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Geneviève Maillet, bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Marseille, présidait ce colloque international organisé par Jacques Bonnaud, premier vice-président de la délégation de l’Union des avocats européens (UAE), et Gérard Abitbol, doyen des présidents d’honneur de l’UAE. Le thème choisi, le soupçon, reste une notion aux contours juridiques flous, qui infuse pourtant largement notre droit, et notamment notre droit pénal des affaires.
La difficulté du concept de soupçon est accentuée par l’absence de définition légale et jurisprudentielle. En effet, la terminologie n’a pas été définie, ni par le Code pénal, ni par le Code de procédure pénale français. La doctrine quant à elle n’a jamais tenté de cerner le sens exact de ce mot.
un soupçon endémique :
« Les soupçons ne sont autre chose que des rides : la première jeunesse n’en a pas » ainsi s’exprimait Victor Hugo dans Les Misérables.
Le soupçon, quand il tend à se diffuser dans toute une société, discrédite, paralyse et détruit tout lien social.
Le soupçon affecte aussi la justice dans son ensemble, mais pas que. Elle s’insinue dans les rapports que ses acteurs peuvent entretenir.
À partir du XIXe siècle, nombreux sont les historiens qui ont considéré la dénonciation comme le symptôme d’un mal incurable : le soupçon. Les détracteurs de la Révolution ont fait de cette « cette des dénonciations" le signe d’une dégradation générale des mœurs, la preuve d’un dysfonctionnement global du politique dont la Terreur aurait constitué l’apogée, ou encore pour certains, un argument pour faire de la Révolution la matrice des totalitarismes. À l’inverse, l’historiographie classique de la Révolution n’a pris en compte ces phénomènes que comme une conséquence logique de l’établissement progressif d’un régime d’exception justifié par les circonstances.
L’examen des fondements théoriques de la dénonciation, de la place qui lui est accordée par les autorités politiques et dans l’opinion publique, permet-il de considérer la dénonciation comme « un acte de discours » qui aurait exprimé l’essence de la Révolution française ? Le soupçon endémique à l’égard de la diplomatie en particulier tient-elle à des caractères qui lui seraient spécifiques ou à une crise de confiance plus globale à l’égard des acteurs politiques en général ?
William Shakespeare disait ainsi que « La renommée est un instrument à vent que font résonner les soupçons, les jalousies, les conjectures ».
Du blanchiment
L’obligation de déclaration d’opérations ou de sommes suspicieuses a été introduite dans le droit positif en 1990 (L. n° 90-614, 12 juill.1990), dès lors qu’il est apparu nécessaire d’associer certains acteurs de la société civile à la lutte contre les opérations de blanchiment, puis à compter de mars 2004 contre le financement des activités terroristes.
Il faut distinguer le criminel (pas le délinquant) qui blanchit lui-même de ceux qui ont recours au système financier.
Les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier sont tenues, dans les conditions fixées par le présent chapitre, de déclarer au service mentionné à l’article L. 561-23, les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme.
Pour déclarer que le blanchisseur ne peut être l’auteur du délit principal, encore faut-il rechercher que les actes matériels de commission de diverses infractions sont ou non exclusifs les uns des autres.
Or, le blanchiment se commet de deux façons : soit en facilitant, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des fonds ou des biens, soit en participant à une opération de placement, dissimulation ou conversion.
Il est bien évident que l’auteur du délit principal qui ment sur l’origine des fonds qu’il a obtenus par une activité criminelle n’est pas plus blanchisseur que receleur, sauf s’il a, par ses mensonges, perpétré de nouvelles malversations en des actes matériellement distincts de ceux du délit principal. Mais qu’en est-il de celui qui place les fonds criminels ? Alors que le criminel l’a laissé dans l’ignorance du caractère illégal des fonds ainsi placés.
En revanche, participer à une opération de placement, dissimulation ou conversion, c’est participer, selon les autorités de poursuite à un stade quelconque, à un réseau de blanchiment. Or, ce réseau est soit créé par l’auteur du délit principal (le trafiquant de drogue), qui met en place non seulement le réseau de distribution du produit psychotrope, mais également le recyclage des gains illicites d’argent ; soit déjà en place, et il est simplement recherché et utilisé par le trafiquant. Serions-nous passés d’une société de confiance à une société du soupçon ? La question se pose lorsque l’on a devant nous autant d’exemples où le soupçon est devenu la règle. On pense notamment à la levée du secret bancaire en cas de doute sur l’origine des fonds.
Nous devons au bonheur de plume cette citation de Sosthène de La Rochefoucauld-Doudeauville : « Si le monde est léger dans ses soupçons, il est généralement vrai dans ses jugements. »
La déclaration de soupçon
On assiste aujourd’hui à une approche préventive par le risque qui consiste à déclarer tout soupçon à Tracfin.
Cependant, il faut néanmoins évoquer en permanence la présomption d’innocence.
Il s’agira en réalité de toutes les infractions visées par le Code pénal, le Code monétaire et financier, de même que par tous les textes pénaux non codifiés. On pense alors à la fraude fiscale, quelle que soit sa dimension, mais aussi à sa délimitation délicate avec l’habileté fiscale qui n’est pas une infraction et qui ne peut intégrer le terrain du blanchiment. C’est dire que cette extension considérable a eu pour conséquence d’élargir le champ de la déclaration de soupçon, et corrélativement celui de l’insécurité des transactions financières. Or, un soupçon ne peut être confondu avec la preuve d’une commission du délit de blanchiment. On doit comprendre par soupçon, des éléments de vraisemblance permettant de penser que l’opération financière en question constitue un blanchiment tandis que la preuve d’une opération de blanchiment ne suppose aucun doute et permet d’affirmer que tous les éléments constitutifs du blanchiment ont été réalisés. Cependant, il faut se référer aux critères de l’instruction car le juge doit établir des éléments précis et concordants. Dans le premier cas, on se situe sur le plan préventif qui permet de présumer la mauvaise foi lorsque les professionnels ne parviennent pas à identifier le client, ce qui est dangereux ; dans le second cas, le jugement pénal et la condamnation répressive peuvent avoir lieu, les intéressés étant présumés innocents jusqu’à la preuve de la commission de l’infraction.
Convient-il, pour un professionnel déclarant, de maintenir la relation d’affaires avec un client à propos duquel il a adressé à Tracfin une déclaration de soupçon ? Après l’ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009, le Code monétaire et financier n’en fait toujours pas une obligation. Mais la question se pose avec acuité au regard des conséquences que les juridictions répressives ont pu tirer, s’agissant d’établissement de crédit, de la clôture ou du maintien du compte d’un titulaire « soupçonné ».
L’attaque contre le « caractère », c’est-à-dire l’intégrité ou l’honorabilité d’un adversaire politique, est un phénomène fréquent. La vie privée d’une personnalité politique reste un sujet tabou, et pourtant, certains débats médiatiques récents, centrés sur la « morale privée »
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