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Profitant
de son assemblée générale au Palais Bourbon en décembre dernier, Femmes de
justice a lancé une vaste réflexion sur la visibilité des femmes et la parité.
L’occasion d’établir des constats qui dérangent, de réclamer les mesures qui
s’imposent, et de réfléchir, ensemble, pour « faire bouger les
choses ».
Le lieu
était symbolique. Le 7 décembre dernier, Femmes de justice organisait
son assemblée générale au sein de la salle Colbert, chargée d’histoire et de
combats démocratiques, du Palais Bourbon. Après avoir procédé à la nomination
de trois nouvelles administratrices et à l’annonce de grands axes d’action pour
2019, l’association créée en 2014, qui revendique la volonté de favoriser,
promouvoir et consolider la parité entre les femmes et les hommes au sein du
ministère de la Justice, a proposé à un public – très majoritairement féminin –
un après-midi de réflexion autour d’une question centrale : « La
femme, invisible ? ». Volontairement provocatrice,
l’interrogation était notamment partagée par Véronique Malbec, secrétaire
générale du ministère de la Justice, Peimane Ghaleh-Marzban, directeur des
services judiciaires, Madeleine Mathieu, directrice de la Protection judiciaire
de la jeunesse, Nathalie Ancel, directrice adjointe de la Direction des
affaires criminelles et des grâces et Véronique Sousset, directrice de cabinet
du directeur de l’administration pénitentiaire, venus assister aux deux tables
rondes.
« J’ai
trop entendu à propos d’une nomination, de la composition d’une table ronde,
d’un colloque ou d’un groupe experts : “Nous avons cherché des
femmes, nous n’en avons pas trouvé !”, ou pire : “Nous
avons d’abord cherché des compétences...” Est-il sérieusement possible,
dans un ministère composé de 65 % de femmes, qu’on ne trouve que des
hommes ? Les femmes sont-elles incompétentes, invisibles, se cachent-elles
délibérément ? Non, les femmes du ministère de la Justice sont expertes,
intelligentes, engagées, responsables, compétentes, talentueuses,
performantes : elles méritent le soutien de leur Ministère et de leur
administration, [et] nous avons la conviction qu’il faut les
représenter pour les rendre visibles », a martelé Ombeline Mahuzier.
La présidente de l’association, cheffe du pôle d’évaluation des politiques pénales à la DACG, a donc joint le geste à la parole en dévoilant le nouveau logo de Femmes de justice, en écho au thème de l’après-midi. « Il s’agit d’un visage de femme, a-t-elle décrit, car les lieux de justice et de droit sont trop souvent uniquement remplis de bustes, de portraits et de noms d’hommes ; les colloques et les ouvrages rendent bien davantage hommage à nos pairs masculins. C’est, aussi, une femme dont l’œil grand ouvert représente la balance de la justice et de l’équilibre que nous voulons atteindre - mais cet œil grand ouvert est également celui de la vigilance. »
« Nous
devons garder une vision claire de la réalité et nous interroger :
avons-nous vraiment progressé ? Combien de postes n’ont jamais été
attribués à des femmes ? » Selon la présidente de Femmes de
justice, moins de 35 % des postes de chefs de juridictions seraient en
effet occupés par des femmes. Un chiffre qui étonne d’autant plus que, comme
l’a fait remarquer la magistrate et directrice adjointe en charge des recrutements,
de la formation initiale et de la recherche à l’ENM, Emmanuelle Perreux, les
femmes sont majoritaires au sein de la magistrature depuis 2002. Aujourd’hui,
66 % des magistrats sont des magistratEs. « On pourrait donc se
dire que la visibilité va de soi. D’autant que le CSM parle de la place des
femmes au sein de l’institution judiciaire depuis 2003. Mais ce qui frappe,
c’est qu’il s’agit uniquement de chiffres par lesquels est constaté le déficit
de femmes aux postes à haute responsabilité. Des chiffres parlants, des
rapports, mais dont aucune conséquence ni analyse n’est jamais tirée. »
De son
côté, le ministère de la Justice manque totalement de transparence en la
matière, a estimé Ombeline Mahuzier. La présidente de Femmes de justice a
donc appelé à une « vraie politique d’égalité, volontaire, positive,
explicite, avec des objectifs ambitieux et une évaluation régulière,
transparente », et à ce que le ministère de la Justice s’engage dans
une vraie réflexion sur l’organisation du travail et l’équilibre des temps de
vie.
Une
politique de RH volontariste pour atteindre la parité
Pour la
haute-fonctionnaire chargée de l’égalité femmes-hommes au ministère de la
Justice, insuffler la culture de l’égalité femmes-hommes et actionner les
leviers pour la garantir dépasse largement le champ des revendications
féministes : « Par ce prisme, c’est la modernisation de
l’institution, à travers celle de la gestion de ses ressources humaines, qui
est recherchée. » Selon Isabelle Rome, les entreprises et les institutions
qui respectent la mixité seraient plus performantes. « L’égalité
professionnelle et la parité sont des leviers puissants permettant
l’attractivité, la modernisation et la performance », a approuvé
Ombeline Mahuzier.
Emmanuelle Perreux, magistrate, directrice adjointe de
la formation initiale à l’École nationale de la magistrature, a donc vivement
recommandé que soit menée, en parallèle, une politique de ressources humaines
volontariste pour atteindre la parité. Cette dernière a notamment dénoncé avec
vigueur les obstacles statutaires préjudiciables particulièrement aux
magistrates mères de familles, à l’instar de l’exigence de mobilité
géographique qui, dans la magistrature, atteint, selon elle, « des
sommets ». Infostat justice avait ainsi indiqué en avril dernier que
le ministère de la Justice avait fait le constat d’une ancienneté à leurs
postes à peine supérieure à deux ans pour la moitié des magistrats. Par
ailleurs, selon Emmanuelle Perreux, le Conseil supérieur de la magistrature encouragerait
« l’exigence excessive de mobilité ». Or, « de
nombreuses magistrates retardent leur avancement au premier grade pour ne pas
pénaliser leurs enfants en bas âge, mais ce retard ne se rattrape jamais »,
a-t-elle déploré.
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