies. « Par exemple, un commissaire de justice spécialisé dans la vente aux enchères publiques, ou spécialisé dans le recouvrement, etc. », a-t-il illustré. « Demain, le commissaire de justice devra être un véritable spécialiste, car tout ce qui n’a pas de vraie plus-value sur l’acte sera supprimé », a averti Nicolas Moretton.


Pour le président de la CNCPJ, la mutation à venir fait partie d’un « bouleversement général entamé il y a 2-3 ans », au cours duquel les officiers ministériels ont dû se remettre en question de façon significative. « On va vers des regroupements massifs, pour toutes les professions. D’ici 5 ans, l’aréopage juridique que nous connaissons sera totalement transformé ». Concernant le commissaire de justice à proprement parler, Nicolas Moretton le sait, l’adaptation sera à faire des deux côtés. « Mais je pense qu’outre cette adaptation, on a affaire à une vraie transformation : tout officier ministériel doit aujourd’hui être un chef d’entreprise. Ce n’est pas forcément la vision qui était la mienne, car la notion de service public est très importante pour moi, a assuré le président de la CNCPJ. Mais on va devoir le devenir malgré tout, car de grands pôles du droit vont émerger, de grandes structures, et il faudra avoir une vision de la manière de faire le droit de demain, dans lequel les microstructures seront compliquées à conserver », a prédit Nicolas Moretton.


 


Bérengère Margaritelli


 


Partager l'article

THÉMATIQUES ASSOCIÉES


0 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à la Newsletter !

Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.