Politique

L'Union européenne choisit de s'engager pour la santé


jeudi 10 octobre 20247 min
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La santé est, selon les propres mots de la Commission européenne, « une priorité » pour l’Union européenne (UE), qui souhaite bâtir une véritable « Union européenne de la santé », bien qu’elle n'ait normalement qu’une compétence subsidiaire. À cette fin, elle a adopté le programme « EU4Health » (« L’UE pour la santé »), doté d’un budget de 5,3 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Dans le cadre de ce programme, en cours d’évaluation intermédiaire, la Commission vient d’ailleurs tout juste d’annoncer une série de mesures pour « attirer et retenir » les infirmières en Europe.

La Commission européenne a signé, le 2 septembre, un accord avec le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe. L’enjeu : aider les États membres de l’Union européenne à retenir les infirmières dans leurs systèmes de santé et à rendre la profession plus attrayante. Un budget de 1,3 million d’euros a été débloqué en ce sens, dans le cadre du programme EU4Health. Comme l’a rappelé Stella Kyriakides, qui, il y a encore peu, était commissaire européenne chargée de la santé et de la sécurité alimentaire (1), « le personnel infirmier est l’épine dorsale de nos systèmes de santé et joue un rôle essentiel pour garantir que les patients reçoivent des soins professionnels de qualité lorsqu’ils en ont besoin ».

Un projet de 36 mois

Elle s’était ainsi dite « ravie de travailler avec l’OMS Europe sur cette importante initiative », qui s’étendra sur une période de 36 mois et devrait participer à « résoudre les graves problèmes de personnel de santé auxquels sont confrontés de nombreux États membres » tout en améliorant « la résilience des systèmes de santé dans l’ensemble de l’Union européenne ».

Le projet, qui s’adaptera aux besoins locaux et nationaux sur le territoire de l’UE, prévoit « la création de plans d’actions de recrutement », des « programmes de mentorat pour attirer une nouvelle génération d’infirmières », la « rédaction d’évaluations d’impact » pour « comprendre les problèmes derrière les pénuries structurelles » de personnel infirmier, « des stratégies pour améliorer la santé et le bien-être des infirmières », ainsi que « la mise en œuvre d’opportunités de formations et d’actions pour garantir que le personnel de santé puisse bénéficier des avantages de la transformation numérique ».

« L’UE pour la santé »

Le projet est ambitieux… et ce n’est pas la première fois que l’Union européenne s’empare de sujets « santé ». De fait, si elle n’a en soi que peu de compétences en la matière (2), elle n’hésite pas à intervenir de plus en plus dans des domaines liés : prévention, recherche, innovation, lutte coordonnée contre les pandémies… les décisions et crédits débloqués pour renforcer la santé des Européens se multiplient, et ce, d’autant plus depuis la crise Covid avec l’adoption de ce fameux programme EU4Health. « La pandémie a mis en évidence la fragilité des systèmes de santé nationaux. Le programme contribuera à relever les défis sanitaires à long terme en construisant des systèmes de santé plus solides, plus résilients et plus accessibles », nous détaille une porte-parole de la Commission.

Une « task force européenne permanente »

Concrètement, l’objectif est de « permettre à tous les pays de l’UE de se préparer et de mieux réagir ensemble aux crises sanitaires », poursuit l’institution. Si la gestion des risques et des crises relève de la responsabilité des États membres, l’UE est compétente lorsqu’il s'agit de soutenir, de coordonner et de compléter les actions nationales… avec l’appui du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), dont les missions ont été renforcées en réponse à pandémie. Son rôle ? Surveiller les risques sanitaires émergents afin de coordonner les réponses à ces risques, fournir aux États membres de l'UE des conseils scientifiques indépendants, une assistance et une expertise concernant les menaces pour la santé publique et, à terme, créer un réseau de laboratoires de référence travaillant sur les nouveaux agents pathogènes. Pour aller plus loin, l’UE ambitionne également la création d’une task force européenne permanente et prête à être déployée en cas de besoin.

5,3 milliards d’euros pour 2021-2027

La « santé publique est une priorité pour l'UE », qui souhaite bâtir une véritable « Union européenne de la santé », complète la porte-parole de la Commission européenne. Pour atteindre cet objectif, le programme EU4Health (« L’UE pour la santé ») a été établi par un règlement européen en date du 24 mars 2021(3). Il a été doté d’un budget de 5,3 milliards d’euros pour la période 2021-2027, afin de financer des actions dans différents domaines : la réduction du nombre d'infections résistantes aux antimicrobiens, l’amélioration des taux de vaccination sur le sol européen (contre le HPV et l’hépatite B, par exemple), la lutte contre la consommation nocive d’alcool ainsi que l’exposition des jeunes à la vente de spiritueux, la promotion d’une alimentation saine et de l’activité physique à travers la campagne « HealthyLifestyle4All » (un mode de vie sain pour tous)…

Le programme « EU4Health » fonctionne « en synergie avec d’autres programmes, politiques, instruments et actions de l’Union », précise la Commission. Parmi eux : le programme pour une Europe numérique (Digital Europe), destiné à « soutenir l’expansion des infrastructures de santé numériques telles que les dossiers médicaux électroniques et les services de télémédecine ». Le programme s’articule également avec le programme-cadre de l’UE pour la recherche et l’innovation pour la période 2021-2027 (Horizon Europe), le programme InvestEU (pilier clé du grand plan de relance post-Covid-19) ou encore, les actions du Fonds européen de développement régional, par exemple, pointe la Commission.

Un plan cancer ambitieux

L’UE souhaite par ailleurs renforcer la lutte contre le tabagisme, afin que moins de 5 % de la population européenne soit fumeuse d’ici à 2040. Cette ambition est au cœur du Plan européen pour vaincre le cancer, lancé en 2021 et doté d’une enveloppe de 4 milliards d’euros. « En 2020, nous avons perdu 1,3 million d’Européens à cause de cette maladie. Et malheureusement, le nombre de cas est en augmentation », avait alors rappelé Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. L’UE entend donc accroître la coopération entre États membres pour améliorer la prévention, le traitement et le suivi des cancers, réduire l’exposition aux substances cancérigènes et aux rayonnements, mais aussi favoriser la recherche et la mise à disposition de traitements innovants à des prix abordables.

Dans ce cadre, le Système européen d’information sur le cancer (ECIS en anglais), qui centralise les données d’incidence, de mortalité et de survie aux différents cancers à travers l’Europe, est en cours de consolidation. Un réseau européen de centres intégrés de cancérologie ainsi qu’une mutualisation des bases de données d’imagerie oncologique sont également prévus, de même qu’une plateforme européenne visant à améliorer l’accès aux médicaments anticancéreux !

Un Espace européen des données de santé

Autre dossier clé de l’UE : la construction, d'ici à 2025, d’un Espace européen des données de santé (EHDS, en anglais) pour améliorer la prise en charge des patients au sein de l’Europe des 27, en facilitant, quel que soit le pays, l’accès des soignants aux dossiers médicaux (antécédents, traitements en cours, examens radiologiques et biologiques, allergies, groupe sanguin…). L’intérêt médical, mais aussi financier est soulevé par la Commission européenne (4). « Une interopérabilité accrue des données de santé entre les prestataires de soins de santé pourrait entraîner des économies importantes pour les patients et les systèmes de santé, étant donné qu’environ 10 % des images médicales prises dans les États membres de l’UE (coûtant environ 14 milliards d’euros par an) sont considérées comme inutiles », relève-t-elle (5). Au-delà, l’EHDS aura également pour mission de « contribuer à l’analyse transfrontière des données de santé électroniques à des fins de recherche, d’innovation, de statistiques officielles, d’élaboration de politiques et de réglementation », précise la Commission européenne, qui entend « libérer tout le potentiel » des data de santé après anonymisation. Elle ne donne toutefois pas, pour l’instant, de réelles précisions sur les modalités de mise en œuvre de cet espace, pour lequel un budget de 810 millions d’euros a été voté.

Appels à actions et propositions

Le « programme de travail actuel » déployé dans le cadre de « EU4Health » est vaste, résume ainsi la porte-parole de la Commission, qui précise qu’un « large éventail d’actions » est soutenu. De nombreux appels à projets, dont la plupart est gérée par l’Agence exécutive européenne pour la santé et le numérique (HaDEA), ont été, sont et seront lancés. Un appel a ainsi récemment été lancé du 18 juin au 10 octobre 2024 pour le « développement de services sociaux pour le soutien psychosocial et la réadaptation des enfants et de leurs familles dans les cliniques d’oncologie pédiatrique », un autre pour la création d’un « réseau européen des jeunes survivants du cancer » ou encore, un autre « pour promouvoir l’adoption de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé », en cours du 17 septembre 2024 au 22 janvier 2025. « La Commission procède actuellement à l’évaluation intermédiaire du programme dans le but de fournir une analyse factuelle de ses progrès et de son impact », conclut la porte-parole de l’instance. À l’issue, « la mise en œuvre du programme sera ajustée si nécessaire ».

Nathalie Ratel
Pi+

1/ Dans la foulée des élections législatives européennes, le Parlement européen a réélu, le 18 juillet, Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne jusqu’en 2029. Les postes de commissaires européens ont, eux aussi, été remaniés, après approbation du Parlement. Ainsi, le Hongrois Olivér Várhelyi a été nommé commissaire pour la santé et le bien-être animal.
2/ L’organisation des soins et services de santé, ou encore, le remboursement des actes (para) médicaux, relèvent de la compétence de chaque État membre de l’UE. L’Europe, elle, « contribue à améliorer la santé publique par le financement et la législation sur la lutte contre les menaces transfrontières graves sur la santé, les médicaments, les droits des patients en matière de soins de santé transfrontières, la prévention des maladies et la promotion de la santé », rappelle le Conseil européen. Bref, elle « complète » les politiques nationales de santé. Toutefois, son champ d’intervention est beaucoup plus large qu’il n’y paraît.
3/ Règlement (UE) 2021/522 du Parlement européen et du Conseil du 24 mars 2021 établissant un programme d’action de l’Union dans le domaine de la santé (programme « L’UE pour la santé ») pour la période 2021-2027.
4/ Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, mai 2022.
5/ « Impact Assessment on the European Health Data Space », Commission européenne, mai 2022.

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