L'association Femmes de justice demande des engagements pour la parité


samedi 2 février 20194 min
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Profitant de son assemblée générale au Palais Bourbon en décembre dernier, Femmes de justice a lancé une vaste réflexion sur la visibilité des femmes et la parité. L’occasion d’établir des constats qui dérangent, de réclamer les mesures qui s’imposent, et de réfléchir, ensemble, pour « faire bouger les choses ».

Le lieu était symbolique. Le 7 décembre dernier, Femmes de justice organisait son assemblée générale au sein de la salle Colbert, chargée d’histoire et de combats démocratiques, du Palais Bourbon. Après avoir procédé à la nomination de trois nouvelles administratrices et à l’annonce de grands axes d’action pour 2019, l’association créée en 2014, qui revendique la volonté de favoriser, promouvoir et consolider la parité entre les femmes et les hommes au sein du ministère de la Justice, a proposé à un public – très majoritairement féminin – un après-midi de réflexion autour d’une question centrale : « La femme, invisible ? ». Volontairement provocatrice, l’interrogation était notamment partagée par Véronique Malbec, secrétaire générale du ministère de la Justice, Peimane Ghaleh-Marzban, directeur des services judiciaires, Madeleine Mathieu, directrice de la Protection judiciaire de la jeunesse, Nathalie Ancel, directrice adjointe de la Direction des affaires criminelles et des grâces et Véronique Sousset, directrice de cabinet du directeur de l’administration pénitentiaire, venus assister aux deux tables rondes.

« J’ai trop entendu à propos d’une nomination, de la composition d’une table ronde, d’un colloque ou d’un groupe experts : “Nous avons cherché des femmes, nous n’en avons pas trouvé !”, ou pire : “Nous avons d’abord cherché des compétences...” Est-il sérieusement possible, dans un ministère composé de 65 % de femmes, qu’on ne trouve que des hommes ? Les femmes sont-elles incompétentes, invisibles, se cachent-elles délibérément ? Non, les femmes du ministère de la Justice sont expertes, intelligentes, engagées, responsables, compétentes, talentueuses, performantes : elles méritent le soutien de leur Ministère et de leur administration[et] nous avons la conviction qu’il faut les représenter pour les rendre visibles », a martelé Ombeline Mahuzier.

La présidente de l’association, cheffe du pôle d’évaluation des politiques pénales à la DACG, a donc joint le geste à la parole en dévoilant le nouveau logo de Femmes de justice, en écho au thème de l’après-midi. « Il s’agit d’un visage de femme, a-t-elle décrit, car les lieux de justice et de droit sont trop souvent uniquement remplis de bustes, de portraits et de noms d’hommes ; les colloques et les ouvrages rendent bien davantage hommage à nos pairs masculins. C’est, aussi, une femme dont l’œil grand ouvert représente la balance de la justice et de l’équilibre que nous voulons atteindre - mais cet œil grand ouvert est également celui de la vigilance. »

La présidente de Femmes de justice Ombeline Mahuzier invite à la vigilance quant au nombre de postes qui n'ont jamais été attribués à des femmes

« Nous devons garder une vision claire de la réalité et nous interroger : avons-nous vraiment progressé ? Combien de postes n’ont jamais été attribués à des femmes ? » Selon la présidente de Femmes de justice, moins de 35 % des postes de chefs de juridictions seraient en effet occupés par des femmes. Un chiffre qui étonne d’autant plus que, comme l’a fait remarquer la magistrate et directrice adjointe en charge des recrutements, de la formation initiale et de la recherche à l’ENM, Emmanuelle Perreux, les femmes sont majoritaires au sein de la magistrature depuis 2002. Aujourd’hui, 66 % des magistrats sont des magistratEs. « On pourrait donc se dire que la visibilité va de soi. D’autant que le CSM parle de la place des femmes au sein de l’institution judiciaire depuis 2003. Mais ce qui frappe, c’est qu’il s’agit uniquement de chiffres par lesquels est constaté le déficit de femmes aux postes à haute responsabilité. Des chiffres parlants, des rapports, mais dont aucune conséquence ni analyse n’est jamais tirée. »

De son côté, le ministère de la Justice manque totalement de transparence en la matière, a estimé Ombeline Mahuzier. La présidente de Femmes de justice a donc appelé à une « vraie politique d’égalité, volontaire, positive, explicite, avec des objectifs ambitieux et une évaluation régulière, transparente », et à ce que le ministère de la Justice s’engage dans une vraie réflexion sur l’organisation du travail et l’équilibre des temps de vie.

Une politique de RH volontariste pour atteindre la parité

Pour la haute-fonctionnaire chargée de l’égalité femmes-hommes au ministère de la Justice, insuffler la culture de l’égalité femmes-hommes et actionner les leviers pour la garantir dépasse largement le champ des revendications féministes : « Par ce prisme, c’est la modernisation de l’institution, à travers celle de la gestion de ses ressources humaines, qui est recherchée. » Selon Isabelle Rome, les entreprises et les institutions qui respectent la mixité seraient plus performantes. « Légalité professionnelle et la parité sont des leviers puissants permettant l’attractivité, la modernisation et la performance », a approuvé Ombeline Mahuzier.

Emmanuelle Perreux, magistrate, directrice adjointe de la formation initiale à l’École nationale de la magistrature, a donc vivement recommandé que soit menée, en parallèle, une politique de ressources humaines volontariste pour atteindre la parité. Cette dernière a notamment dénoncé avec vigueur les obstacles statutaires préjudiciables particulièrement aux magistrates mères de familles, à l’instar de l’exigence de mobilité géographique qui, dans la magistrature, atteint, selon elle, « des sommets ». Infostat justice avait ainsi indiqué en avril dernier que le ministère de la Justice avait fait le constat d’une ancienneté à leurs postes à peine supérieure à deux ans pour la moitié des magistrats. Par ailleurs, selon Emmanuelle Perreux, le Conseil supérieur de la magistrature encouragerait « l’exigence excessive de mobilité ». Or, « de nombreuses magistrates retardent leur avancement au premier grade pour ne pas pénaliser leurs enfants en bas âge, mais ce retard ne se rattrape jamais », a-t-elle déploré.

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