Article précédent

La santé est, selon les propres mots de la Commission européenne, « une priorité » pour l’Union européenne (UE), qui souhaite bâtir une véritable « Union européenne de la santé », bien qu’elle n'ait normalement qu’une compétence subsidiaire. À cette fin, elle a adopté le programme « EU4Health » (« L’UE pour la santé »), doté d’un budget de 5,3 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Dans le cadre de ce programme, en cours d’évaluation intermédiaire, la Commission vient d’ailleurs tout juste d’annoncer une série de mesures pour « attirer et retenir » les infirmières en Europe.
La Commission européenne a signé, le 2
septembre, un accord avec le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe.
L’enjeu : aider les États membres de l’Union européenne à retenir les
infirmières dans leurs systèmes de santé et à rendre la profession plus
attrayante. Un budget de 1,3 million d’euros a été débloqué en ce sens, dans le
cadre du programme EU4Health. Comme l’a rappelé Stella Kyriakides, qui, il y a
encore peu, était commissaire européenne chargée de la santé et de la sécurité alimentaire
(1), « le personnel infirmier est l’épine dorsale de nos systèmes
de santé et joue un rôle essentiel pour garantir que les patients reçoivent des
soins professionnels de qualité lorsqu’ils en ont besoin ».
Elle s’était ainsi dite « ravie
de travailler avec l’OMS Europe sur cette importante initiative », qui
s’étendra sur une période de 36 mois et devrait participer à « résoudre
les graves problèmes de personnel de santé auxquels sont confrontés de nombreux
États membres » tout en améliorant « la résilience des
systèmes de santé dans l’ensemble de l’Union européenne ».
Le projet, qui s’adaptera aux besoins
locaux et nationaux sur le territoire de l’UE, prévoit « la création de
plans d’actions de recrutement », des « programmes de mentorat
pour attirer une nouvelle génération d’infirmières », la
« rédaction d’évaluations d’impact » pour « comprendre
les problèmes derrière les pénuries structurelles » de personnel
infirmier, « des stratégies pour améliorer la santé et le bien-être des
infirmières », ainsi que « la mise en œuvre d’opportunités de
formations et d’actions pour garantir que le personnel de santé puisse
bénéficier des avantages de la transformation numérique ».
Le projet est ambitieux… et ce n’est pas
la première fois que l’Union européenne s’empare de sujets « santé ».
De fait, si elle n’a en soi que peu de compétences en la matière (2),
elle n’hésite pas à intervenir de plus en plus dans des domaines liés :
prévention, recherche, innovation, lutte coordonnée contre les pandémies… les
décisions et crédits débloqués pour renforcer la santé des Européens se
multiplient, et ce, d’autant plus depuis la crise Covid avec l’adoption de ce
fameux programme EU4Health. « La pandémie a mis en évidence la
fragilité des systèmes de santé nationaux. Le programme contribuera à relever
les défis sanitaires à long terme en construisant des systèmes de santé plus
solides, plus résilients et plus accessibles », nous détaille une
porte-parole de la Commission.
Concrètement, l’objectif est de « permettre
à tous les pays de l’UE de se préparer et de mieux réagir ensemble aux crises
sanitaires », poursuit l’institution. Si la gestion des risques
et des crises relève de la responsabilité des États membres, l’UE est
compétente lorsqu’il s'agit de soutenir, de coordonner et de compléter les
actions nationales… avec l’appui du Centre européen de prévention et de
contrôle des maladies (ECDC), dont les missions ont été renforcées en réponse à
pandémie. Son rôle ? Surveiller les risques sanitaires émergents afin de
coordonner les réponses à ces risques, fournir aux États membres de l'UE des
conseils scientifiques indépendants, une assistance et une expertise concernant
les menaces pour la santé publique et, à terme, créer un réseau de laboratoires
de référence travaillant sur les nouveaux agents pathogènes. Pour aller plus
loin, l’UE ambitionne également la création d’une task force européenne
permanente et prête à être déployée en cas de besoin.
La « santé publique est une
priorité pour l'UE », qui souhaite bâtir une véritable « Union
européenne de la santé », complète la porte-parole de la Commission
européenne. Pour atteindre cet objectif, le programme EU4Health (« L’UE
pour la santé ») a été établi par un règlement européen en date du 24 mars
2021(3). Il a été doté d’un budget de 5,3 milliards d’euros pour la
période 2021-2027, afin de financer des actions dans différents domaines :
la réduction du nombre d'infections résistantes aux antimicrobiens,
l’amélioration des taux de vaccination sur le sol européen (contre le HPV et
l’hépatite B, par exemple), la lutte contre la consommation nocive d’alcool
ainsi que l’exposition des jeunes à la vente de spiritueux, la promotion d’une
alimentation saine et de l’activité physique à travers la campagne « HealthyLifestyle4All
» (un mode de vie sain pour tous)…
Le programme « EU4Health »
fonctionne « en synergie avec d’autres programmes, politiques,
instruments et actions de l’Union », précise la Commission. Parmi
eux : le programme pour une Europe numérique (Digital Europe), destiné à «
soutenir l’expansion des infrastructures de santé numériques telles que les
dossiers médicaux électroniques et les services de télémédecine ». Le
programme s’articule également avec le programme-cadre de l’UE pour la
recherche et l’innovation pour la période 2021-2027 (Horizon Europe), le
programme InvestEU (pilier clé du grand plan de relance post-Covid-19) ou
encore, les actions du Fonds européen de développement régional, par exemple,
pointe la Commission.
L’UE souhaite par ailleurs renforcer la lutte
contre le tabagisme, afin que moins de 5 % de la population européenne soit
fumeuse d’ici à 2040. Cette ambition est au cœur du Plan européen pour vaincre
le cancer, lancé en 2021 et doté d’une enveloppe de 4 milliards d’euros. « En
2020, nous avons perdu 1,3 million d’Européens à cause de cette maladie. Et
malheureusement, le nombre de cas est en augmentation », avait alors
rappelé Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. L’UE
entend donc accroître la coopération entre États membres pour améliorer la
prévention, le traitement et le suivi des cancers, réduire l’exposition aux
substances cancérigènes et aux rayonnements, mais aussi favoriser la recherche
et la mise à disposition de traitements innovants à des prix abordables.
Dans ce cadre, le Système européen
d’information sur le cancer (ECIS en anglais), qui centralise les données
d’incidence, de mortalité et de survie aux différents cancers à travers
l’Europe, est en cours de consolidation. Un réseau européen de centres intégrés
de cancérologie ainsi qu’une mutualisation des bases de données d’imagerie
oncologique sont également prévus, de même qu’une plateforme européenne visant
à améliorer l’accès aux médicaments anticancéreux !
Autre dossier clé de l’UE : la
construction, d'ici à 2025, d’un Espace européen des données de santé (EHDS, en
anglais) pour améliorer la prise en charge des patients au sein de l’Europe
des 27, en facilitant, quel que soit le pays, l’accès des soignants aux
dossiers médicaux (antécédents, traitements en cours, examens radiologiques et
biologiques, allergies, groupe sanguin…). L’intérêt médical, mais aussi
financier est soulevé par la Commission européenne (4). « Une
interopérabilité accrue des données de santé entre les prestataires de soins de
santé pourrait entraîner des économies importantes pour les patients et les
systèmes de santé, étant donné qu’environ 10 % des images médicales prises
dans les États membres de l’UE (coûtant environ 14 milliards d’euros par an)
sont considérées comme inutiles », relève-t-elle (5).
Au-delà, l’EHDS aura également pour mission de « contribuer à
l’analyse transfrontière des données de santé électroniques à des fins de
recherche, d’innovation, de statistiques officielles, d’élaboration de
politiques et de réglementation », précise la Commission européenne,
qui entend « libérer tout le potentiel » des data de santé
après anonymisation. Elle ne donne toutefois pas, pour l’instant, de réelles
précisions sur les modalités de mise en œuvre de cet espace, pour lequel un
budget de 810 millions d’euros a été voté.
Le « programme de travail
actuel » déployé dans le cadre de « EU4Health » est vaste,
résume ainsi la porte-parole de la Commission, qui précise qu’un « large
éventail d’actions » est soutenu. De nombreux appels à projets, dont
la plupart est gérée par l’Agence exécutive européenne pour la santé et le
numérique (HaDEA), ont été, sont et seront lancés. Un appel a ainsi récemment
été lancé du 18 juin au 10 octobre 2024 pour le « développement de
services sociaux pour le soutien psychosocial et la réadaptation des enfants et
de leurs familles dans les cliniques d’oncologie pédiatrique », un
autre pour la création d’un « réseau européen des jeunes survivants du
cancer » ou encore, un autre « pour promouvoir l’adoption de
l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé », en cours du
17 septembre 2024 au 22 janvier 2025. « La Commission procède
actuellement à l’évaluation intermédiaire du programme dans le but de fournir
une analyse factuelle de ses progrès et de son impact », conclut la
porte-parole de l’instance. À l’issue, « la mise en œuvre du programme
sera ajustée si nécessaire ».
Nathalie Ratel
Pi+
1/ Dans la foulée des élections législatives
européennes, le Parlement européen a réélu, le 18 juillet, Ursula von der Leyen
à la présidence de la Commission européenne jusqu’en 2029. Les postes de
commissaires européens ont, eux aussi, été remaniés, après approbation du
Parlement. Ainsi, le Hongrois Olivér Várhelyi a été nommé commissaire pour la
santé et le bien-être animal.
2/ L’organisation des soins et services de
santé, ou encore, le remboursement des actes (para) médicaux, relèvent de la
compétence de chaque État membre de l’UE. L’Europe, elle, « contribue à
améliorer la santé publique par le financement et la législation sur la lutte
contre les menaces transfrontières graves sur la santé, les médicaments, les
droits des patients en matière de soins de santé transfrontières, la prévention
des maladies et la promotion de la santé », rappelle le Conseil
européen. Bref, elle « complète » les politiques nationales de
santé. Toutefois, son champ d’intervention est beaucoup plus large qu’il n’y
paraît.
3/ Règlement (UE) 2021/522 du Parlement
européen et du Conseil du 24 mars 2021 établissant un programme d’action
de l’Union dans le domaine de la santé (programme « L’UE pour la santé »)
pour la période 2021-2027.
4/ Communication de la Commission au
Parlement européen et au Conseil, mai 2022.
5/ «
Impact Assessment on the European Health Data Space », Commission
européenne, mai 2022.
THÉMATIQUES ASSOCIÉES
Infos locales, analyses et enquêtes : restez informé(e) sans limite.
Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.
0 Commentaire
Laisser un commentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *